Rapport sur la traite à des fins sexuelles dans les zones d’orpaillage : Une tragédie à Kédougou

Plus de 200 femmes et filles rescapées de la traite des personnes à des fins sexuelles dans les zones d’orpaillage artisanal de Kédougou (Est), dont certaines âgées seulement de 11 ans, ont été identifiées et soutenues, a déclaré, mardi à Dakar, le professeur David Okech, président du Centre de recherche et de sensibilisation sur la traite des êtres humains (CenHTRO, en anglais) basé en Géorgie. «Jusqu’à présent, nous avons identifié et soutenu plus de 200 survivantes dont certaines âgées de 11 ans. Ce chiffre est alarmant, et il témoigne de l’ampleur réelle du fléau dans les zones d’orpaillage artisanal», a déclaré le chercheur lors de la restitution de l’étude. Se basant sur les résultats d’une étude menée avec plusieurs partenaires gouvernementaux et internationaux, le professeur Okech a indiqué que cette hausse du nombre de femmes et filles entraînées dans cette traite à des fins sexuelles s’explique à la fois par l’augmentation de leur vulnérabilité dans les sites aurifères artisanaux où les services de l’Etat sont peu présents et une amélioration des méthodes de détection utilisées par son équipe. «Nous avons observé des perceptions mixtes sur la sécurité des femmes exerçant le travail sexuel et un manque criant de données fiables sur leur nombre», a-t-il toutefois souligné.
Malgré ces défis, a-t-il dit, l’équipe du CenHTRO a contribué à la réinsertion volontaire et au rapatriement de 163 femmes et filles victimes de traite, originaires du Nigeria notamment. «La plupart des victimes viennent du Nigeria, mais les structures d’accueil et de prise en charge sont situées au Sénégal. Cela montre la nécessité d’une coopération transnationale accrue, que nous appelons de nos vœux pour l’avenir», a-t-il plaidé. L’étude, qui couvre la période 2021-2025, s’achèvera en septembre, mais une demande de prolongation pour cinq années supplémentaires est en cours auprès des bailleurs.
Insistant sur la nécessité d’un engagement à long terme, le président du CenHTRO estime que «dix ans sont souvent nécessaires pour rendre ce type de travail véritablement durable».
Présent à la restitution de l’étude, Moustapha Kane, conseiller à la présidence de la République, a salué le courage du CenHTRO. «Ce centre a osé intervenir à Kédougou, épicentre de la traite, là où peu d’Ong se rendent.» Il a aussi apporté une approche scientifique rigoureuse à une problématique souvent traitée de manière empirique.
L’étude a produit des recommandations parmi lesquelles figurent notamment le renforcement des dispositifs de protection communautaire, l’harmonisation des actions entre Etats et la poursuite des recherches pour mieux documenter et combattre la traite des êtres humains en Afrique de l’Ouest.
Le premier vice-président de la Commission des droits de la décentralisation, du travail et des droits humains à l’Assemblée nationale, Ansoumana Sarr, a, pour sa part, souligné la nécessité d’un engagement institutionnel accru pour faire face à l’exploitation sexuelle des personnes, notamment dans des zones aurifères comme Kédougou et Tambacounda. «Quand on parle d’exploitation sexuelle de personnes, cela renvoie nécessairement aux droits humains. C’est un sujet dont on parle peu au Sénégal, et c’est regrettable», a-t-il dit. Le député a également insisté sur le rôle du Parlement dans la recherche de solutions durables, déclarant que «le plus important est le portage institutionnel». «Il nous faut faire remonter les préoccupations, interpeller les autorités et proposer des initiatives législatives en lien avec ce fléau», a-t-il ainsi reconnu.
Aps