Khalife général de Thiènaba Seck pendant 12 ans, Serigne Cheikh Ahmad Tidiane Seck, s’est éteint hier à l’âge de 91 ans. Le Sénégal perd ainsi l’un des plus grands spécialistes de l’enseignement du saint Coran selon la méthode traditionnelle.

24 h après le décès de Serigne Pape Malick Sy, la Oumah islamique est encore plongée dans le deuil avec le rappel à Dieu du Khalife général de Thiènaba Seck, Serigne Cheikh Ahmad Tidiane Seck. Le 7e Khalife de Amary Ndack Seck, intronisé au rang de khalife en 2008 suite au rappel à Dieu de Serigne Ousseynou Khar Seck, est parti comme il a vécu dans la plus grande discrétion.
Les fidèles, qui ont assiégé son domicile dès l’annonce de sa mort survenue dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juin à 4h du matin, ont tenu à l’accompagner dans sa dernière demeure au cimetière de Thiènaba Seck où il a été inhumé vers les coups de 11h. Baye Cheikh, comme l’appelait affectueusement ses disciples, était le fils de Ibra Penda, second fils de Amary Ndack Seck, fondateur de Thiènaba Seck. Féru de sciences islamiques, les oulémas du pays reconnaissent qu’il est l’un des plus grands spécialistes de l’enseignement du saint Coran selon la méthode traditionnelle. D’ailleurs le défunt Khalife général des Tidianes, Serigne Abdou Aziz Sy «Al Amine», avait reconnu que Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Seck était l’un des rares guides religieux du pays qui avaient une parfaite maîtrise des sciences en général du Coran. «C’est un Kangforii», disait-t-il.
Ascète et soufi, il a tenu pendant quarante ans le daara de Kaolack, ville où il représentait, en compagnie de son frère Serigne Makhtar Seck, les khalifes de Thiènaba. Il a placé tout son magistère sous le signe de la bonne entente avec les autres centres religieux du pays. Aussi Serigne Cheikh Ahmad Tidiane Seck a-t-il préservé l’héritage et la philosophie du fondateur de Thiènaba Seck. Il s’agit, en effet, de «l’éducation, le travail, la citoyenneté et la dévotion ou Allouwa, Alleba, Allahou Akbar». Une façon pour lui de contribuer à l’émergence du citoyen, comme préconisé par son grand-père. Car pour le défunt khalife, «l’acquisition du savoir est le fondement de tout le reste, dévotion comme travail. Sans connaissances, les actes de dévotion relèvent ou risquent de relever de l’obscurantisme. D’où cette injonction divine : «Connaissez-moi avant de m’adorer, si vous ne me connaissez, comment m’adorer.» Sans connaissance, sans expertise, le travail relève de l’amateurisme. Il devient une agitation dévoreuse d’énergie mais ni efficace ni efficiente. Même les maîtres de la finance mondiale ont fini par se rendre compte de cette évidence. Après l’avoir reléguée au second plan pendant les premières années d’ajustement structurel, ils ont inversé la hiérarchie pour ériger l’éducation en secteur prioritaire.» Serigne Ahmad Tidiane Seck avait fait de «Alleba» ou «travail et citoyenneté», quelque chose de «capital». «Il est le soutien sine qua non pour réaliser en toute pureté les autres obligations, dévotions comme éducation. L’érudit qui ne travaille pas, disait-il, confie son ventre à autrui.» Il poursuivait pour enseigner que «même si on est né dans l’or, cela ne dispense pas du travail, car le travail est une contrepartie pour ne pas vivre en parasite de Dieu. C’est pourquoi, la vraie justification du mot wolof tool (champ), par extension lieu de travail et travail, est celle-ci : instrument pour mesurer son rapport à Dieu. Tool = «fumatollu Yalla»». Pour simplement dire, «le travail est un garant d’autonomie par rapport au pouvoir, par rapport à tout pouvoir. Tout musulman, tout citoyen donc qui ne vit pas de son travail mais en parasite du pouvoir, met sa foi en péril». Car disait-il : «Buur du maye, day keptel», «le pouvoir ne donne pas des cadeaux, il tend des pièges».
Et enfin le dernier mot de la philosophie de son grand-père, «Allahou Akbar» ou dévotion, il enseignait que «la permanence dans ses dévotions est un facteur de renforcement de la crainte de Dieu. Par ailleurs certaines dévotions comme la zakat, l’assistance aux faibles, sont en même temps des actes citoyens de haute portée». Ainsi se résumait la vie du défunt Khalife qui est remplacé à la tête du khalifat par Serigne Abdourahim Seck, fils de Mor Talla Seck.

Thiènaba : de Serigne Amary Ndack Seck à Serigne Abdourahim Seck
Après la disparition du fondateur de la cité religieuse de Thiènaba, Amary Ndack Seck, en 1899, c’est Serigne Momar Talla Seck (1899-1946), l’architecte de la confrérie, qui héritera du khalifat, pendant 47 années. Le fondateur de Thiénaba Gossas et restaurateur de Thiénaba Kajoor est remplacé par Serigne Ibrahima Seck, dont le règne durera 27 ans. De lui, l’histoire retiendra la relation tumultueuse avec Senghor, son opposition catégorique au Code de la famille.
Leader global, khalife absolu, Serigne Ibrahima Seck était pétri de «Baatin», charismatique, autoritaire et généreux tout à la fois. Il était aussi un bâtisseur infatigable. Il a entamé le processus d’urbanisation et de modernisation de Thiènaba. Ce fut ensuite au tour de Serigne Alpha Mamadou Seck (1973-1988), Serigne Mouhamadou Ly Seck, (1988-1992), Serigne Ousseynou Khoudia Seck (1992-1999).
Le 5e Khalife de Thiènaba, et initiateur de la restauration de la mosquée de Thiènaba Seck, a passé le témoin à Serigne Ousseynou Khar Seck, sixième khalife, qui a ouvert l’arrivée à la tête de la confrérie de la famille de Ibra Penda, second fils de Amary Ndack. Il a entrepris la restauration de la maison de Amary Ndack et son magistère se distingue par l’excellence de ses relations avec Touba et Tivaouane.
Après lui, la charge est revenue au défunt khalife Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Seck, qui restera 12 ans à la tête du khalifat. Il cède ainsi la place à Serigne Abdourahim Seck, fils de Serigne Momar Talla Seck, premier khalife de Amary Ndack Seck.