-Green Peace corrobore les irrégularités dénoncées par les organisations de pêche– Au Sénégal, 8 navires étaient en activité douteuse durant le confinement– La Gambie, la Guinée-Bissau et la Mauritanie mouillées aussi

Greenpeace dénonce dans son dernier rapport, le pillage des ressources halieutiques par les multinationales de la pêche, alors que le secteur artisanal est verrouillé par le Covid-19. Face à cette situation, l’Ong prône la fermeture définitive des usines de farine et d’huile de poisson en Afrique de l’Ouest.

Greenpeace, dans son nouveau rapport intitulé «Mal de mer : pendant que l’Afrique de l’Ouest est verrouillée par le Covid-19, ses eaux restent ouvertes au pillage», a encore jeté un regard critique dans la gestion des ressources halieutiques dans la sous-région.
Dans ce document, l’Organisation non gouvernementale expose comment les gouvernements sénégalais, gambien et mauritanien sont complices dans le pillage systématique des océans de l’Afrique de l’Ouest par les navires des entreprises de pêche multinationales et l’industrie de la farine et de l’huile de poisson.
D’après Greenpeace, ces gouvernements ont confiné les pêcheurs locaux et tous ceux qui s’activent dans la chaîne de valeur pêche, procédé à des distributions de kits alimentaires d’urgence aux communautés locales à la suite de la pandémie du Covid-19, tout en permettant au même moment, le pillage des océans.
«Tandis que les pêcheurs artisanaux et les femmes transformatrices de poisson souffraient des restrictions, les navires industriels et les opérateurs étrangers ont essayé de tirer profit de la situation. Les usines de farine et d’huile de poisson responsables de la surpêche sur des stocks de poissons déjà en diminution, semblent continuer à fonctionner comme si de rien n’était, tandis que les pêcheurs artisanaux et les femmes transformatrices de poisson ont dû réduire leurs activités de pêche en raison des restrictions imposées par le Covid-19», écrit l’Ong. Et d’ajouter que «le Sénégal et les pays de la sous-région subissent une pression constante de la part des flottes étrangères de pêche lointaine qui tentent d’accéder à leurs eaux et exploitent la moindre faille pour pêcher des stocks de poissons déjà menacés d’épuisement. Et ce sont les communautés locales et l’environnement marin qui en paient le prix».
Sur la base des données du système d’identification automatique (Ais) utilisé pour les navires dans le monde entier, les recherches de Greenpeace Afrique confirment qu’au moins huit navires de pêche industrielle ont participé à des activités douteuses au cours de la période observée.

Au Sénégal, 8 navires étaient en activités douteuses durant
le confinement
«Tous portent le nom de Fu Yuan Yu et il a été observé qu’ils affichaient des activités suggérant qu’ils pêchaient dans la Zone économique exclusive (Zee) sénégalaise, alors qu’il était impossible de vérifier si leur licence avait été obtenue dans le respect des règles et procédures», renseigne Greenpeace. Ces navires, poursuit l’Ong, «semblaient utiliser une vieille astuce pour dissimuler leur position en manipulant les données de leur Ais».
Le rapport de Greenpeace est basé sur l’observation de navires de pêche et des usines de farine et de l’huile de poisson au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie de mars à fin juillet 2020, période durant laquelle les mesures de confinement dues à la pandémie de Covid-19 ont été introduites dans les pays de l’Afrique de l’Ouest.
«Au moment où l’économie mondiale est en récession, l’industrie de la farine et de l’huile de poisson se développe en utilisant les stocks de poissons locaux pour produire de la nourriture pour les animaux de compagnie, les porcs et les poissons de l’industrie de l’aquaculture en Europe et en Asie, au détriment des populations vulnérables d’Afrique de l’Ouest», dénonce le rapport.
«Les stocks de poissons en déclin en Afrique de l’Ouest devraient être mieux gérés et mieux sécurisés, pour nourrir les populations de la région avant tout, surtout en cette période d’insécurité alimentaire imminente et de perte de biodiversité», a déclaré le Dr Aliou Ba, conseiller politique pour la Campagne Océan à Greenpeace Afrique. A son avis, «les gouvernements d’Afrique de l’Ouest doivent travailler ensemble pour fermer ces usines pour de bon».
Cité dans le document, le militant et membre de la Plateforme des pêcheurs artisanaux de la pêche du Sénégal, Papas, Mor Mbengue, estime que «permettre la poursuite des activités des usines de farine de poisson pendant le confinement est vraiment un problème car cela a un impact sur l’approvisionnement en poisson des populations locales et crée une concurrence déloyale entre les usines et les femmes transformatrices de poisson, qui sont touchées par les mesures de confinement».
L’Organisation vient ainsi corroborer les irrégularités, dénoncées par les médias sénégalais et les organisations de pêche locales, dans le processus d’attribution des licences concernant plusieurs navires de pêche industrielle. Elle a tout de même formulé un certain nombre de recommandations.

Recommandations
Greenpeace Afrique de l’Ouest demande ainsi la fermeture définitive des usines de farine et d’huile de poisson opérant en Afrique de l’Ouest, à l’exception de celles utilisant exclusivement les déchets issus de la transformation des poissons inaptes à la consommation humaine. L’organisation non gouvernementale de protection de l’environnement souhaite également la publication de la liste complète des navires autorisés à pêcher dans tous les pays de la Commission sous régionale des pêches (Csrp). Afin d’améliorer la transparence et l’inclusion du secteur artisanal dans le processus de prise de décision, Greenpeace réclame un statut officiel pour les femmes transformatrices de poisson ainsi qu’une réforme du processus d’octroi de licences de pêche au Sénégal. Enfin, l’Ong appelle tous les gouvernements de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao) à adopter un plan régional de gestion durable des pêches, en mettant l’accent sur l’état de surexploitation des stocks pélagiques…