En campagne à Thiès, tous les cinq candidats à la Présidentielle se sont prononcés sur le redressement du chemin de fer. Ils ont promis une fois à la tête du pays de le relancer, car étant en arrêt presque depuis plusieurs mois. Pour des Thiessois, «ce sont justes des promesses de campagne».
Dans une ville comme Thiès, capitale du rail, les candidats, pour convaincre, se doivent de mettre parmi leurs priorités la question du chemin de fer. D’autant que l’électorat thiessois dont les 80% sont constitués de la masse silencieuse, qui ne prend jamais part aux caravanes encore moins aux meetings, est composé dans son immense majorité de la famille cheminote. Et donc tenir un discours à Thiès sans pour autant évoquer le problème des cheminots, ce serait passé à côté. Ce que les cinq candidats à l’élection présidentielle ont compris. Ils ont tous promis une fois à la tête du pays de relancer les activités du chemin de fer presqu’à l’arrêt depuis plusieurs mois. Cheikh Dièye, un Thiessois rencontré au quartier Diamaguène, pense qu’«on ne saurait jamais ce qu’il y a derrière la tête des candidats, mais ce qu’on peut remarquer, c’est que le président de la République sortant, Macky Sall, n’a pas honoré ses engagements par rapport à la relance du chemin de fer. On a également vu que Idrissa Seck, du temps de sa toute-puissance, étant n°2 du Parti démocratique sénégalais (Pds), n’avait pas pensé pour autant à la survie du rail». Pour lui, «l’espoir pourrait renaître du côté des trois autres candidats».
Fils d’un ancien cheminot, Sidy Samb trouve normal le discours des candidats sur le chemin de fer parce que, explique-t-il, «quand ils viennent à Thiès, ils ne peuvent ne pas parler du chemin de fer quand on sait que Thiès est la cité du rail». Mieux, poursuit-il, «toute l’économie de Thiès et toutes les activités génératrices de revenus de la ville de Thiès dépendaient un peu du chemin de fer. Et ce, indépendamment de ce que le chemin de fer soit générateur d’emplois. Il n’y a pas eu une seule famille à Thiès où il n’y a pas au moins un seul cheminot. Donc qu’ils viennent à Thiès battre campagne, c’est normal qu’il parle du chemin de fer». Et selon M. Samb, la seule question maintenant qui mérite d’être posée est de savoir «est-ce qu’ils sont sérieux dans ce qu’ils disent» parce que, rappelle-t-il, «depuis la privatisation, les gens ne cessent de parler du chemin de fer. On va de promesses en promesses. Tous les Présidents qui se sont succédé ont fait des promesses. Lesquelles ne sont jamais réalisées». Il s’offusque : «La preuve, c’est la dernière sortie de l’Administrateur général du la société Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf), Kibily Touré. Il a fait des promesses aussi chimériques qu’impossibles.» Il explique : «Quand il parle de 12 locomotives qu’ils vont louer et qui ne peuvent pas atteindre Bamako, ça pose problème. Parce que lui-même a dit que tous les points critiques de la voie allant de Dakar à Tambacounda seront réhabilités, mais il reste le plus gros du problème, c’est Kidira-Bamako. Et là, il va falloir que l’on attende l’adhésion des deux Etats.» Et de laisser entendre : «On ne peut pas louer des locomotives alors que la voie de la ligne de Kidira à Bamako n’est pas praticable.» Pour dire, selon le fils de cheminot, «ces locomotives ne vont pas relancer l’activité ferroviaire de Dbf parce que je ne pense pas que les Maliens vont accepter de prendre leurs marchandises depuis le port de Dakar pour les débarquer à Tambacounda pour ensuite faire le reste du parcours par véhicule. Donc si Dbf loue des locomotives, c’est à perte». Ainsi, le Thiessois pense que pour redresser le chemin de fer, il faut une véritable politique ferroviaire consistant à la reprise de toutes les voies de transport de passagers. «Le chemin de fer, ce n’est pas seulement le corridor Dakar-Bamako. Celui-ci est une ligne internationale. Il y a une ligne intérieure qui va de Dakar à Saint-Louis, de Louga à Linguère, de Thiès à Tambacounda et de Thiès à Kaolack. Ça c’est le transport voyageur. C’est ça qu’il faudra faire avant de penser au corridor Dakar-Bamako.» Il pense qu’«il faut une réelle politique ferroviaire pour reprendre toutes les lignes à l’intérieur avant de développer un corridor Dakar-Bamako». S’agissant de la promesse du chef de l’Etat sortant de redresser le chemin de fer en avril prochain, il dit : «Ce n’est pas possible qu’il le fasse parce que pour cela il faudrait qu’il soit d’accord avec le Président malien sur ce qu’il y aura à faire. Ce n’est pas à lui seul de décider. C’est entre deux Etats. Et quels que soient les efforts que nous fournirons ici au Sénégal, si les Maliens ne font pas la même chose, l’activité ne va pas reprendre.»
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