Alioune Tine, présent à la 49ème session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, a décrit une situation préoccupante au Mali. Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme dans ce pays, M. Tine est préoccupé par le niveau de violence.Par Dieynaba KANE –

La situation des droits humains au Mali reste très préoccupante. Le rapport présenté par Alioune Tine à la 49ème session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, en sa qualité d’expert indépendant sur la situation au Mali, montre que la violence est omniprésente dans ce pays. Dans son document, M. Tine fait savoir que «la violence s’est répandue si rapidement qu’elle met en péril la survie même de l’Etat». De même, il fait remarquer que «la dégradation de la situation générale en matière de sécurité avait dépassé le seuil critique, avec la défaillance des institutions de l’Etat qui accentue la menace des attaques contre les civils par les groupes extrémistes violents tels que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), l’Etat islamique du Grand Sahara (Eigs) et d’autres groupes similaires ainsi que des individus armés non identifiés». D’après lui, «le modus operandi s’apparente à celui des groupes extrémistes violents, qui continuent de consolider leur présence et leur contrôle dans plusieurs localités des régions du Nord du pays (à Gao, Ménaka et Tombouctou), du Centre du pays (à Bandiagara, Douentza, Mopti, San et Ségou) et d’étendre leurs activités dans plusieurs localités dans les régions du Sud du Mali (à Kita, Koulikoro, Koutiala et Sikasso)». En plus de la menace jihadiste, le pays fait face aussi à des tensions intercommunautaires. «Par ailleurs, les violences sur fond de tensions intercommunautaires et/ou intracommunautaires continuent de semer souffrances et désolations dans le Centre du pays», informe M. Tine. Dans ce contexte, précise-t-il, «les forces de défense et de sécurité maliennes aussi ont continué de payer un lourd tribut en vies humaines du fait des attaques qu’elles ont subies».
Dans le rapport, l’expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme au Mali, a marqué sa vive inquiétude. Selon lui, «les groupes extrémistes violents, comme le Jnim l’Eigs et d’autres groupes similaires, ont continué à procéder à des assassinats ciblés, des enlèvements, des actes d’intimidation, des menaces de mort, l’imposition de taxes illégales (la Zakat), des activités criminelles liées à l’orpaillage illégal». A en croire Alioune Tine, «ils ont également tenté d’imposer par la violence, leur application de la charia (la loi islamique)». Ces groupes, ajoute-t-il, «ont tué des civils au sein des populations qui avaient refusé de payer la zakat» ou «qui étaient soupçonnées d’avoir fourni des informations aux forces armées nationales et/ou internationales». D’après le rapport, «ces groupes ont été les principaux auteurs des violations des droits humains et atteintes à ces droits pendant la période couverte (soit 57.20%)». Se basant sur rapport semestriel de la Division des droits de l’Homme de la Minusma, M. Tine souligne que «ces groupes ont été responsables de 64.33% des cas de meurtre, blessure et d’enlèvement des civils pendant la période allant de juillet à décembre 2021 (soit 570 sur 886 cas)». A titre d’illustration, rappelle l’expert indépendant, «les 8 et 9 mars 2022, au moins 40 civils ont été tués, plusieurs blessés et des centaines déplacés à la suite d’attaques armées ciblées menées par l’Eigs contre les localités d’Anderamboukane, Inchinanane et Tamalat, le long de la frontière malienne avec le Niger, et habitées majoritairement par les membres de la communauté des Dawssahaks». Alioune Tine se dit également préoccupé par «les rapports publiés récemment par des organisations de défense des droits humains ainsi que par des organes presse qui ont fait état d’allégations de violations graves des droits humains qui auraient été commises par les Forces de défense et de sécurité maliennes dans le cadre de leurs opérations, notamment des exécutions sommaires, extrajudiciaires et/ou arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants de même que des incendies des biens civils». Précisant que l’Etat-Major général de l’Armée malienne a, dans un communiqué, réfuté les faits allégués et a indiqué qu’une enquête a été ouverte, M. Tine invite «les autorités maliennes à mener à bien et dans les meilleurs délais, des enquêtes approfondies, indépendantes, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de violations des droits humains et atteintes à ces droits, quels qu’en soient les auteurs». De même, il demande «de rendre publiques les conclusions des enquêtes et de traduire en Justice les présumés auteurs de ces actes». Au regard de la situation préoccupante des droits humains, M. Tine a souligné «l’urgence de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité».

Pour la levée des sanctions de la Cedeao
L’expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme au Mali a également affiché sa désolation suite à «la mort en détention de l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, le 22 mars 2022». Alioune Tine regrette que ses «alertes pour son évacuation médicale n’aient pas été entendues». Dans les recommandations, il est demandé «aux autorités maliennes de manifester leur volonté réelle de lutter contre l’impunité et de s’engager activement dans la mise en œuvre des recommandations pertinentes que le pays a acceptées lors de l’Examen périodique universel de 2018». S’adressant aux groupes armés, groupes extrémistes violents, aux milices et groupes armés communautaires, Alioune Tine leur a demandé «de cesser immédiatement toutes les hostilités et attaques contre les civils, et de respecter les droits humains et les libertés fondamentales des populations civiles». Pour ce qui est de la Communauté internationale, il leur est recommandé «de repenser, avec le Mali et tous les acteurs concernés, y compris l’Union africaine et la Cedeao, les réponses à la crise multidimensionnelle au Mali, en mettant l’accent sur des stratégies intégrées garantissant en priorité la sécurité et les droits humains fondamentaux des personnes civiles». Aussi, «de fournir au Mali les ressources logistiques et financières et toute l’assistance nécessaire pour aider le pays à restaurer progressivement la présence et l’autorité de l’Etat ainsi que les services sociaux de base sur l’ensemble du territoire national». Alioune Tine a aussi appelé la Cedeao à lever les sanctions contre le Mali.
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