Après que l’Angleterre a créé le football, après que la Hongrie l’a révolutionné, après que le Brésil l’a esthétisé et que l’Alle­magne l’a rationalisé, voilà que le Sénégal, de la plus honteuse des manières, le politise en laissant à une mafia qui n’a pas encore dit son dernier mot, le soin d’asphyxier notre sport roi.
Dans ce pays au sud du Sahara, le football a une place dans tous les cœurs. Il est aussi populaire que les confréries religieuses. Tous les citoyens adhèrent à la cause de cette discipline née au pays de Bobby Charlton, ce gentleman racé et respecté. On peut ne pas aimer le sport à onze mais ça ne laisse personne indifférent. Qu’on soit saint ou disciple, autorité ou citoyen lambda, on est fortement impressionné par les résultats des Lions de la Téranga. D’ailleurs, la gestion de ce football fait un tollé général avant et après la réélection de Augustin Senghor qui rempile pour la 4ème fois à la tête de la Fédération sénégalaise de Football (Fsf).
Des plus petits aux moins jeunes, le débat sur le sport en général et le football en particulier est toujours à l’ordre du jour au pays de Jules François Bocandé. Quand l’Equipe nationale joue, tous les discours deviennent caducs. Le centre d’intérêt reste et demeure le ballon rond. Evidemment, il y a toujours quelque chose à dire sur tel ou tel championnat à travers le globe. On s’intéresse éperdument aux écuries où évoluent les footballeurs sénégalais de l’Extérieur.
L’Etat met tous les moyens possibles, certaines entreprises, pour leur visibilité, apportent leur contribution en sponsor et les citoyens supportent comme il se doit. La fédé fait moult promesses. Mais à l’arrivée, le peuple-supporteur ne récolte que de la déception. Le Sénégal n’arrive toujours pas à étrenner une récompense d’envergure internationale. Le 12ème gaïndé est sur sa faim depuis «Caire 86» où l’arbre du foot du pays de Matar Niang et Baba Touré a commencé à fleurir. Malheureusement, depuis la blessure occasionnée à Asmara en 1968, la plaie ouverte refuse de cicatriser.
La maladie causée par ce manque de distinctions internationales est si aiguë que tout le Peuple sénégalais a poussé un cri de souffrance à la déclaration de candidature Augustin Senghor qui avait manifesté la volonté de laisser la place aux autres pour le souffle d’un vent nouveau dans les instances dirigeantes du football sénégalais. Un geste hautement salué par le Peuple. Mais c’était sans compter avec la main experte de ce ministre qui s’est fait réélire à la Ligue de football amateur (Lfa) et qui abat déjà ses cartes pour prendre prochainement le relais de Sen­ghor.
Les rares fois où les Sénégalais ont exulté c’était quand des expatriés ont gagné un trophée à l’Extérieur. Moussa Ndao Thiakass (Widad Athlétic Club), Salif Diagne (Raja de Casablanca), Patrick Vieira et Benjamin Mendy (équipe de France), Salif Diao ( ?), Sadio Mané (Liverpool), et récemment Edouard Mendy (Chelchea) ont, tant soit peu, étanché la soif de trophée continental qui nous déshydrate. Faute de grives, on mange des merles. On s’approprie la moisson des autres. Eh bien, tant mieux si l’on y trouve notre consolation.
Ma foi, depuis le départ de Malick Sy «Souris» de la haute instance du football sénégalais, les politiques ont fait de notre sport-roi une marionnette dont eux seuls savent manipuler avec dextérité les ficelles à leur guise. Certains sont allés jusqu’à dire que la Fsf est devenue un gâteau à partager d’une certaine élite qui œuvre uniquement pour un sport alimentaire. Cette mafia autour de l’appareil footballistique vit du football et a du mal à le faire vivre. Le confort des hôtels et les privilèges qu’octroient les costumes de la fédé poussent les ingrats fédéraux, qui ont fini de montrer leurs limites dans la gestion du sport, à s’agripper mordicus à la balançoire. «Donkassigui, donkassigui,…yéyéyé.» El Hadji Ousseynou Diouf, la fine bouche, ne dira pas le contraire.
Pouah ! La réélection de l’enfant de l’île de Gorée est une pilule amère mais il faut, mal gré bon gré, l’avaler et attendre la suite des évènements puisque l’aile dite du «consensus» a fini de piper les dés et endormir tous les férus du ballon rond dans un jeu de «kotti-kotti yolli-yolli» savamment orchestré par l’insulaire et des affidés du Pouvoir qui ont déjà installé le football du Djoloff sur les bords de l’anfractuosité.
Combien de générations de footballeurs se sont passé la main sous Augustin pendant ses 12 ans de «règne» ? Certes, une belle génération sans médaille.
Combien d’infrastructures se sont détériorées sous Sen­ghor ? A la pelle !
Alors où est passé cet argent gagné à la Coupe du monde Russie 2018 ? «Mess mintingne !»
L’absence de résultats et d’infrastructures dignes de ce nom devrait édifier les Sénégalais sur l’incapacité de l’actuelle classe dirigeante du football à faire rêver les épris du sport. Alors, il est grand temps de faire du bruit pour amener cet establishment à se tenir devant le miroir pour se défaire de ses tares. C’est le moment favorable pour dire à ces apparatchiks du sport que nous avons souffert de leur incompétence. Que nous avons mal de voir le Sénégal échouer à chaque fois qu’on espère embrasser dame Coupe. Nous nous morfondons dans notre amour de l’Equipe nationale du Sé­négal. Nous en avons assez de leur discours démagogique. Le sport n’est pas la politique.
L’Etat qui devait nous épargner des déceptions éternelles a pris fait et cause pour les mafiosi. Il a fait du neuf avec les vieux tocards qui semblent œuvrer pour un retour à l’avant-Caire 86. En effet, ces protégés de l’Etat qui devaient tous faire valoir leur droit à la retraite ou, bien sûr, aller servir la Nation ailleurs sont tout simplement poisseux et nuls. Nuls au point qu’ils ne veulent, ou du moins ont peur de côtoyer les meilleurs.
Alors, la meilleure façon de camoufler leurs échecs c’est de se lancer dans une entreprise tendant à jeter le discrédit et l’anathème sur ceux qui sont capables d’apporter de la vie dans les terrains gazonnés. Que de méchanceté inavouée ! Une boulimie de pouvoir mêlée de cynisme. Selon eux, ils sont toujours les meilleurs. Ils vivent avec la certitude que sans eux rien de bon ne sera fait. Ils sont les maîtres du jeu. Les autres sont souillés. Ils ont les mains sales et sont inaptes dans l’exercice du management. Ils sont toujours perdants.
Dès lors, Augustin et ses acolytes, dans un discours digne de politicien, ont considéré Mady d’inexpérimenté voué aux gémonies. Mon œil ! Et pourtant, ce dernier a fait des réalisations que Augustin lui-même, en tant que président de club (Union sportive de Gorée), n’a pu faire jusqu’à présent. Où est-ce que son expérience a servi le Sénégal ? Qu’ils arrêtent de toujours faire la pose de la première pierre pour ensuite nous bâtir des châteaux de cartes.
Plus d’une décennie à la tête de la Fédération et zéro à la base comme diraient ces inconditionnels déçus de la malgouvernance du foot. Il n’a rien apporté au football local. Il ne nous a pas valu un seul «pot de lait continental».
Le football est utilisé comme fer de lance dans ce 21ème siècle. Pour preuve, la Coupe du monde 2002 a hissé le Sénégal sur l’autel des pays les plus médiatisés. Cela a boosté le tourisme qui a engendré des retombées financières non négligeables. C’est pourquoi nous interpellons l’Etat à comprendre l’intérêt qu’il a à prendre pour le développement du sport en général et du football en particulier, en dépolitisant le milieu et en encourageant des connaisseurs de la discipline comme Mady Touré, Lamine Dieng, Joe Diop, Abdoulaye Diaw, j’en passe, à intégrer la haute instance du foot laissée à la merci des chasseurs de primes.
Dès lors, il était grand temps de propulser une nouvelle tête, avec de nouvelles idées pour une révolution majeure dans le football sénégalais ; au lieu de nous saupoudrer avec un slogan vide de sens : le «consensus». Cette publicité est destinée à ces hommes-là qui ne s’entendaient pas sur le partage du gâteau. Qu’importe la victoire du premier vice-président de la Confédération africaine de football (Caf), les thuriféraires du sport-roi réclament urbi et orbi un changement de comportement pour une meilleure gestion de la seule discipline capable de fédérer tous les cœurs au pays de la Téranga. Donc, que ceux qui viennent d’être réélus arrêtent de cultiver le narcissisme et l’obscurantisme pour le développement du football sénégalais. Qu’ils arrêtent le complotisme dans le football et associent toutes les têtes pensantes du ballon rond pour permettre au Sénégal d’étrenner sa première Can. Autrement, les Gaïndés continueront de trébucher dans les «prés verts» de part et d’autre dans le monde ; la voix des supporteurs se recassera et le Peuple broiera du noir et pleurera comme des diolas en mal de riz ou des halpulars en manque de ndiouni.

Cheikh Ahmed Tidiane DIOUF
chicdiouv@gmail.com