Le ministère de l’Education : «Cette étude ne repose pas sur des bases scientifiques»

L’existence de l’exploitation sexuelle, du harcèlement et des abus dans les écoles secondaires est reconnue. Mais à cause des tabous et des stigmates sociaux ayant réduit au silence des victimes de ces pratiques par leurs enseignants, il est difficile de mesurer l’ampleur de cette situation. C’est ce qui a été noté dans le rapport publié hier par Human rights watch (Hrw) sur la question. L’enquête, menée dans 4 régions du Sénégal et à partir d’entretiens avec 160 filles, montre que des enseignants et membres du personnel scolaire exploitent, harcèlent et abusent sexuellement des adolescentes dans des écoles secondaires du Sénégal.

Les abus sexuels et harcèlement sur des élèves par des enseignants sont une réalité. Seulement, l’étude faite par Human rights watch (Hrw) sur la question ne permet pas de mesurer l’ampleur du phénomène en milieu scolaire au niveau national. Intitulé «Ce n’est pas normal : Exploitation sexuelle, harcèlement et abus dans les écoles secondaires au Sénégal», ce rapport a été effectué à partir d’entretiens individuels et collectifs «avec plus de 160 filles et jeunes femmes et d’une soixantaine d’autres personnes (parents, experts du champ éducatif, psychologues, activistes locaux, partenaires de développement et responsables gouvernementaux nationaux et locaux) dans quatre régions du Sénégal (Sédhiou, Ziguinchor, Kolda, Dakar)». D’ailleurs, les auteurs précisent que «l’ampleur et la prévalence des abus sexuels à l’encontre des élèves n’ont pas été déterminées». Cela, selon les auteurs du document, s’explique par «les tabous et les stigmates sociaux», qui ont réduit au silence de nombreuses filles et jeunes femmes victimes de ces pratiques. Ce qui reste constant c’est que les recherches effectuées par les différentes organisations non gouvernementales et des universitaires «suggèrent que les violences sexuelles en milieu scolaire sont un problème sérieux au Sénégal». Selon Elin Martinez, chercheure auprès de la division Droits des enfants au sein de cette organisation et auteure du rapport, «différentes formes de violences sexuelles demeurent omniprésentes dans les écoles secondaires au Sénégal». Mme Martinez souligne qu’il a été constaté que «l’exploitation sexuelle et le harcèlement à l’école par les enseignants constituaient un problème important, mais rarement dénoncé, dans les écoles secondaires». A l’en croire, «les enseignants abusent de leur position d’autorité lorsqu’ils abordent leurs élèves pour des raisons sexuelles, en violation de leur éthique professionnelle et, dans certains cas, lorsque les filles ont moins de 16 ans, en vertu de la législation sénégalaise».

Notes sexuellement transmissibles
Analysant cette situation, Hrw renseigne que dans certaines régions où cette enquête a été menée, «le faible taux de maintien des filles à l’école semble être étroitement lié à la crainte que les filles soient exposées au harcèlement sexuel et à la violence à l’école». En outre, cette organisation de défense des droits humains informe que «6 filles et jeunes femmes ont déclaré avoir été victimes d’exploitation sexuelle, de harcèlement ou d’abus dans le contexte scolaire». De même, on note que «dix autres filles et jeunes femmes ont fourni des informations sur des cas d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus de leurs amies ou de leurs proches». Hrw souligne aussi que plusieurs élèves ont décrit comment les enseignants tentaient d’exploiter ou de contraindre les élèves filles. Ainsi on note que c’est en leur offrant «de l’argent, de meilleures notes, de la nourriture ou des objets tels que des téléphones portables et de nouveaux vêtements». «Dans au moins trois cas documentés, les enseignants ont approché leurs élèves en demandant une faveur ou en réclamant leurs numéros de téléphone en privé», a-t-on ajouté. Il y a aussi le phénomène fréquent de l’exploitation sexuelle en échange de bonnes notes familièrement appelée «notes sexuellement transmissibles» qui, selon les auteurs du rapport, existe aussi bien dans les zones urbaines que rurales.
Pour mettre un terme à la violence et aux abus sexuels et sexistes liés à l’école, Human rights watch demande au gouvernement d’adopter une politique nationale d’éducation contre l’exploitation sexuelle, le harcèlement et les abus. Et d’adopter également un Code de conduite professionnel contraignant à l’échelle nationale pour les directeurs d’école, les enseignants et les responsables de l’éducation, qui sera affiché dans toutes les écoles. Il est aussi préconisé de «veiller à ce que la législation relative à l’exploitation sexuelle, au harcèlement et aux abus dans les écoles soit rigoureusement appliquée, et que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice et punis par des sanctions proportionnelles à leurs crimes». Hrw veut également que des enquêtes soient menées «sur toutes les allégations d’exploitation sexuelle de harcèlement et abus sexuels liés à l’école».
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