Quatre ans de recherche. Quatre ans d’accumulation. Quatre ans d’archivage. Quatre ans, qui ratissent de 1960 à 1990. Quatre ans, pour produire un témoignage sur cette période. Ken Aïcha Sy a montré une partie de son «Survival kit» dans le cadre de l’exposition «Flux ramifiés».
Par Moussa SECK – Reconnaissante ! Ken Aïcha Sy se dit reconnaissante d’avoir reçu l’invitation du collectif de chercheuses qui font partie du projet Reconnecting Art. Cette invitation à participer à l’exposition est en effet pour elle l’occasion de montrer à Dakar un travail qu’elle fait depuis quatre ans. De montrer une partie de ce travail dont d’autres avaient été montrées ailleurs. A Saint-Louis, par exemple. Et quel roman, l’itinéraire de ce travail ! Il part des archives de la mère, piste les pas du père, revêt des ramifications nationales avant de prolonger la perspective vers l’international. Telle est l’ampleur du Survival Kit de Ken Aïcha Sy. Survival Kit, «un travail cathartique», selon son auteure. Qui dit : «Il s’avère effectivement que ma mère de son vivant, a été journaliste culturelle et a travaillé au Soleil. Donc j’ai commencé par les archives de ma mère à son décès. Puis, par les archives du Soleil qui m’ont ensuite amenée aux archives de mon père qui est artiste plasticien, et qui est une personne, une figure importante de cette scène sur laquelle je fais des recherches. Et grâce à ses archives à lui, entre autres, j’ai pu revenir sur son passé, sur son cheminement durant lequel il a eu à amener plein de monde avec lui.»
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La famille mais bien au-delà ! K.A. Sy poursuit la narration. Disant que «c’est ce qui m’a permis à travers des archives, finalement familiales, d’élargir à des archives nationales et à des archives internationales. Puisque c’est sur ses traces à lui que je suis allée, c’est ce qui m’a permis de retrouver beaucoup choses sur les autres artistes, à savoir Joe Ouakam, Fodé Camara, à comprendre les différentes générations d’artistes aussi et à bien délimiter les contours de ce qu’est l’Ecole de Dakar et la génération de rupture, celle à laquelle mon père appartient».
«C’est finalement l’histoire contemporaine des Arts»
Il y a alors un air de connexion, et parce que Flux ramifiés marche selon cette logique de connexion, entre le personnel et le professionnel. Peut-être, mais, certainement pas de l’opposition entre les deux. «C’est, dit la curatrice, un travail et c’est fait avec beaucoup de sérieux et toute l’expertise possible collectée et accumulée des dernières années. Mais ce n’est pas une opposition entre le personnel et le professionnel. Ce sont des choses qui se complètent et ce n’est plus une histoire personnelle qui est présentée : c’est finalement l’histoire contemporaine des Arts.»
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La recherche curatoriale de K.A.Sy a alors pris ancrage au Sénégal puis s’est développée sur d’autres territoires autour des artistes plasticiens post-indépendance, de 1960 à 1990. Toutes ces archives qui dormaient ont pu être montrées au public qui n’a pas été insensible au rendu de Ken Aïcha Sy. Qui dit avoir reçu de «très bons retours du public, qu’il s’agisse d’académiciens, de gens lambda qui sont venus, de Sénégalais, d’étrangers, d’artistes ou d’autres curateurs. C’était très intéressant de pouvoir affronter le public et pouvoir montrer ça».
L’expérience de l’exposition qui l’a accueillie a aussi été l’occasion de voir tout ce qu’elle n’aime pas «dans ce travail avec les institutions, dans la libération aussi de cette parole et de cette mémoire, ce sur quoi il faut encore travailler». «Je pense, argumente-elle, qu’effectivement je n’ai vu qu’une partie.» Elle pense en outre : «Ce travail m’a permis de voir une partie des choses qui doivent être faites et en fait, je me rends compte que comme un iceberg, il y a une très grande partie qui est immergée.» Constats faits, notes prises de toutes les remarques, de toutes les critiques constructives, de la réaction du public, le travail continue. Et avec optimisme. «J’espère que les choses pourront être améliorées, rendues aussi plus digestes puisque toute la question de ce travail, c’est aussi comment rendre accessible cette archive-là.»