RAPPORT – Mesures structurelles post Covid-19 au Sénégal : L’ordonnance de l’Ifc

L’absence de conditions de concurrence équitables, l’accès au financement, les coûts de l’énergie et une connectivité encore limitée demeurent les freins au développement du secteur privé sénégalais, selon un rapport de la Société financière internationale (Ifc), intitulé «Diagnostic du secteur privé : Créer des marchés au Sénégal».D’après les experts de ce démembrement du Groupe de la Banque mondiale, «réduire ces contraintes prioritaires pourrait accélérer la transformation structurelle du Sénégal, soutenir la croissance durable et l’emploi post Covid-19 en libérant des opportunités dans plusieurs secteurs».
Le secteur privé sénégalais, malgré les efforts consentis par l’Etat, continue de buter sur un certain nombre d’obstacles. Dans un rapport intitulé Diagnostic du secteur privé : Créer des marchés au Sénégal, une équipe de la Société financière internationale (Ifc) en cite quelques-unes. Les fonctionnaires de ce démembrement du Groupe de la Banque mondiale évoquent dans le document l’absence de conditions de concurrence équitables.
«Les causes des conditions de concurrence inégales sont à rechercher du côté du rôle encore important de la puissance publique dans les affaires économiques, les réglementations afférentes ainsi que le degré élevé d’informalité dans l’économie. Les limites du cadre réglementaire expliquent aussi en grande partie la persistance d’une certaine corruption. Au Sénégal, bien que celle-ci soit à un niveau inférieur à celui des autres pays d’Ass (Afrique subsaharienne), il s’agit d’un problème de longue date qui touche une grande variété de pratiques. Le coût global n’est pas négligeable. On estime ainsi à environ 1% du Pib la valeur des pots-de-vin versés sur une période de 12 mois (Ofnac 2016)», mentionne le rapport.
L’accès au financement est également une contrainte majeure pour les entreprises du secteur privé et les Micros, petites et moyennes entreprises (Mpme) en particulier. L’équipe de l’Ifc note que «le Sénégal se classe mal par rapport à l’Afrique subsaharienne ou à la moyenne mondiale pour ce qui est des principaux indicateurs de l’accès au financement des entreprises privées». En effet, explique-t-elle, «les conditions de prêt sont également difficiles en raison du type de garanties exigées par les banques, les terrains et les biens immobiliers étant les formes de garantie préférées dans environ 53,1%, soit la moitié des cas. Il s’agit là d’un obstacle supplémentaire, car il est extrêmement difficile pour les petites entreprises d’obtenir ce type de garantie et peut être quasi impossible pour les jeunes entreprises et les start-ups…
La catégorie des Mpme est celle qui a le plus de difficultés à obtenir du crédit. Celles-ci représentent environ 99,8% du nombre total des ‘’entités économiques’’ et environ 70% de la population active, selon le dernier recensement de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie…»
L’accès à l’énergie est aussi pointé du doigt. Malgré un taux d’accès relativement élevé, relève le rapport, «l’approvisionnement en électricité au Sénégal est peu fiable et coûteux en raison des difficultés financières que traverse le secteur et d’un succès relativement limité jusqu’à présent dans la planification et la mise en œuvre de nouveaux projets de production et de distribution».
Une autre contrainte forte, c’est la connectivité. Les experts expliquent : «L’infrastructure est un catalyseur essentiel du développement, la plupart des études notent une relation positive entre l’infrastructure et la croissance, dont l’ampleur varie d’un pays à l’autre. L’impact le plus important provient généralement des routes, des télécommunications et des réseaux d’électricité. Le Sénégal a fait des progrès significatifs dans ce domaine, avec des investissements récents dans les infrastructures de transport telles que la construction d’une route urbaine à péage dans le cadre d’un partenariat public-privé ou d’un nouvel aéroport international dans le cadre d’un plan de financement public.» Néanmoins, soulignent-ils, «l’exportation et l’importation de biens au Sénégal sont coûteuses comparées à d’autres pays pairs de l’Ass et encore plus comparées à des pays comme le Maroc, l’Ethiopie ou les pays de l’Ocde. L’Indice de performance logistique 2018 classe le Sénégal au 141ème rang sur 160 pays, tandis que le Sénégal se classe au 142ème rang sur 190 pays selon l’indicateur ‘’Commerce transfrontalier’’ du Doing Business de 2020. Les données de l’Enquête auprès des entreprises réalisée en 2014-2015 montrent que près de 22% des entreprises privées considèrent le transport comme une contrainte majeure, tandis que les producteurs et les entreprises du secteur du tourisme/hôtellerie perçoivent cette contrainte de façon encore plus aiguë».
Secteurs moteurs de croissance
Pour les experts de l’Ifc, «réduire ces contraintes prioritaires pourrait accélérer la transformation structurelle du Sénégal, soutenir la croissance durable et l’emploi post Covid-19 en libérant des opportunités dans plusieurs secteurs». Et comme secteurs qui pourraient devenir des moteurs de croissance prioritaire, ils soulignent le primaire. «Il emploie près de la moitié de la population, et approximativement 70% de la population rurale dépendent de l’agriculture ou des activités connexes pour sa subsistance. Le développement de nouveaux marchés d’exportation a aidé le Sénégal à renforcer le secteur de l’horticulture. L’agro-industrie et la transformation ont également le potentiel pour stimuler la productivité et créer de nouveaux emplois.»
S’y ajoute «le secteur des services qui a également enregistré une croissance ces dernières années et devrait continuer à se développer. Le secteur de l’éducation est un facteur-clé pour l’ensemble des secteurs de l’économie et mérite une attention soutenue. L’industrie du tourisme est une source importante d’emplois et de revenus en devises. Elle possède un réel potentiel de consolidation et de croissance du segment professionnel comme du tourisme de loisir, mais devra faire l’objet d’une attention soutenue post crise pandémique. Enfin, le secteur de l’immobilier a connu une croissance ces dernières années, dynamisé par la croissance à Dakar et par la création d’infrastructures menée dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse). Compte tenu des pressions démographiques actuelles et des activités prévues dans le cadre du Pse, ce secteur est susceptible de devenir important».
L’équipe de l’Ifc juge ainsi primordial de se concentrer sur les secteurs de l’agriculture, de l’éducation, du tourisme, de l’immobilier et du logement.