La sauvegarde d’intérêts hautement personnels est l’instinct le plus partagé de la majorité des présidents africains dans ce XXIe siècle. Ces autorités prennent des mesures punitives contre ceux qu’ils jugent contrevenir à leur gestion quitte à enfreindre aux libertés (expression, opinion, réunion, culte, pensée, vie…) des individus en porte-à-faux à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 à son article 4 dont les Etats sont signataires.

«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.» Cette citation de Antonio Gramsci nous aide à comprendre la situation politique que traversent les pays africains confrontés à une crise de confiance. La prise de conscience de la jeunesse, la contribution osée de la presse sur des sujets épineux dans la conduite des affaires, les réseaux sociaux ont largement contribué à ouvrir de nouvelles perspectives et à mener vers l’inévitable choc des rapports de force constituant le nouveau pouls de la démocratie. Chemin faisant, il est actuellement difficile de concevoir l’organisation d’une gouvernance sans la participation de tous les citoyens à toutes les décisions et à tous les stades. Cette nouvelle donne imprimée par plusieurs facteurs devait aiguillonner nos dirigeants dans leur prise de décision. Malheureusement, nous notons une cécité fondamentale et une permanente surdité de perception guidées par l’excessif instinct de pouvoir. Cet instinct de protéger son pouvoir observé et pratiqué par nos gouvernants africains mène souvent à la confrontation et au bras de fer avec les autres forces vives des pays. A ce stade, dans les grandes démocraties, ce sont de réflexions sérieuses et approfondies, avec toutes les parties prenantes et les acteurs, qui sont tenues. Hélas en Afrique c’est la répression (assassinat, emprisonnement, émeutes…) qui est mise au-devant. La violence dans ce qu’elle a de plus ignoble.
Nos gouvernants africains, eux, choisissent toujours la répression parfois même sanglante et l’emprisonnement comme arme de musellement ou d’étouffement de l’irréversible marche en avant des peuples africains. Ce faisant, le pouvoir du Peuple qui est, par ailleurs l’essence de la démocratie, est bâillonné et malmené dans la rue publique de la République.

Certes la répression n’est pas antinomique au renforcement de la légitimité d’un Etat pour tout contrevenant aux règles et lois, mais réprimer ou mater des acteurs majeurs du jeu démocratique d’un pays à l’autel des intérêts personnels n’est nullement acceptable quels qu’en soient les motifs. Pire nos gouvernants font recours à des bras armés illégaux (milices, nervis…) profanes du service de maintien de l’ordre qui commettent des atrocités sans égales.

Ces pratiques coercitives encouragées par les Etats à travers l’établissement de lois visant à abattre, sous le sceau de la Justice, un ou des adversaires à leurs régimes sont utilisées pour contrôler les conduites dissidentes (opposition, presse, Société civile, association…) au sein de la société. Ceci renforce et creuse ainsi davantage le fossé entre le Peuple gouverné et les autorités gouverneurs. Par conséquent, accroît le sentiment que nos dirigeants agissent par intérêt purement personnel en instrumentalisant la Justice.

Par contre, l’encouragement de la répression participative est légitimé par le discours sécuritaire faisant appel au registre de : la menace terroriste, trouble à l’ordre public, publication d’information à caractère confidentiel, menace de la cohésion sociale, atteinte au chef de l’Etat et renforcé par la manipulation de l’informatisation des techniques de pouvoir. Nos dirigeants mettent des mécanismes qui permettent de produire des subjectivités dominées et actives dans l’entretien des dispositifs exclusifs et punitifs. En cela comment un parti politique ou coalition au sommet de l’Etat peut mettre en place des mécanismes répressifs pour consolider sa légitimité ?

Cette question n’en constitue pas moins un angle mort sinon un impensé, du moins un sous-pensé dans la marche d’une démocratie qui soustende un rapport de force civilisé arbitré par le peuple souverain.

Or, adopter le point de vue de l’adversaire est le plus souvent utile. Se concentrer sur les dynamiques internes (convergences, rapports de force, clivages) et externes (dynamiques ascendantes ou descendantes) de ces mouvements, visent à en conjurer les effets, et plus encore l’asymétrie des positions entre les acteurs en jeu.

En synthèse, déplacer le regard sur ces pratiques qu’utilisent nos gouvernants africains contre leurs peuples, nous trouvons en conclusion les différentes déclinaisons d’un pouvoir autocratique qui s’affirme comme étant le seul véritable auteur de la volonté politique, et par là, prive les moyens de pression subalternes sur la prise de décision politique par l’usage abusive de la répression, l’emprisonnement voire l’assassinat. Museler les autres pouvoirs (législatif, judiciaire, presse et opinion du Peuple) n’est-il pas un handicap de la stabilité de nos pays et un excès de pouvoir au pouvoir en place ?
Nicolas Silandibithe BASSENE