Etre cité dans un livre comme ayant un pouvoir d’influence ne fait de personne un homme exemplaire. Les plus grands penseurs de son époque ont écrit des dithyrambes à la gloire de Hitler. Il y a les pires hommes dans les Guinness. Avoir du pouvoir, être influent, c’est du factuel, comme l’est la richesse. Mais nous savons qu’il y a des gens riches parce qu’ils sont dénués de probité morale. On sait que des hommes ont détourné des deniers publics pour s’enrichir, que d’autres sont passés par des mensonges pour accéder au pouvoir ou manipuler les hommes. Le pouvoir n’est qu’un moyen, ce n’est pas une fin. De tout le temps, les démagogues et les populistes ont eu une grande influence sur les hommes. Nous savons également que le lobbying et la propagande peuvent exagérer la valeur d’un homme. Macky Sall avait une influence régionale et même mondiale : il n’a jamais figuré dans de tels livres. Youssou Ndour a de l’influence, il a débloqué un mur de la dette pour l’Afrique…
L’influence n’a de sens que si elle permet d’infléchir le malheur des peuples en le transformant en bonheur. Trump est en train de disloquer l’économie américaine avec des mesures populistes. Chez nous, c’est une bouche qui nous enfonce chaque jour dans l’abîme ! C’est juste impressionnant ce que les pseudos patriotes savent être incohérents et puérils dans leurs dithyrambes trop artificiels. Des souverainistes de pacotille qui ont besoin de la caution morale et scientifique d’un Pascal Boniface. Dans son livre «La géopolitique de l’Intelligence artificielle», no­tamment dans le dernier chapitre (7) et quelques paragraphes avant la conclusion, voici ce qu’il dit de notre compatriote Mouhamadou M. Cissé :

«Les exemples de spécialistes de niveau mondial qui n’ont pas pu mettre leurs talents au service de la France fourmillent. Citons, parmi de nombreux autres, celui de Mouhamadou Mous­tapha Cissé. Il commence des études supérieures en physique et mathématiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal. Il poursuit un Master puis un Doctorat en France, à l’université Pierre-et-Marie-Curie. En 2016, il est recruté par Facebook France pour travailler sur les questions d’Intelligence artificielle, puis il rejoint Google pour prendre la tête du Google AI Research Center à Accra (Ghana), base du groupe pour l’Afrique.»
Ce monsieur est plus qu’influent, mais personne n’a parlé de lui alors que ce livre qui nous le présente est publié il y a quatre ans. Aucun journaliste, aucun analyste ne s’est intéressé à son cursus. Et Dieu sait qu’il y a beaucoup d’autres Sénégalais qui brillent de l’Ia et de la science en général, mais on préfère relayer et plastronner sur un livre qu’on n’a même pas encore lu ! Pascal Boniface et les auteurs qui ont écrit cet ouvrage sont de grands analystes, des spécialistes de la géopolitique. Mais leur parole n’est ni dogme ni Providence. Pascal Boniface nous a d’ailleurs avertis sur la nocivité des intellectuels faussaires, même s’il a lui-même été accusé de faussaire. Lire à ce propos :
(http://lexpress.fr/…/pascal-boniface-le-geopolitologue…/)
Lire également et surtout (https://www.marianne.net/…/il-a-table-ouverte-au-parc…).
Et pour aller plus loin, lire la controverse sur l’originalité du concept qui sert de
titre à son ouvrage (https://www.acrimed.org/Pascal-Boniface-un-copiste…)
Nous n’avons vraiment pas le temps de polémiquer sur le leadership de Sonko, ce que nous voulons est plus simple : la prise en charge des urgences qui asphyxient le Peuple. Les paysans sont plus qu’angoissés. La campagne arachidière est partie pour être un scandale sans précédent ; les étudiants peinent à percevoir leurs bourses, et les revendications des enseignants sont ajournées. Qu’est-ce qui marche dans ce pays à part la politique ?
Et comment ne pas désespérer de ce pays où un ministre de l’Intérieur est obligé de faire allégeance au Pm, au sein même de l’Hémicycle, comme pour prouver son mérite d’être ministre ? Quand la personne du chef et son amitié ou même son attachement condescendant deviennent le gage de la dignité de la fonction, vous pouvez être sûr que vous tapez avec insistance à la porte de la tyrannie ou du fascisme. A l’origine du fascisme, il y a la décadence morale d’une époque, le désespoir ambiant et la prétention téméraire des plus médiocres.

Les médiocres n’ayant aucune lumière ne trouvent leur salut que dans le fait de s’agglutiner sous les pieds d’un personnage, peu importe sa valeur intrinsèque. Les disciples d’un charlatan sont comme les adeptes de la magie. Le magicien n’a jamais tort : même quand il échoue, c’est soit à cause du magicien ennemi, soit la faute du client-patient. La science échoue, se trompe dans ses prédictions, mais elle sait que ses échecs sont, comme ses réussites, le fruit du respect du principe du déterminisme. Elle trouvera la raison objective de son échec, là où la magie cherche un responsable hors de la nature et des lois. C’est exactement cette psychologie qui est celle des membres de l’engeance : leurs crimes, leurs mensonges et incompétences sont toujours dus aux autres. Cette engeance est le symptôme d’une maladie de notre société, celle consistant à refuser d’être responsable, d’assumer.

Dans une République, l’amitié n’a aucune espèce de place. Evoquer son amitié à un homme, serait-il son chef politique, dans une As­semblée nationale pour justifier on ne sait quoi, est une preuve de grande faiblesse. Qu’un ministre de l’Intérieur se croit être obligé de préciser qu’il doit garantir la sécurité aux membres de l’opposition est une ineptie dans une République normale. Cette génuflexion devant un homme au mépris de la République est la preuve que cette engeance relègue le mérite au rang d’artéfact. C’est une apostasie de la République pour faire le culte d’un homme.

Le culte d’un homme est toujours faux, et les auteurs de ce culte sont tout aussi faux que l’homme qu’ils cherchent à vénérer. C’est parce qu’on sait que l’homme objet de son culte est d’une invincible médiocrité qu’on a besoin de le renforcer pour s’auto-renforcer. Ils savent très bien que le gourou ne vaut pas un radis. Une bande de menteurs n’a plus la vérité comme référence ou norme. Ils jugent les discours et les faits par une norme tacite, mais efficiente dans l’entreprise de manipulation : l’appartenance ou la non-appartenance à l’engeance est la norme de la valeur des actes.
Alassane K. KITANE