Une «intimidation» ou un «manque de respect» ! C’est ainsi que les députés de la majorité, Seydou Diouf, et Mame Diarra Fam de l’opposition (Groupe Liberté, démocratie et changement) ont analysé les sorties des magistrats sur la création de la Commission d’enquête parlementaire. Celle-ci devrait faire la lumière sur de supposés cas de corruption et de conflits d’intérêts, qui auraient conduit à l’élimination de la candidature de certaines personnalités à l’élection présidentielle. 

Seydou Diouf, député, membre du groupe de la majorité Benno bokk yaakaar

Par Malick GAYE – Les députés n’ont pas apprécié positivement la sortie de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) et le communiqué du Conseil constitutionnel sur la mise en place de la Commission d’enquête parlementaire devant faire la lumière sur les allégations de corruption et de conflits d’intérêts proférées par le Parti démocratique sénégalais (Pds) sur 2 des 7 «Sages».

Hier, lors du vote du vote du projet de loi portant modification de la loi sur l’Ofnac, l’union sacrée des députés a été enclenchée. Pour les représentants du Peuple, la séparation des pouvoirs n’est pas remise en cause en convoquant des juges constitutionnels. «Je suis député et je respecte ma fonction. C’est dans cette logique que j’exige qu’on respecte ma fonction autant que je respecte les autres dans leurs fonctions. Je ne transige pas avec cela», a tonné Seydou Diouf, député, membre du groupe de la majorité Benno bokk yaakaar (Bby). Pour le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, la séparation des pouvoirs n’est pas remise en cause. «On nous parle de séparation des pouvoirs. Mais, qu’est-ce qui la remet en cause dans le cadre d’une demande de mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire ? Il n’y a pas de séparation des pouvoirs remise en cause. Il n’est pas normal qu’on intimide des collègues sous le simple motif qu’ils ont exercé un pouvoir constitutionnel. C’est la Constitution qui le leur permet. C’est cette même Constitution qui confère des pouvoirs au Conseil constitutionnel, au Législatif et à tout le pouvoir judiciaire. Au nom de quoi on ne devrait pas exercer notre pouvoir sous ce prisme ?», s’est interrogé l’honorable député Seydou Diouf de Bby. Pour lui, il faut entendre toutes les parties afin de faire la lumière sur cette affaire. «Je ne dis pas ce que le Pds a dit est vrai. Ils ont des éléments que je n’ai pas. Sur le principe, on doit mettre en place un dispositif pour les entendre et les écouter», a-t-il affirmé.

Si Seydou Diouf note un manque de respect dans les sorties des magistrats, Mame Diarra Fam du Parti démocratique sénégalais y perçoit de l’intimidation. Fidèle à ses habitudes, elle n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. «Un député de la République, on ne le menace pas. Il est élu au suffrage universel direct. Je dis clairement qu’on a appelé les 7 «Sages». S’ils ne répondent, ils savent les conséquences de cet acte. Les 7 «Sages» ont menacé des parlementaires», a-t-elle fait remarquer. Avant d’ajouter ceci : «on vous accuse et vous ne voulez pas qu’on en parle. Ce pays ne vous appartient pas. On a le pouvoir de légiférer. Sans nous, il n’y a pas de loi. On vous a convoqués et vous allez venir répondre. Vous êtes qui pour ne pas être entendus ? On ne me menace pas. Vous ne pouvez que m’envoyer en prison. Et j’y ai déjà sejourné. Si j’y retourne, ça ne sera pas un problème», a expliqué la parlementaire libérale.
Faut-il le rappeler, l’enquête souhaitée par l’Assemblée nationale, et qui reste une initiative du Groupe parlementaire Liberté, démocratie et changement, est le résultat de l’élimination de Karim Wade à l’élection présidentielle du 25 février prochain. En effet, Wade-fils, candidat à la candidature, avait déposé les neuf pièces requises pour se lancer dans la course à la Présidence. Parmi ces neuf pièces, figure une déclaration sur l’honneur disant que le requérant s’engage à être exclusivement sénégalais. Le dépôt s’est fait au mois de décembre, mais c’est le 16 janvier que Karim Wade a été déchu de sa nationalité française. Pour le Conseil constitutionnel, Wade-fils détenait la nationalité française en jurant sur l’honneur qu’il est exclusivement sénégalais. Par conséquent, il a été écarté de l’élection présidentielle. Le Pds explique que la «Commission d’enquête parlementaire a pour but de faire la lumière sur les circonstances et le processus ayant mené à l’exclusion de Karim Wade et de nombreux autres candidats». Le parti indique vouloir cibler «les problématiques de conflits d’intérêts, de corruption présumée, de violations flagrantes et manifestes du secret des délibérations du Conseil constitutionnel et de collusion entre certains membres dudit Conseil et des candidats». Le parti dénonce également «le processus opaque et chaotique d’élimination de candidats lors du contrôle des parrainages». Le Pds estime qu’il est essentiel «de questionner les raisons pour lesquelles les juges, notamment Cheikh Tidiane Coulibaly et Cheikh Ndiaye, n’ont pas pris la décision de se récuser, malgré l’existence de connexions et de conflits d’intérêts».
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