En ces temps de confinements débridés, le silence fait loi, loin des éclats de rire et de la joie de se retrouver entre «enfants d’Adam». La seule logique qui semble s’imposer est celle des statistiques morbides et le rituel froid de la cellule de communication du ministère de la Santé, qui fait planer la mort sur nos têtes, prisonniers que nous sommes devenus d’un virus et de lois et mesures de survie. Or seule la liberté contribue à rendre les Hommes dignes, à en faire de véritables citoyens, ni conformistes ni rebelles, mais responsables, voire critiques. L’acuité des conflits et contradictions actuels met en évidence le fait que par sa nature, la loi ne peut se contenter, en fait d’objectif final, ni du respect de la personne qui omettrait les impératifs de la vie en société ni d’un culte de la collectivité qui lui sacrifierait la personne.
A ce titre, imposer au nom du bien commun un sacrifice qui ne pourrait pas moralement être accepté comme justifié, soit parce qu’on demande trop soit parce que le résultat serait disproportionné, revient à sacrifier l’homme à la société. Le droit fondamental de l’homme consiste à demander à être traité comme un être raisonnable. Dès lors, si à travers la loi l’atteinte du bien commun ne consiste pas dans la recherche d’un équilibre en développant tous les instruments d’une vie sociale active et féconde, sans demander aux individus plus qu’ils ne peuvent accepter, sans avoir le sentiment d’être sacrifié, alors la loi sera injuste.
Elle sera injuste, tout simplement parce qu’elle ne remplit pas sa finalité essentielle qui, seule, autorise le législateur à mettre dans la balance son autorité et aussi la menace pour provoquer par chacun l’adhésion et l’action dans le sens indiqué. La loi ne peut être obéie que dans la mesure où les citoyens ont le sentiment profond que l’ordre légal est en relation avec les valeurs qui s’imposent inconditionnellement, dans la sauvegarde bien comprise de leurs intérêts propres et immédiats. Préserver la santé et garantir la survie des populations, en pleine pandémie de la Covid-19, est une obligation absolue de l’Etat qui a le devoir d’user de tous les attributs du pouvoir pour atteindre cet objectif suprême.
Cependant, force est de reconnaître que pour que le citoyen se considère obligé personnellement au respect de telles lois, il faut que la nécessité sociale que ces lois expriment soit comprise comme orientée essentiellement à la fin personnelle de l’Homme. Alors seulement on peut parler de légitimité et par suite d’efficacité, car la loi sera appliquée et acceptée dans toute sa rigueur.
Certes l’homo senegalensis a longtemps laissé aux démurges et autres demi dieux, aux enchanteurs et aux génies, la charge de faire le bien et de rendre la justice, car il s’en tenait à l’existence manifestée, au monde tel que ses cinq sens le présentait. Nous n’avons pas choisi le monde que nous vivons actuellement, «le cours des choses» fait que nous l’avons conquis, avec ses tares marquées des affres et vicissitudes de cette histoire tumultueuse que nous partageons avec le reste du monde. Le paradigme a muté et fait que la pratique actuelle prend le pas sur la théorie qui se tient à des formulations périmées, prouvant encore une fois que l’échec est partout quand la sur-stimulation cognitive et sensorielle génère des formes multiples d’inadaptation. De ce point de vue, nos libertés de pensée et d’agir sont toujours à l’abandon et restent encore à conquérir.
Il n’y a d’ordre que celui qui détermine une finalité et tout ordre génère désordre, notamment parce qu’il y a nécessairement opposition entre les différentes conceptions de l’ordre.
L’histoire révèle en permanence ce conflit et la nature elle-même s’y invite parfois. Mais c’est la philosophie et peut-être la métaphysique qui l’expriment le mieux, car ce conflit met en cause les valeurs fondamentales autour desquelles s’ordonne la condition humaine.
L’ordre se défend en absorbant le mouvement et le mouvement s’apaise en s’inscrivant dans l’ordre. Telle en est la problématique ou la dialectique. Ainsi, si le désordre dépasse le seuil du tolérable, il devient révolution pour la conquête du pouvoir politique qui tend à incarner la vision d’un ordre futur à établir.
Rousseau, dans son contrat social, définissait ainsi la tâche du politique : «Trouver une formule d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste libre.»
Depuis des siècles, l’individu n’est légitime qu’en tant que parcelle de la Nation souveraine et l’émergence de l’Etat, puis son affirmation ne fait pourtant qu’écraser l’individu, seule réalité porteuse d’espérance.
Dans le contexte actuel où la Covid-19 semble être le nom de code du cheval de Troie d’une entreprise précipitée et inavouable, les mots prennent un autre sens et les institutions un grand retard, car de plus en plus il existe une différence entre les exigences d’une situation et les moyens de les satisfaire.
Point de doute : notre pays et l’Afrique ont des futurs certains, comme un éventail de possibles prometteurs et canaliser les effets du «choc Covid-19» c’est vouloir aller vers un futur préférable, tout à fait à portée de main.
Evoluer en toute sérénité dans une mouvance de résilience raisonnée, c’est découvrir et dépasser ces nouvelles contradictions, donc légiférer pour y faire face et les surmonter, même si là également la liberté est parfois aussi le droit de ne pas y croire.
L’Etat, par sa fonction régulatrice, serait-il le seul habilité à définir les besoins du Peuple en imposant des stéréotypes de vie pour tous, au risque de faire perdre à chacun jusqu’au goût de la liberté, faute d’être en mesure de satisfaire ses besoins primaires ?
Pour notre part, nous estimons qu’il n’y a pas de destin inexorable, et le législateur doit toujours faire œuvre créatrice et porteuse d’un grand dessein, pour aller vers un destin qui le serait tout autant. Voilà notre aspiration et nos vœux souvent exprimés ou parfois tus tendent vers le rayonnement de notre pays et l’épanouissement de nos populations.
Le Prince veut préserver le Peuple, mais ventre affamé n’a point d’oreille ! Les logiques sanitaires et celles biologiques doivent s’accorder et ne pas omettre de faire de la place à celles spirituelles. La vie chez nous est une alliance subtile de matière et d’esprit. L’un ne va pas sans l’autre, lors même qu’il n’y paraîtrait pas.
Faut-il le rappeler ? L’histoire de l’Afrique et de ses populations remonte au jardin d’Eden, n’en déplaise aux néo-obscurantistes. Depuis la nuit des temps, nul projet de les désunir n’a pu prospérer et je ne vois pas une once de particule de succès germer des entreprises funestes des détraqués de la monnaie et de l’économie.
Evoluons résolument, absouts et affranchis des lâchetés comme des fourberies vers cet horizon largement ouvert et plein de prémisses que tout chante, tout acclame ! A présent débarrassé de cette gangue qui tue encore outre-Atlantique, libère, console, réarme, avance et évolue.
Allons ! Déroulons le tapis herbacé et rétablissons les équilibres dans l’union et la concorde, dans un continent recomposé en une République fédérale d’Afrique.
Demain il fera jour.
Mamadou BERTHE
Architecte et Secrétaire national du Rassemblement des Ecologistes du Sénégal
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