Décédé hier à l’âge de 82 ans, Serigne Moustapha Saliou Mbacké était connu pour sa rigueur et ses principes auxquels il n’a jamais renoncé.

Serigne Moustapha Saliou Mbacké, fils de feu Serigne Saliou Mbacké, est décédé hier à l’âge de 82 ans. Depuis le décès de son père en 2007, il avait presque disparu de la vie publique, se contentant de ses œuvres d’adoration d’Allah. Il était connu pour la constance de ses positions principielles, émanations d’une nature sincère et profonde. Serigne Moustapha Saliou Mbacké a toujours affiché une constance rafraîchissante comme le montrent son incroyable détachement envers le matériel et ses prêches inaltérables, qui ont toujours bluffé son entourage. A Touba, «il ne cessera de surprendre». Et dans la galaxie de certains marabouts, il dérangeait par son franc-parler. Serigne Moustapha Saliou abhorrait les compromissions, ce qui faisait de lui «un marabout craint, respecté et adulé».

Le conflit de la famille de Serigne Saliou avec le géant nigérian de l’industrie, Aliko Dangote, lors de l’installation de sa cimenterie à Pout, a été le théâtre d’une épique lutte de convictions dans laquelle le marabout s’est illustré par une intransigeance surréelle. Le dénouement final marque la signature de Serigne Moustapha Saliou renonçant, au profit de ses frères et sœurs, à sa part des 6 milliards versés par l’industriel nigérian pour accéder à sa cimenterie dont l’ouverture a été retardée par des procédures à rebondissements multiples. Acteur majeur lors de ce feuilleton judiciaire, Serigne Moustapha a, au final, décidé de rester en phase avec ses convictions. Une évaluation révèle que le marabout a renoncé à 83 millions 125 mille francs au profit de ses quatre frères et de ses 3 sœurs, sur les 6,650 milliards que le magnat nigérian a remis aux héritiers du 5ème Khalife général des mourides.

Dans les milieux les plus introduits, pour la majorité des Sénégalais, il épousait toujours des vérités assumées à chaque fois. Ses sorties étaient attendues voire même épiées, même si elles étaient devenues rarissimes ces dernières années. Au sein de la communauté mouride, il a toujours forcé le respect et l’admiration, auprès de toute la communauté musulmane, qu’il éblouissait par son courage. Orthodoxe et très érudit, Serigne Moustapha Saliou a été un homme rigoureux qui disait ce qu’il pensait sans user de langue de bois. Neveu de Serigne Saliou Touré, Serigne Moustapha était très versé dans les connaissances de la Charia et respectueux de la personne humaine.

Dans ses sorties, il faisait savoir qu’aucune confrérie n’est différente de l’autre. «Elles ont toutes la même source, ce sont l’islam, le Coran, le pèlerinage à La Mecque, les cinq prières, le jeûne et le fait de prier sur Mohamed (Psl). Les chemins qui mènent vers Dieu sont divers et immenses, il y en a qui sont difficiles comme il y en a qui sont souples, mais chaque guide religieux, chaque homme de Dieu hérite d’un chantier à sa portée et le Tout-Puissant lui donne les dispositions nécessaires pour remplir sa mission», avait-il coutume de dire.
Respecté dans le milieu mouride, le marabout fut un homme avide de connaissances. Un ancien talibé de Khelcom souffle que le marabout ne pouvait pas «concevoir une personne qui ne veut pas acquérir des connaissances».

Ce fils de Sokhna Maty Diakhaté et de Serigne Saliou Mbacké, était toujours vêtu de grand boubou avec une écharpe blanche sur les épaules. Il est un modèle de courage et de vertu. Très rigoureux, aussi bien avec ses enfants qu’avec ses talibé, Serigne Moustapha a fait ses humanités chez Serigne Sonhibou Mbacké et a été éduqué par Serigne Abdoul Ahad. Il ne faisait pas de compromission avec le pouvoir. En 2007, il n’avait pas reçu l’ex-chef de l’Etat Abdoulaye Wade, qui voulait lui présenter ses condoléances après le rappel à Dieu de Serigne Saliou. Très véridique, il disait toujours ce qu’il pensait.

Serigne Moustapha Saliou, c’est aussi l’écrivain. A son actif, le livre «Les versets tombent, l’histoire certifie» publié en 1999 et traduit en anglais et en français. Serigne Moustapha Saliou, c’est l’humilité, car il fut l’un des rares marabouts qui n’hésitaient pas à emprunter un taxi à Touba. Très attaché à l’idéal mouride, Serigne Moustapha Saliou Mbacké n’avait pas hésité, lors de l’inauguration de la mosquée Boukhatoul Moubarak à Touba, à s’insurger contre les sectes sataniques qui, sous couvert d’un soi-disant «islam orthodoxe» et par divers procédés, tentent de dévier les populations de la bonne voie. «Ils peuvent construire des mosquées ou créer des écoles coraniques, porter le manteau de mécène ou se vêtir d’habits d’adeptes d’œuvres de bienfaisance ou encore de membres d’organisation des droits de l’Homme, etc., mais leur objectif principal est d’éradiquer l’islam», soutenait-il. Adepte de l’organisation et de la méthode, Serigne Moustapha Saliou a surpris un vendredi les journalistes dans le soin apporté aux dossiers sur cette affaire qui les opposait à Dangote.

Il n’était pas connu comme un grand voyageur. Le seul déplacement qui est connu à cet agriculteur a été son déplacement à Istanbul lors du Sommet sur l’habitat où la ville de Touba a été consacrée comme «ville modèle», retenue par l’organisme des Nations unies pour les Etablissements Humains à Istanbul en 1996. Serigne Moustapha, c’est aussi un modèle de transparence. Pour la 1ère fois après le rappel à Dieu d’un Khalife général, l’argent que les talibés avaient mis à sa disposition et les dépenses effectuées, plus ce qui restait en caisse, étaient connus du grand public.

C’est ce qu’il avait fait en 2008 quand il a remis le compte Serigne Touba à El hadji Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, qui avait succédé à Serigne Saliou Mbacké à la tête de la communauté mouride.

Sa disparition hier, comme l’ont déclaré plusieurs disciples, est une «grosse perte pour la Umma islamique, pour la communauté mouride et pour la famille de Serigne Touba». Madiambal Diagne, fervent disciple de Serigne Saliou Mbacké, et de son successeur Cheikh Saliou Mbacké, a tenu à témoigner des qualités de feu Serigne Moustapha Saliou Mbacké : «sa droiture, son sérieux, sa rigueur et son sens de la vérité étaient loués de tous ceux qui l’ont connu et fréquenté», expliquera-t-il.