Quelques questions de l’heure au Sénégal
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Les parties d’opposition promettaient de proposer une loi d’amnistie pour permettre aux sieurs, Karim Meïssa Wade et Khalifa Sall, de retrouver leurs droits d’électeur éligible.
Récemment, le président de la République s’est déterminé à cette voie, fort controversée.
I. Loi d’amnistie ou loi électorale
Les perspectives du ministre de la Justice sont citées par le Journal Le Quotidien du 10 octobre 2022.
«La modification du Code électoral …va permettre à ces personnes de retrouver leur droit à être électrices et éligibles…sans le reproche d’absoudre des personnes des délits d’enrichissement illicite ou de détournement de deniers publics… etc. etc.»
«Dans l’amnistie, on efface les condamnations, on efface même les infractions…»
J’observe que dans cette voie de l’amnistie, la rédaction impersonnelle et non circonstancielle absoudra aussi toute personne, dans les circonstances de temps ou de fait, qui aura été susceptible de poursuite.
Réconciliation et apaisement social pour des faits politiques ou bien pour des faits qui portent atteinte aux biens publics ?
Terrible choix !!!
II. Majorité parlementaire ou blocage du Parlement
Une majorité ou une minorité parlementaire résultant du suffrage universel est l’expression même de la Démocratie dont les autorités sénégalaises vantent notre pays.
La Constitution garantit cet exercice et en dresse les expressions.
La distribution des rôles entre le Législatif et l’Exécutif est faite par la Constitution.
– L’article 67 énumère les domaines dont la loi fixe les règles, et l’article 76 laisse le champ libre à l’exécutif pour tout le reste.
– Concernant les lois de finances (Budget), le président de la République peut les mettre en vigueur par décret dans les conditions fixées par l’article 68 de la Constitution.
Observation : il faut toutefois se garder de lire trop hâtivement l’article 52 (reproduction de l’article 16 de la Constitution française) que même le Général De Gaulle n’a pas évoqué au cours des événements de Mai 68 et à son retour de Baden Baden.
Ces textes n’ont rien à voir avec la situation parlementaire actuelle de notre pays.
Dans l’hypothèse où le chef de l’Etat se sent dans l’impossibilité politique d’obtenir les votes favorables, ou inapte à convaincre et gouverner avec une opposition forte, le recours à une motion de censure concertée, et puis à une dissolution de l’Assemblée nationale, est l’expression même de l’esprit des institutions et du pouvoir démocratique.
III. Troisième candidature ou troisième mandat ?
C’est le journal Pop du 10 octobre 2022 qui transcrit les propos du ministre de la Justice comme suit :
«Je ne suis pas venu pour une question de 3ème mandat parce que la Constitution est déjà écrite et on ne va pas la réécrire. Même si on voulait la réécrire pour faire un troisième mandat, on n’a pas de majorité qualifiée à l’Assemblée nationale pour faire passer le texte…»
Que c’est clair pour les entendeurs et lecteurs avertis !
L’esprit de l’objet impossible dans le droit des contrats inspire-t-il le droit public du contrat social ? Une candidature pour un objet impossible est-elle envisageable ?
Me Doudou NDOYE