On avait l’habitude d’entendre que «le temps de la Justice n’est pas le temps des hommes», mais hier à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a fait valoir un autre principe. D’après Ousmane Sonko, «le temps de la Justice doit être le temps des hommes», parce que «la justice est rendue au nom du Peuple». Le chef du gouvernement, qui s’exprimait dans le cadre de la séance plénière sur les questions d’actualité, a menacé l’opposition et ses détracteurs. D’après lui, il ne sera plus toléré des insultes au nom de la liberté d’expression.Par Dieynaba KANE –

 Le président de la République et son Premier ministre sont sur la même longueur d’onde concernant la question de la pression qu’il faut mettre sur la Justice, contrairement au Garde des sceaux qui a soutenu que le temps de la Justice n’est pas le temps des hommes. Hier, lors de la séance des Questions d’actualité à l’Assemblée nationale, Ousmane Sonko a fait savoir que «le temps de la Justice doit être le temps des hommes». «Pourquoi peut-on faire pression sur le Président ou le Premier ministre, mais pas sur la Justice ? La justice est rendue au nom du Peuple. C’est un principe fondamental», a-t-il insisté. D’après le Pm, «elle doit être rendue avec célérité». Lors de ce face-à-face avec les députés, Ousmane Sonko a donné un cours sur le fonctionnement de la Justice. «L’indépendance de la Justice ne signifie pas une République des juges. Le Parquet reçoit des instructions du ministre de la Justice qui n’est pas une autorité judiciaire, mais une autorité politique dans le sens où c’est un membre du gouvernement qui conduit la politique de ce dernier dans ce secteur. La politique pénale, c’est le gouvernement qui la détermine, ce ne sont pas les magistrats», a-t-il tenu à faire savoir. Poursuivant ses propos, il ajoute : «Ce que j’entends par politique pénale, c’est que dans le corpus légal, l’Etat peut à tout moment dire telle question, je dois la traiter de manière plus rigoureuse ou alors avoir de la flexibilité (…) ça ne doit pas sortir de ce que la loi permet, mais c’est l’Etat qui la définit. La loi dit que le gouvernement, chaque ministre a le droit et même l’obligation de saisir la Justice s’il découvre une infraction, et même d’instruire la Justice. C’est pour des raisons de rationalité que tout cela est mis entre les mains du ministre de la Justice.»

«Notre politique pénale, c’est la tolérance zéro»
Profitant de l’intervention du député Papa Djibril Fall, le Premier ministre a soldé ses comptes avec l’opposition qui lui reproche les arrestations liées à des délits d’opinion. Très offensif, il lance à ces détracteurs : «Vous manquez d’arguments. La liberté d’expression est garantie par la Constitution, mais vous avez peur de m’affronter directement. Vous préférez envoyer des soi-disant chroniqueurs insulter des citoyens honnêtes pour porter atteinte à leur dignité.» Visiblement agacé, Ousmane Sonko fait dans la menace : «Cela ne passera plus au nom de la liberté. On m’accuse d’être derrière ces arrestations, mais je n’ai jamais fait arrêter personne. Le ministre de la Justice, ici présent, peut en témoigner. Cela dit, à partir d’aujourd’hui, j’assume.» Accusant l’opposition d’être derrière les chroniqueurs qui critiquent l’actuel régime, le chef du gouvernement soutient qu’ils devront sortir de l’ombre si leurs chroniqueurs finissent en prison. «Nous maîtrisons ce terrain mieux qu’eux», s’est-il glorifié. Concernant la diffusion de fausses nouvelles, M. Sonko avertit que ça sera tolérance zéro. «Notre politique pénale, c’est la tolérance zéro. La liberté d’expression est garantie, mais pas pour propager de fausses nouvelles», a-t-il menacé.
dkane@lequotidien.sn