200 enregistrements sonores sur 456 documents audios enregistrés en Allemagne ont été réceptionnés par l’Institut fondamental d’Afrique noire de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ces enregistrements de tirailleurs sénégalais pendant la 1ère Guerre mondiale ont été remis par le Centre de la culture de l’université Humboldt de Berlin.

Par Justin GOMIS – L’histoire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) pourrait être réécrite dans les années à venir. Cette page sombre de l’histoire mondiale n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. De nouvelles données ont été produites par des Allemands. En fait, l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) a reçu, ce mardi, une collection d’archives sonores des tirailleurs sénégalais de la Première Guerre mondiale qui comprend des enregistrements sonores de soldats mobilisés dans les colonies françaises entre 1914-1918. «Nous avons reçu aujourd’hui (mardi), ici  à l’Ifan, du Dr Hermann von Helmholtz du Centre de la culture de l’université Humboldt de Berlin, accompagné par Alina Januscheck, anthropologue culturelle et sociale spécialisée dans la culture, une collection d’archives sonores de tirailleurs sénégalais de la 1ère Guerre mondiale», a indiqué Abdoulaye Bayla Ndiaye, directeur de l’Ifan. D’après lui, ces universitaires leur ont remis des enregistrements de prisonniers africains de la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’un premier lot de plus de 200 enregistrements sonores sur 456 documents audios enregistrés en Allemagne. Ces enregistrements faits pendant la Première Guerre mondiale comprennent des sons et des données.

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Mais, l’objectif derrière cette remise, «c’est un projet linguistique et une approche un peu coloniale», a précisé le directeur de l’Ifan. A l’en croire, «à leur niveau, ils n’avaient pas tous les moyens d’exploiter ces données. Il y a également les problèmes d’éthique et des questions morales qui se posaient par rapport à ces enregistrements. Ils ont décidé de les remettre à l’Afrique, parce que ce sont des biens des communautés africaines. Mais aussi par rapport aux langues dans lesquels ces enregistrements ont été faits et les chercheurs africains, qui les comprendraient mieux, seraient à même de pouvoir les exploiter. Au-delà de l’aspect scientifique, il y a également une question simplement humaine, parce que ces personnes appartiennent à des communautés. Ces communautés vont savoir ce que sont devenues ces personnes qui sont parties de chez elles pour aller en Europe dans une guerre et par la suite elles ne sont pas revenues», a-t-il expliqué.

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L’autre volet intéressant de ces enregistrements, c’est le volet  historique par rapport au contexte du moment où ces enregistrements ont été faits. «Il y a les conditions dans lesquelles ces enregistrements ont été faits.  Il y a également les personnes qui sont concernées, qui sont des Africains, des tirailleurs amenés de l’Afrique vers l’Europe sans forcément savoir dans quoi ils s’engageaient.
Certains d’entre eux ont été faits prisonniers. Dans ces conditions de prisonniers, on les a amenés à faire des enregistrements. Ce sont des personnes qui viennent de différentes parties de l’Afrique de l’Ouest, mais aussi d’autres  pays du continent africain. L’autre aspect qui est non négligeable, c’est que ces enregistrements seront accessibles aux communautés auxquelles appartenaient ces prisonniers-là», a-t-il ajouté. D’après toujours le directeur de l’Ifan, en dehors de ces enregistrements, il y a aussi des fiches qui accompagnent toutes ces données riches de plusieurs langues africaines.

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«Au niveau du Sénégal, il y a le wolof, le pulaar, le maure, mais il y a aussi d’autres langues. Parce que quand on parle de tirailleurs sénégalais, ce ne sont pas seulement des Sénégalais. Il y a aussi les langues baoulé, haoussa, hassania, le djerma et d’autres langues africaines», a-t-il dit. Abdoulaye Bayla Ndiaye a tenu à préciser qu’après cette phase de remise, s’ensuivra l’étape de la traduction des documents sonores faits en langues africaines, avant d’entrer dans l’étape de l’exploitation qui sera faite par des chercheurs, historiens, anthropologues, archivistes, entre autres. «L’exploitation, ce sont les chercheurs qui font ce travail. Ça peut être des historiens, des anthropologues, des linguistes. Il y a différentes disciplines qui sont intéressées par des recherches autour de ces documents», a-t-il fait savoir. Ce travail requiert l’implication de tout ce monde en vue de mieux décortiquer les messages livrés par ces prisonniers. «Ce sont des prisonniers. Et quand on est prisonnier, on n’est pas libre de faire ce que l’on veut. Ces enregistrements ont été faits sans le consentement des concernés. Une exploitation de ces documents nous permettra certainement de savoir certaines choses qu’ils ont voulu transmettre sans que celui qui les interroge ne sache», a-t-il dit, tout en soulignant que «ces enregistrements sont des sons, des paroles et des gens qui s’expriment par la parole, la chanson». Le directeur de l’Ifan trouve ainsi ces enregistrements très importants pour un institut de recherche comme le leur.
justin@lequotidien.sn