Cela n’échappe sans doute pas aux lecteurs du Quotidien, depuis quelque temps, les colonnes de leur journal préféré sont envahies par les annonces tapageuses d’un ancien journaliste reconverti en «homme polotik», Madiambal Diagne, candidat malheureux aux dernières Législatives. Ces extravagances du romancier en herbe ont tout l’enthousiasme charmant des fanfaronnades d’un nouveau papa…
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Déjà peu fréquentable sous le régime de Macky Sall, avec lequel il tisse des liens que je me garderais de qualifier, là, depuis le régime «Sonko môy Diomaye», ce monsieur est devenu le pestiféré. Lorsqu’il m’annonce la parution prochaine de son roman, Le Dîner à la Maison Blanche attendra, je me dis qu’il y a un truc louche en gestation et observe donc une prudente distance sociale. L’ex-candidat aux Législatives use du procédé aussi vieux que Le corbeau et le Renard, pour me faire signer une préface. Il va jusqu’à nous inventer des liens de parenté, usant même de propos de campagne du genre «mon frère d’une autre mère»… Méfiance redoublée : l’histoire contemporaine nous enseigne que lorsqu’un politicien vous appelle «dôm’ou ndèye», l’affaire finit toujours par une tragique entourloupe…
N’étant pas du genre qui renonce, l’approche sentimentale ayant fait chou blanc, le politicien doublé d’un romancier en herbe sort la grosse artillerie : la menace de déterrer une information sensible, enterrée à Yoff, dont il use pour me, euh, persuader quand tout est perdu, fors l’honneur.
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En français facile, on pourrait l’assimiler à du chantage, mais pour éviter tout procès pour diffamation, je dirai juste que ce sont des arguments frappants…
Je me résous donc à lui envoyer une préface faite de bric et de broc en copié-collé.
Tout ceci serait sans conséquence si l’actualité brûlante ne me prouvait le contraire. Par un curieux hasard, juste après l’avènement de Pastef, après le 1er avril 2024, une petite délégation de la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol, la redoutée Dscos, débarque sur le chantier de la tour que le journaliste à casquette de promoteur immobilier construit. Ces fonctionnaires irréprochables sont là, histoire de vérifier qu’il n’y a pas dans ses dossiers, une virgule trop mal venue, un chiffre trop rond ou une photocopie trop lisse pour être honnête.
Rien, hélas.
Le hasard étant curieux, quelques semaines après, lors d’un de ses voyages, le globe-trotter Madiambal Diagne doit rebrousser chemin parce qu’à l’aéroport, la Police des frontières lui réclame un passeport diplomatique imaginaire.
Si ce n’était que ça…
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Cette semaine, la convocation tombe : trois plaintes, du Premier ministre Ousmane Sonko, d’un de ses proches surnommé «Diop Taïf» et enfin de l’homme d’affaires Abdoulaye Sylla, lui aussi reconverti dans la conquête du pouvoir. C’en est assez pour me convaincre de prendre mes distances avec ce Monsieur Diagne.
Vous remarquerez que nous ne sommes pas des familiers.
Sauf qu’il y a une préface signée «Ibou Fall» qui introduit le roman. Dieu merci, c’est en toutes petites lettres. Ça pourrait passer inaperçu, mais il y a toujours un enquêteur qui se réveille de mauvais poil un beau matin et cherche un défouloir parmi les dossiers des gibiers de potence qui s’entassent devant lui.
A force de chercher, le fin limier pourrait tomber sur un innocent préfacier contraint et forcé de cohabiter avec l’ennemi public numéro un. Il lui posera fatalement la question : qui te rend si hardi de préfacer Madiambal ?
Même sous la torture, je nierai toute accointance avec le politicien-romancier de sinistre réputation et introduirai le doute raisonnable sur l’identité de l’auteur de la bafouille : ils devraient chercher le Hibou qui ulule ailleurs, parce que dans le civil, pièce d’identité à l’appui, je me prénomme Ibrahima.
On ne choisit pas son prénom, n’est-ce pas ?
L’affaire est d’autant plus inquiétante que le ministre de la Justice, qui fut procureur dans une autre vie, devant les députés de la Quinzième législature, en guise de renouveau de notre Justice, annonce neuf nouvelles prisons pour les temps à venir. Votre humble serviteur peut jurer que les visionnaires de cette politique carcérale n’envisagent pas une seconde qu’ils construisent ces prisons, aux standards plus humains que les geôles qui nous viennent des temps coloniaux, à l’intention de leur progéniture…
Les délinquants, ce sont toujours les enfants des autres, n’est-ce pas ? Suivez mon regard.
Tout ceci pour annoncer que ce même jour, le jeudi 19 décembre, au Radisson Blu, la présentation de l’ouvrage se fera par l’honorable Maître Aïssata Tall Sall. Et il y a des chances que vous m’y croisiez : rencontrer cette dame distinguée est l’argument-massue devant lequel j’ai capitulé.
Ceci dit, passons aux choses sérieuses : Barthélemy Dias, après s’être fait virer de l’Assemblée nationale qu’il considère comme une rigolade, perd son fromage le plus onctueux, la mairie de Dakar. C’est le Préfet qui le «démissionne» sur plainte d’on ne sait trop qui. C’est comme la loi Ezzan : tout le monde sait que Ezzan s’en fiche complètement, il a juste loué son nom à ses patrons.
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Grave erreur que de croire que le «dôm’ou ndèye» de Ousmane Sonko se laissera bouffer sans se rebeller : c’est à son tempérament de… feu qu’il doit l’affaire Ndiaga Diouf. La série d’agressions des sbires du Pds ne connaîtra son terme que devant la mairie de Baobabs, au son des tirs au pistolet de Barthélemy Dias.
Les procès, les condamnations et l’emprisonnement n’enlèvent rien à sa pugnacité : le lieutenant de Khalifa Sall, p’tit maire de Baobabs-Mermoz-Sacré Cœur passe entretemps maire de Dakar, malgré son mentor qui lui préfère Soham Wardini. Seulement voilà : au plus fort des tempêtes qui soufflètent Ousmane Sonko, Barthélemy Dias reste fidèle au poste, avouant même s’être mouillé pour le Pros, au point de mériter la Cour d’assises…
Le renvoi d’ascenseur de celui qu’il appelle «dôm’ou ndèye» est sans appel : Barthélemy Dias sera le député-maire de Dakar, même si à Pastef, des ambitieux piaffent d’impatience… Pensez donc, cinquante milliards de francs Cfa de budget !
C’est ainsi que la chenille devient papillon. Barthélemy Dias devenu député-maire de Dakar, même s’il ne veut pas écraser son «grand» Khalifa Sall, sa montée en puissance est aussi évidente que le nez au milieu d’une figure. Le fiasco de son mentor à la Présidentielle est presque une aubaine : le boulevard lui est grand ouvert.
Lorsqu’il s’agit de conduire une liste pour la Quinzième législature, il est évident que Barthélemy Dias est le seul gradé digne de ce nom.
Il fait face à son «dôm’ou ndèye», le miraculé sorti de prison depuis mars 2024, devenu entre-temps tout-puissant Premier ministre auquel le président de la République, l’autre miraculé de mars 2024, n’ose rien refuser. La guerre des deux têtes brûlées qui mettent le Sénégal sens dessus dessous depuis 2021 ne fait que commencer. Ousmane Sonko, du haut de sa Primature, fait virer Barthélemy Dias de ses fonctions de député-maire, lequel réplique par deux recours devant les juridictions.
Il faut s’attendre à d’interminables nuits des longs couteaux entre eux, parce que Dakar vaut bien plus qu’un procès…
Par Ibou FALL