En Centrafrique, trois journalistes russes ont été tués à environ 200 km de la capitale Bangui. Les trois hommes, reporter, caméraman et documentariste ont été retrouvés morts lundi soir à Sibut. L’identité des victimes a été confirmée mardi soir par le ministère des Affaires étrangères russe dans un communiqué. Ce mercredi, les médias indépendants russes ont beaucoup évoqué le professionnalisme des victimes.

La porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a confirmé à la télévision l’identité des trois journalistes tués. Il s’agit du reporter de guerre Orkhan Djemal, du documentariste Alexandre Rastor­gouïev et du caméraman Kirill Radtchenko. Maria Zakharova a aussi déclaré que la diplomatie russe n’était pas informée de leur présence en Centrafrique, car leur voyage avait été déclaré comme touristique.

Sur quoi avaient-ils décidé d’enquêter ?
Les journalistes collaboraient avec le Centre de gestion des investigations, un projet lancé par l’opposant en exil Mikhaïl Khodorkovski, rapporte notre correspondant à Moscou, Etien­ne Bouche. L’organisme l’a confirmé, les trois journalistes étaient partis il y a quelques jours enquêter sur «les activités de la société militaire privée Wagner» en Centrafrique, une société qui a notamment été active dans l’est de l’Ukraine à partir de l’été 2014.
Que fait cette société privée en Centrafrique ? C’est justement ce que cherchaient à savoir les 3 journalistes assassinés. Depuis le début de l’année, Moscou a déployé des instructeurs militaires, livré des armes et assure même la sécurité du Président Touadéra.
Selon la rédactrice en chef adjointe du site pour lequel les trois journalistes travaillaient, ils avaient tenté de s’approcher d’une base présumée du groupe Wagner à Bangui, mais en ont été empêchés au motif qu’ils n’avaient pas d’accréditations. Tou­jours selon Anastasia Gorshkova, le lendemain, ils ont pris la route pour rejoindre un collaborateur de l’Onu, prénommé Martin qui devait leur servir de fixeur. C’est lui qui leur aurait recommandé le chauffeur qui est le seul rescapé de l’attaque.

Des professionnels reconnus
L’information sur l’enquête sur la société Wagner est mentionnée dans les médias indépendants russes qui rendent hommage au professionnalisme de ces journalistes. La chaîne de télévision Dodj leur a consacré une émission spéciale dans laquelle on a pu voir le documentariste Vitali Manski très ému. Il avait travaillé avec Alexandre Rastorgouïev qui avait réalisé une dizaine de films.
Trois professionnels reconnus qui avaient fait beaucoup de terrains. Le plus âgé du groupe, Orkhran Dzhemal, 51 ans, était un reporter de guerre qui a écrit pour des journaux comme Novaya Gazeta, Kommersant, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Géorgie. En Libye, il avait été blessé à une jambe et depuis il se déplaçait avec une canne. Cela ne l’a pas empêché de repartir dans le Donbass ukrainien en guerre.
Le documentariste Alexandre Rasstorgouïev, 47 ans, avait filmé le mouvement d’opposition et les soldats de la guerre en Tchétchénie.
Enfin, le plus jeune du groupe, Kirill Radtchenko, 33 ans, cameraman et photographe, avait notamment travaillé en Syrie.
Le motif et les circonstances du drame doivent encore être éclaircis. Les corps des victimes seront rapatriés samedi en Russie.

Rsf demande une enquête sérieuse et approfondie
En France, l’Ong Reporters sans frontières demande aux autorités russes et centrafricaines de mener une enquête sérieuse et approfondie sur la mort des trois journalistes russes en Centrafrique. Ils seraient tombés dans une embuscade, mais peu d’informations ont filtré sur l’identité des assaillants et leurs motivations.
Rfi