«Bu kenn naagu», tant qu’on n’aura pas entendu crier de joie «vive» un tel ou une telle, suite à la proclamation des résultats des élections présidentielles à venir. Malheureusement, les faits et gestes du gouvernement, notamment les propos entendus de sa récente conférence de presse, ne permettent pas de rester serein.

Elections à venir, plutôt qu’élections du 25 février 2024. Déjà rien n’est sûr quant à cette date, bien qu’elle soit fixée par la Constitution.

En effet, les ballons de sonde que certains, sans doute proches du pouvoir, que la proximité des élections présidentielles inquiètent, seraient déjà en train de penser au report desdites élections, leur tenue à date échue ne présagerait rien de bon pour eux, sauf si en tordant le cou aux textes, le Président en deuxième et dernier mandat légal réussisse à faire retenir sa candidature.

Mais attention, l’annonce officielle éventuelle d’un report de la date des élections, dans l’ambiance inquiétante de la situation politique qui prévaut en ce moment dans notre pays, aura de quoi couper le souffle, à cause des conséquences prévisibles qu’elle pourrait entraîner.

Si ce report de date devait être tributaire à l’intention dont le Président Macky Sall est très fortement suspecté d’être encore dans les hésitations sans fin entre «ni oui ni non» à une troisième candidature, il y aurait lieu de prendre ses dispositions pour être à l’abri et mettre à l’abri ses biens, en prévision des conséquences de ce qui pourrait arriver à notre pays, que personne ne souhaite, en quoi nul n’a intérêt.

Mais le caractère très sérieux des élections, surtout présidentielles, devrait pouvoir dissuader ceux qui, craignant que cette date du 25 février 2024 sonne la fin de la multitude de privilèges, qu’ils tirent du règne du Président en place, qui en est le garant, dont rien ne présagerait par les temps qui courent que sa tentative de forcer afin d’imposer sa troisième candidature, ou d’être reconduit s’il venait à être candidat, n’est pas évident. En tout cas, qu’on se le tienne pour dit, certaines pratiques qui étaient possibles, à une certaine époque, le sont de moins en moins. Le report de date d’élections pour «défaraat nguèmb» avant le combat n’est plus de mise.

Seule la survenue d’évènements non souhaitables, qui ne seraient pas prévisibles, tels un marasme économique, une épidémie et j’en passe, ne seraient pas compatibles avec l’organisation de meetings de précampagne et de campagne, tout comme les foules d’électeurs dans les centres de vote le jour J des élections, pourraient valablement être causes de report d’élections, nonobstant le degré d’importance de celles-ci.

En tout état de cause, la sagesse des uns et la prévoyance des autres peuvent permettre d’éviter dans notre pays, des situations catastrophiques qui viennent de se dérouler, entraînant des morts d’hommes, des saccages de magasins, d’infrastructures économiques et universitaires de notre pays.

Il faut que les participants, acteurs politiques affichés ou pas, qui participent à des dialogues avant ou après des crises pour calmer le jeu, rivalisent plutôt à propos d’ancrage des principes démocratiques de vivre en paix ensemble, et cessent d’utiliser la Justice et les forces publiques pour en imposer à une opposition dont les seuls moyens de résistance sont la loi. Mais notons que l’essentiel de l’opposition est fortement décidée à ne pas continuer à se laisser faire.

Pour l’évaluation morale et matérielle de la situation chaotique que les Sénégalais pleurent jusqu’ici, dont la plupart d’entre eux font porter le chapeau, à tort ou à raison, mais plus vraisemblablement à juste raison, au président de la République Macky Sall, pour la simple raison que fort du fait qu’il détient tous les pouvoirs en mains, il croit pouvoir tout se permettre, sans se soucier des dispositions légales et règlementaires qui régissent notre pays. Est-ce une bonne chose ? Certes non, car gouverner par la force, avec le mépris de tous les contre-pouvoirs, a des limites qui peuvent être atteintes à tout moment, au moment où personne ne s’y attend.

Et en guise de précautions pour que nous ne connaissions plus des catastrophes telles que nous venons de vivre, nos gouvernants, ou plus précisément Monsieur le Président Macky Sall, car c’est bien lui et lui seul qui est en réalité le responsable de tout ce qui peut être à l’origine profonde des évènements malheureux qui nous arrivent, depuis que l’idée de troisième mandat le hante. Bien sûr tous les corps de sécurité, tous les corps de contrôle, tout ce qui touche de près ou de loin aux juridictions lui obéissent au doigt et à l’œil et il s’arme du terrible article 80 du Code pénal que son prédécesseur comme lui, étant dans l’opposition, avait promis de faire sauter une fois au pouvoir.
Malheureusement la promesse n’est pas une dette pour eux. Et la jouissance du pouvoir peut faire reléguer au second plan des engagements antérieurs.
En souvenir d’une regrettée militante de la cause des droits de l’Homme, Maître Mame Bassine Niang, lors d’un dialogue entre des délégués de partis politiques et autres personnalités se disant indépendantes, prenant la parole, avait rabroué un délégué du parti au pouvoir de l’époque qui s’était prononcé violemment contre un appel qu’en tant que membre de la délégation de la Ld/Mpt, j’avais lancé, attirant l’attention du régime à l’époque que certains irresponsables proches du pouvoir causent plus de tort que du bien au pays.

Pour ce délégué va-t’en guerre, le parti au pouvoir du Président Abdou Diouf devait «faire face avec détermination et sans complaisance à ses opposants qui veulent l’empêcher de gouverner…». Une telle sortie au vitriol poussa Maître Mame Bassine Niang à dire ceci : «Au moment où le Président Abdou Diouf a initié cette rencontre pour éteindre le feu qui couve, les propos du délégué de son parti qui vient de prendre la parole ne dénotent pas une préoccupation de quelqu’un qu’une situation de feu et à sang dans notre pays dérangerait.»

Cette réaction acerbe qu’avait adressée Maître Mame Bassine Niang au fameux dioufiste peut être adressée aussi à Monsieur Lat Dior Diop, Directeur général de la Lonase, qui est au Président Sall ce que l’autre était au Président Abdou Diouf pour avoir dit : «…Sonko doit être arrêté, il y va de la stabilité de l’Etat, c’est un délinquant, le responsable des tueries (l’Obs, 08/06/2023).» Est-ce là un genre de sortie à encourager ? Pas du tout, bien au contraire et pour «la stabilité de l’Etat».

Autant le socialiste de tantôt ne savait pas de quel genre de propos avait besoin le Président Abdou Diouf qu’il cherchait à plaire, au moment très critique où lui-même présidait son dialogue, autant Monsieur Lat Dior Diop a été mal inspiré. Pourquoi ? No comment, it needn’t.

Certains participants audit dialogue avaient également tenu des propos plus ou moins incendiaires dont notre pays n’a pas besoin dans la situation actuelle où couvent des braises.

Mais pourquoi tout ça est si préoccupant que pour la première fois depuis l’indépendance de notre pays, l’Armée avait fait irruption à la Place de l’Indépendance, et certainement pour cause ! En tout cas, la situation interne de «ni paix ni guerre» peut mener à tout dans notre pays où on se soucie de moins en moins de ce que les textes qui ont pour raison d’être, en priorité, la garantie de la paix sociale.

Que ces textes ne soient pas foulés aux pieds comme des mouchoirs en papier par des citoyens absolument irresponsables.

Rien de ce qui pourrait en découler ne surprendra personne dans un pays où règne un tel libre-arbitre de l’ex-mentor du Président Macky Sall, dans son apogée au pouvoir, s’était permis de faire, entre autres, les deux déclarations : «tout ce que je vise, je l’atteins », «si je veux, je peux nommer même mon chauffeur ambassadeur».

Que l’heureux futur successeur du Président Macky Sall, à l’expiration de son deuxième et dernier mandat, évite de suivre sans discernement ses traces, surtout l’emprisonnement à domicile d’un opposant.

Que contrairement à celui-ci dont force est de reconnaitre qu’il aura laissé derrière lui des réalisations à la fin de son second et dernier mandat constitutionnel en cours, ceux qui lui succèdent n’oublient jamais que leur pouvoir ne sera pas héréditaire et qu’il faudra dès leur prise de fonction, qu’ils se mettent à préparer à quitter lesdites fonctions un jour ou l’autre et à laisser derrière eux de bons souvenirs.
Me Wagane FAYE