Quelques lueurs d’espoir au Parlement

J’ai passé une partie de la semaine dernière à suivre les passages de ministres à l’Assemblée nationale pour le vote de budget de leurs départements respectifs, en se soumettant à un exercice d’échanges avec toute la Représentation nationale. Cette activité logique dans le fonctionnement d’un Etat a de quoi être soulignée, lorsqu’on se rappelle qu’à l’installation de cette quatorzième législature, des élus ont troqué leurs atours de tribuns pour ceux de vulgaires gorilles zélés pour faire dans la démagogie, le populisme primaire et les abus avec l’insulte et l’invective à la bouche, la violence au bout des poings. Ce n’était donc pas étonnant qu’en décembre dernier, la dame Amy Ndiaye Gniby, se fera agresser au sein de l’Hémicycle par ses collègues, Massata Samb et Mamadou Niang du parti Pur.
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J’avais crié mon indignation dans une chronique pour regretter qu’un perchoir occupé par des personnalités de grande envergure comme Lamine Guèye, Amadou Cissé Dia ou Moustapha Niasse, soit devenu le château fort d’entrepreneurs politiques qui n’ont cure d’aucune civilité politique, encore moins de bienséance républicaine. On aura vu qu’avec le temps et surtout en arrivant dans d’autres arcanes de la vie publique, à neutraliser les architectes du chaos, le calme s’impose de nouveau.
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Si on peut dire aujourd’hui une chose du Parlement sénégalais, c’est que l’ordre semble revenu et la civilité reprendre tous les droits. Tour à tour, des députés se sont présentés à toute une assemblée pour interroger de façon rigoureuse le gouvernement sur des orientations budgétaires, après un temps sérieux passé dans des commissions à consulter ce qui leur a pu être remis. On ne peut néanmoins empêcher certains arnaqueurs et entrepreneurs politiques de nos temps, adeptes de la quête de buzz, de tenter des coups d’éclat rugueux devant les caméras télévisées et avec la présence de médias. Ils n’assistent pas aux travaux de leurs commissions, mais vont l’ouvrir pour cracher des discours autant décousus dans le fond qu’ils sont superficiels dans leur forme.
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Sur des questions aussi sérieuses que la gestion des hydrocarbures, la stabilité énergétique, les migrations, le fonctionnement de la Justice, la sécurité de notre pays, les finances publiques, certains députés se sont permis des incartades pour attiser du feu ou jouer davantage dans le registre de la confusion. De telles sorties, lorsqu’elles sont analysées, en disent long sur l’état d’esprit d’élus qui n’ont pas encore la pleine mesure du Peuple qu’ils représentent. Parler au nom d’un Peuple et le représenter auprès de ses gouvernants exigent de la retenue, de la tenue et une clairvoyance pour ne pas crier à tout-va et surtout mettre l’analyse froide au-dessus de l’émotion. Aux côtés des brebis galeuses, il y a dans tout groupe des sources d’espoir. Heureusement pour nous.
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De tout ce marathon budgétaire, l’honorable député Moussa Diakhaté s’est montré un parlementaire totalement conscient de sa mission, rigoureux dans la préparation des séances et surtout très conciliant dans les différents problèmes qui touchaient notre pays sur différents plans et au gré des passages des ministres. C’est rafraîchissant dans un pays où les impostures et les marchands d’illusions peuvent par moments avoir le haut du pavé, d’écouter un élu avec un discours structuré, une argumentation lucide et surtout une logique de représentation embrassant une proactivité et une ouverture. Un élu amoureux du Sénégal et de ses populations, que le verbe sincère dévoile à chacune de ses interventions, car il a su que le service à autrui est la quintessence même d’une vie au service du public. Des députés comme lui, il nous en faut des légions. Il est heureux de constater que le moule avec lequel se bâtissent des serviteurs publics de haute qualité intellectuelle et éthique ne s’est pas brisé, après tous les torrents de populisme et d’anti-républicanisme qui ont voulu mettre le Sénégal à genoux. Des lueurs dans une grisaille ont de quoi raviver toute une foi en l’idéal républicain sénégalais.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn