Rapport – Lenteur dans la mise en œuvre de la rémunération pour copie privée : Menace sur la survie de la Sodav
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La Société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav) réclame auprès des pouvoirs publics, la concrétisation de la rémunération pour copie privée. Dans son rapport annuel 2022, adressé au président de la République, la Sodav révèle que la non-effectivité de cette réforme constitue un véritable problème et une menace pour la survie de la Sodav. Par Ousmane SOW –
Le rapport annuel 2022 de la Société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav) révèle d’importantes réalisations qui frôlent celles de la période d’avant-Covid 19. Mais Ngoné Ndour, présidente du Conseil d’administration de la Sodav, et ses camardes demandent urgemment à l’Etat du Sénégal, la concrétisation de la rémunération pour copie privée, qui est une prérogative reconnue aux titulaires de droit d’auteur et de droits voisins par le législateur sénégalais. «Nous le réaffirmons avec force : la rémunération pour copie privée n’est pas une taxe. Elle est une rémunération compensatoire pour les auteurs d’œuvres, les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes copiés dans un cadre non commercial et non professionnel», lit-on dans le document adressé au chef de l’Etat, Macky Sall. A en croire la présidente du Conseil d’administration de la Sodav, Mme Ngoné Ndour, la non-effectivité de la rémunération pour copie privée constitue un véritable problème et une menace pour la survie de la Sodav.
La société souligne que la juste rétribution des œuvres, interprétations, phonogrammes et vidéogrammes aux ayants droit permet de créer et produire d’autres œuvres. «Une simple question de justice sociale», note le document. Alors, à la question pourquoi est-ce que cette rémunération pour la copie privée n’est pas encore effective au Sénégal, alors que dans beaucoup de pays, notamment Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Guinée, Malawi, Maroc, Algérie, Ghana, Afrique du Sud, elle est appliquée et rémunère immensément les titulaires de droit d’auteur et droits voisins, la Sodav répond en même temps que «ce retard est dû essentiellement à des lenteurs administratives et à un manque avéré de volonté politique, puisque rien ne s’y oppose, étant entendu que toutes les études techniques préalables ont été faites par la Commission rémunération pour la copie privée».
Un préjudice de 10 milliards depuis 2016
D’autres questions soulevées par la Sodav dans ce rapport sont : quel est l’impact financier de ce retard pour les bénéficiaires de cette rémunération ? Et que faut-il faire maintenant pour son effectivité immédiate ? «C’est un préjudice financier qui peut être estimé à plus de 10 milliards Cfa depuis l’installation de la Sodav en 2016 ! Il est impératif de se mobiliser pour arracher ce droit. Donc, artistes, levons-nous maintenant.» Dans ce rapport annuel 2022 de 43 pages, la Sodav demande aussi le reversement intégral des sommes restantes de la subvention de l’Etat, le renforcement de l’effectif du personnel de la Sodav, la signature de nouveaux contrats et conventions avec les utilisateurs, surtout avec les plateformes locales et internationales, la finalisation de certains accords de réciprocité, l’élaboration d’un plan de communication sur la rémunération équitable, la mise en œuvre du droit de reproduction par reprographie par la signature de conventions avec les utilisateurs, l’implication des autorités administratives dans la protection des droits en communiquant à la Sodav la liste de toutes les licences délivrées dans leurs juridictions respectives, entre autres. La Sodav, qui persiste dans sa logique d’être une société de référence en matière de transparence et d’efficacité, insiste aussi avec véhémence sur la mise à disposition de l’intégralité de la subvention de 3 milliards qui, dit-elle, lui été accordée par le chef de l’Etat depuis 2008 et qu’elle peine à recouvrer entièrement.
Les collectes en progression de 45, 41%
Le rapport annuel 2022 de la Société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav) a révélé également que 2022 a été, pour la Direction-gérante, une année de consolidation des acquis. L’objectif visé, indique le document, c’est de faire de la Sodav une société de gestion collective techniquement efficace et conforme aux normes internationales. 1899 contrats dans le portefeuille clients de la Sodav : c’est l’une des données également révélées dans le rapport annuel 2022. A côté de cette bonne nouvelle, il y aussi la fermeture ou la cessation d’activités de 23 établissements officiellement répertoriés. «Les droits collectés en 2022 ont enregistré une hausse de 45, 41% en valeur relative par rapport à 2021. Cette hausse est due principalement aux collectes réalisées sur toutes les lignes d’exploitation des droits», indique le document ajoutant, au titre des droits généraux (abonnés), une progression nette de 27, 57%. Néanmoins, la Sodav a enregistré aussi une régression de 44, 30% des droits collectés sur les radiodiffuseurs en 2022. S’agissant de l’exploitation du numérique, le rapport révèle aussi qu’il y a une progression de 48% en 2022. Cette progression, lit-on dans le document, réside dans le cadre de la signature d’accords de réciprocité avec les sociétés sœurs étrangères dont les collectes sont passés de 4 049 135 F Cfa en 2021 à 213 012 361 F Cfa en 2022.
L’affaiblissement du pouvoir économique des titulaires de droits
Le rapport s’est aussi penché sur la subvention de l’état à la Sodav, précisant que durant l’année 2022, la Sodav a reçu une subvention de 350 000 000 Ccfa. A la date du 31 décembre 2022, seul un montant total d’un milliard six cents millions F Cfa a été encaissé du ministère de la Culture sur une subvention de 3 milliards promise par l’Etat. «La non-effectivité de la rémunération pour copie privée a sérieusement affaibli le pouvoir économique des titulaires de droits, tout en rendant nécessaire voire impérieuse la subvention de 3 milliards francs Cfa que l’Etat a accordée à la Sodav et qu’elle n’a pas reçu intégralement», souligne le document, ajoutant que la Sodav a remboursé à l’Ipres en 2022, un montant de 36 853 000 F Cfa, sans tenir compte des échéances des encours qui sont respectées. Outre cela, la Sodav est en règle vis-à-vis du Fisc et de la Caisse de sécurité sociale. En 2022, ajoute le document, la Sodav a enregistré un volume financier de 625 713 151 F Cfa pour les droits domestiques perçus, tandis que les répartitions des droits domestiques ont atteint 614 896 033 F Cfa. Cependant, les charges totales de l’année 2022 se sont élevées à 533 302 720 F Cfa. Le taux de frais de gestion est de 0% en 2022, comme cela a été le cas en 2020 et 2021. Et cela se justifie par le fait que la totalité des charges ait été supportée par la subvention allouée par l’Etat. Un autre élément important à souligner, d’après la Sodav, est qu’aucun frais de gestion n’est retenu sur les droits étrangers car des accords de réciprocité ont été signés avec des sociétés sœurs étrangères. Toutefois, le rapport précise également que 2022 marque la présence de la Sodav dans le système d’information commun de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac).