En parcourant les observations du cabinet Bsc qui a procédé à l’audit des marchés lancés par le ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique, l’on ne peut être surpris de la mention «peu satisfaisante» qui lui est décernée. En effet, chez Abdoulaye Daouda Diallo, la notion d’urgence prend une autre dimension tandis que les cas de collusion font florès.
Au ministère de l’Intérieur, l’on a une autre compréhension de la notion d’urgence. C’est ce qui ressort des rapports d’audit effectués en 2016 dans le ministère dirigé alors par Abdoulaye Daouda Diallo. Dans le cadre d’un marché de fourniture de tentes ignifugées destinées à la Brigade des sapeurs-pompiers, les auditeurs notent que le marché d’un montant de 308 millions de francs Cfa a été passé sous forme d’appel d’offres restreint en procédure d’urgence. Or, la période de mise en œuvre du marché s’étalait sur 15 mois. Ce qui fait dire à l’auditeur que l’urgence invoquée s’avère non justifiée. «L’urgence invoquée est à l’évidence injustifiée et une procédure ouverte aurait parfaitement pu être déroulée en lieu et place», soulignent les auditeurs du cabinet Bsc. «En fait, la proximité de la date limite de clôture des engagements et le souci de ne pas perdre les crédits ouverts sont les vraies justifications de la requête», insiste le cabinet.
De plus, dans ce marché, l’utilisation de lettres de couverture budgétaire du Ministère de l’économie, des finances et du plan (Mefp) est dénoncée. «L’allocation de ressources est du ressort du Parlement et le Mefp ne saurait se substituer à travers des lettres de couverture budgétaire qui relèvent plus de la cavalerie par une anticipation de l’Exécutif sur le vote du budget par le Parlement» souligne l’auditeur.
Dans sa volonté de lutter contre le terrorisme, le ministère s’est attaché les services d’un consultant pour renforcer les autorités administratives. Dans ce marché, les auditeurs ont remarqué que les honoraires du prestataire choisi, Makkinouzz consulting, sont six fois moins importants que les frais de prise en charge des participants et de l’équipe de supervision, à savoir l’hébergement, la restauration qui sont de 129 millions 355 mille 200 francs Cfa. Cela, alors que le marché est classé comme prestation intellectuelle.
Mention «peu satisfaisante»
Dans un marché portant sur la réhabilitation de la caserne des sapeurs-pompiers de Matam, l’audit relève des soupçons de collusion puisque les cinq offres des soumissionnaires «laissent entrevoir que les offres ont été préparées par la même source ou par des sources liées». Sur ce marché de 24 millions de francs Cfa attribué à Loulou Sarl, ce qui a été dénoncé par les soumissionnaires, c’est que la même erreur s’est répétée dans toutes les offres qui mentionnent que le marché est relatif à des travaux d’entretien des installations électriques et des sanitaires de la caserne en lieu et place des travaux de réhabilitation de ladite caserne. «Il apparaît que les factures pro-forma ont été préparées à partir du même fichier, sur des papiers à en-têtes différents. Il s’agit d’une violation de l’exigence de transparence édictée», souligne le rapport. Les mêmes soupçons de collusion pèsent également sur un marché de plus de 14 millions de francs Cfa pour la désinfection, la dératisation et la désinsectisation des locaux de la Dpc. Dans d’autres marchés, les auditeurs ont constaté que des offres avaient été élaborées deux mois avant le lancement des invitations à soumissionner. Pour l’organisation du référendum du 20 mars 2016 également, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique (Misp) s’en est donné à cœur joie en ignorant toutes les règles de passation. En effet, le cabinet a constaté que le Misp a lancé un marché pour un montant d’1 milliard 889 millions 111 mille 398 francs Cfa destinés à l’acquisition de matériaux divers. En plus d’avoir dépassé le seuil autorisé par la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) de plus de 220 millions de francs Cfa, certains marchés ont été anticipés. L’auditeur donne l’exemple de ceux portant sur l’achat de rideaux pour isoloirs qui ont été anticipés au regard des incohérences entre la date de livraison du 14 mars alors que la date d’approbation et de notification est le 15 mars. Ce même cas de figure se répète à l’infini dans ce ministère qui, pour toutes ces raisons, récolte une mention «peu satisfaisante» de la part des auditeurs.
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