Nour Eddine Sail, Président de la fondation du Festival du cinéma de Khouribga (Maroc) : « Sembene, c’est le meilleur des stimulants»
« Beaucoup d’émotion en parlant au passer de quelqu’un qu’on a côtoyé, ce n’est pas évident. Sembène a été un grand cinéaste, mais aussi un témoin exceptionnel de tout ce que le cinéma africain a fait et est capable encore de faire. Nous avons perdu une immense pyramide. Nous sommes un certain nombre à l’avoir connu et il nous a élevé. J’ai connu Ousmane Sembene quand j’avais 20 ans. Notre première rencontre c’était en 70 avec les grands de l’époque : Ababacar Samb, Paulin S. Vierra… A l’époque, ils nous ont adoptés. Se sentir adopter par Sembene, c’est le meilleur des stimulants. Comme j’étais cinéphile et que j’ai parlé pendant un long moment du cinéaste Italien Rossellini, ceci fait que le soir venu il m’appelle et me dit : « ce sont vos convictions qui m’étonnent et me touchent… ». Je ne connaissais pas « Borom Charret ». Et le lendemain matin nous voyons lui moi et Ceddo. J’ai vraiment eu un coup de foudre pour cette spontanéité, cette frontalité du filmage et on en a discuté chez lui pendant deux heures. Depuis lors, on ne s’est plus quitté…En 2007, j’ai reçu un coup de téléphone de Clarence Delgado, j’étais au festival de Cannes, il me dit : « le vieux t’appelle ». Je savais qu’il était hospitalisé, on s’est parlé au téléphone une ou deux fois. Et l’un des points les plus poignant de ma vie c’est quand je suis venu et que j’ai été le voir. On est resté ensemble en tête à tête et on a encore parlé de cinéma. Et quelques jours après j’ai appris son décès.
Mame Younousse Sèye : Comédienne : « Il nous a beaucoup appris»
Ousmane Sembene était un génie. Parce qu’il est à la fois : docker, révolutionnaire, acteur, cinéaste. Il ne peut pas toucher à tous ces arts s’il ne l’était pas. Il est aussi, très dur en tant que réalisateur, sur le plateau, il ne vous laisse pas respirer, il faut connaitre par cœur le scénario. Et surtout être attentif. Il disait : « Moteur on tourne, clap, lumière puis, non arrêtez ! Vous n’avez pas de rythme ». Il nous a beaucoup appris. Il a fait de moi une comédienne alors que je n‘avais pas reçu de formation de comédienne.
Aminata Sow Fall, écrivain : «C’était quelqu’un de très bien»
On a siégé ensemble dans les années 82, 83 à la commission du cinéma. Et puis, on s’est rencontré un peu partout…Quand j’ai reçu l’honoris causa à Montreuille, il croyait que j’étais déjà sur place là-bas et il y a envoyé un mail et me dit : « peut-être que tu ne sais pas, mais tu es mon écrivain préféré ». On plaisantait beaucoup et à chaque fois il chahutait les Saint Louisiens, en me disant : «Vous aimez vous glorifier ». C’était quelqu’un de très très bien… C’est quelqu’un d’une sensibilité extraordinaire. Je suis très fière de l’avoir approché.
Mag Maguette Diop, cinéaste : « Sembène et moi on n’avait pas les mêmes idées »
« On se respectait, il m’a vu jeune lorsque j’ai réalisé mon premier film. Thierno Faty Sow, m’a rapporté qu’à la sortie, Sembene a dit : «Méfiez-vous, ce gosse là il a de l’avenir ». On a travaillé dans le militantisme pour l’avancement du cinéma sénégalais au bureau de l’association des cinéastes. J’ai jamais travaillé avec lui sur un plateau, je n’avais pas envie de toute façon parce qu’on n’avait pas les mêmes idées. Mais il me respectait. Il avait l’âge de ma mère, 27 ans de plus que moi. Aujourd’hui, je lui rends hommage avec tous les travaux que j’ai fait sur lui, pour le respect qu’il m’avait donné. Je lui rends la monnaie en faisant un exposé sur son œuvre par mes capacités en recherche d’archives. Nos rapports n’étaient pas apparents, c’était en sourdine. Dans nos réunions sur le cinéma, il me demandait mon avis et me donne aussi des conseils.
Stagiaire