Depuis le décès d’un enfant de 8 ans à cause d’un accident ferroviaire, les relations entre la mairie de Thiès et les sociétés minières sont devenues très tendues. Par Cheikh CAMARA – 

Suite à l’accident ferroviaire impliquant un train au service d’une société minière, les Ics, survenu à Thiès, occasionnant une perte en vie humaine, un garçon de 8 ans, Pape Malick Niang, plongeant la population thiessoise dans l’émoi et la consternation, le Syndicat national des travailleurs des industries chimiques et activités assimilées du Sénégal (Syntics/Cnts), les travailleurs des Industries chimiques du Sénégal (Ics), Section ferroviaire (Sefics), considèrent que «les circonstances mettent en exergue les manquements sécuritaires, notamment l’occupation illégale de l’emprise ferroviaire par les populations sur tout le long des voies sur lesquelles roulent les trains miniers des Ics et de la Gco». «A l’opposé du maire de Thiès, nous nous gardons d’exacerber la douleur de la famille éplorée et de notre collègue conducteur du train», s’offusquent toutefois les travailleurs des Industries chimiques. Selon le Secrétaire général du Syntics, Moustapha Diagne, «les propos tonitruants, qui ont résonné comme dans un meeting politique, sont indécents. Il ne sied pas, dans une telle circonstance, de tenter une opération de charme, quitte à décrire les conducteurs de train comme des criminels et les livrer en pâture à la vindicte populaire». Heureusement, poursuit-il, que «la famille de la victime et les autorités judiciaires savent faire la part des choses». Il remarque que «le Syntics, section des industries chimiques du Sénégal, ne dénie pas au maire de Thiès le droit de compatir à la douleur de la famille, encore moins son rôle de premier magistrat de la ville, chargé de veiller à la sécurité publique.

Cependant, sa prestation politicienne ne saurait effacer ses manquements qu’il tente de rattraper». Aussi de souligner : «Les entreprises qu’il indexe sauront sans doute en tirer des enseignements.»

En ce qui concerne les cheminots des Industries chimiques du Sénégal, le Syntics dit «réaffirmer, sans équivoque, notre attachement aux règlements qui régissent la circulation ferroviaire au Sénégal, notamment le Règlement général de sécurité (Rgs) mis en place par l’Etat du Sénégal par arrêté ministériel depuis 1983». Il s’y ajoute, remarque le Secrétaire général du Syntics, que nombre de travailleurs, particulièrement les cheminots, en service aux Ics ou ailleurs, sont originaires de la région de «Thiès où ils font montre d’une sollicitude sans fard à l’endroit des riverains de la voie ferroviaire». Selon lui, «les discours populistes pour exacerber le climat social n’y
changeront rien».

Les mesures préventives du mouvement «Thiès d’Abord» pour juguler cette problématique
«En lieu et place d’un arrêté d’interdiction sans effets sur la circulation de ces trains, la Ville de Thiès devrait, d’un commun accord avec les communes (Nord, Est et Ouest), dans le cadre d’une intercommunalité agissante avec l’autorité ferroviaire en charge de la gestion du patrimoine, ériger des barrières de protection et des passerelles le long des voies afin de maximiser la sécurité des populations», ajoute le président du mouvement «Thiès d’abord», Me Habib Vitin. Il rappelle la responsabilité de l’ensemble des acteurs relativement à la sécurisation de la voie ferrée et préconise des pistes de solution dont l’érection de barrières de protection et la réalisation de passerelles le long des voies, notamment au niveau des zones les plus «accidentogènes». Il souligne en outre : «Au-delà de l’émotion, ce drame soulève une fois de plus la lancinante question de la sécurité des passages à niveau à Thiès. Il est inconcevable, et à la limite inacceptable, que faute d’application de mesures préventives sécuritaires aux normes, des vies humaines continuent d’être fauchées. Il n’est nul besoin de rappeler que la circulation des trains à Thiès a fait l’histoire de cette ville. Non, le maire de la Ville semble vouloir particulariser ce problème qui n’est pas un phénomène nouveau. Au Sénégal, à qui aurait-on besoin de rappeler que cela fait plus d’un centenaire que les rails traversent la ville de Thiès. En réalité, les Thiessois connaissent parfaitement les risques liés aux rails, mais attendent des solutions efficaces de la part des autorités.»

«Thiès d’abord» pense qu’«aujourd’hui, il urge de prendre des mesures drastiques pour éradiquer ce phénomène. Il ne s’agira pas d’engager un bras de fer avec les sociétés qui exploitent les rails, mais plutôt de se pencher, avec l’ensemble des acteurs, sur cette problématique». Selon le président du mouvement «Thiès d’abord», «le maire de la ville ferait mieux en s’alignant avec pertinence à cette dynamique de relance de l’activité ferroviaire tant convoitée par les nouvelles autorités et l’économie de ce pays». Il pense aussi que «les maires doivent pouvoir également mobiliser des auxiliaires et/ou volontaires de sécurité qui, aux heures de pointe, pourront être prépositionnés sur les axes réputés «accidentogènes»». Pour ce faire, il préconise que les équipes municipales de la ville, en parfaite collaboration avec les sociétés ferroviaires, s’attèlent à mettre en place des infrastructures sécurisées.

«Il est trop facile de pointer du doigt un seul acteur alors que cette tragédie est le résultat d’un manque de responsabilité partagé entre les exploitants des rails et les municipalités de Thiès», estime Me Habib Vitin qui, face à ce drame, dit constater avec regret que «le maire de la Ville de Thiès cherche à se dédouaner totalement de ses responsabilités en pointant uniquement du doigt les sociétés exploitantes des lignes ferroviaires. Cette attitude est non seulement déplorable, mais elle témoigne aussi d’une gestion municipale qui refuse d’assumer ses obligations en matière de sécurité». Pour lui, «Thiès, ville historique et carrefour ferroviaire, doit s’adapter aux exigences de souveraineté des rails, mais aussi de sécurité moderne». Il rappelle que «dans de nombreuses villes du monde, la cohabitation entre le chemin de fer et la mobilité urbaine est structurée autour d’infrastructures adaptées».
cheikh.camara@lequotidien.sn