C’est toute une Nation qui a sauté de joie ce samedi. 28 ans après, l’Etalon d’or du Yennenga, la récompense suprême du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), est revenu à un enfant du pays, Dani Kouyaté.Par Mame Woury THIOUBOU (Envoyée spéciale à Ouagadougou)

– Il était 17h 48mn quand Dani Kouyaté a revêtu le manteau du vainqueur de l’Etalon d’or du Yennenga. 28 ans après, un Président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, a remis l’Etalon d’or du Yennenga, récompense suprême de la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), à un enfant du pays. Le moment est historique, 28 ans après Gaston Kaboré. Il faut dire que la surprise n’était pas grande. La veille déjà, Katanga, la danse des scorpions avait trusté quatre récompenses au gala des prix spéciaux. Ce samedi, en plus de l’Etalon, le long métrage burkinabè a aussi remporté les faveurs du public en obtenant la majorité des votes à la sortie des salles. Dès l’annonce de la victoire, la salle du Palais des sports de Ouaga 2000 a été noyée sous un tonnerre de hourras. Le public saluant ainsi le retour au pays des hommes intègres, de cette récompense si convoitée et dotée d’une enveloppe de 20 millions de francs Cfa. Jusque tard dans la nuit, les rues de Ouaga, particulièrement la Place des cinéastes, ont résonnés des échos de la célébration.

Le jury de la compétition long métrage a d’abord rendu un hommage émouvant au réalisateur malien Souleymane Cissé. Pendant de longues minutes, les centaines de festivaliers ont offert une standing ovation au cinéaste malien qui est décédé le 19 février dernier au Mali, à quelques jours du démarrage du Fespaco dont il devait assurer la présidence du grand jury. En son absence, Martin Zongo a assuré l’intérim.

Coproduit par la société de production de Angèle Diabang, Karoninka, Katanga, la danse des scorpions s’inspire de Hamlet de Shakespeare. Tourné en noir et blanc, le film raconte des luttes de pouvoirs dans un contexte africain. «Je dédie ce prix au vaillant Peuple du Faso et à tous ceux qui sont morts sur les champs de bataille pour défendre notre Patrie», a réagi le réalisateur Dani Kouyaté. Ce palmarès du Grand prix du Fespaco est complété par l’Etalon de bronze, remporté par la Zambienne Rungano Nyoni pour In becoming a guinea fowl. Le Somalien Mo Harawe remporte quant à lui l’Etalon d’argent pour son film The village next to paradise. Les prix techniques, décernés la veille au gala des prix spéciaux, ont couronné notamment le film capverdien Hanami de Denise Fernandes pour la meilleure photo, Augure de Baloji (Congo) pour le meilleur montage, entre autres.

Le Sénégal ne rentre pas bredouille
Au total, le Sénégal rentre avec deux mentions spéciales, décernées dans la section Perspectives au film Timpi Tampa de Adama Bineta Sow, le jury ayant salué le jeu des personnages dont le principal, Pape Aly Diop, a fait l’unanimité sur son talent. Un prix dans la section Animation, remportée par Fatima Bathily, avec sa série les aventures de Kadi et Djudju, un Prix spécial Uemoa du meilleur documentaire court pour Abdoul Aziz Basse, avec 2002, Bataille contre l’oubli, sont les autres récompenses glanées durant cette semaine de compétition. S’y ajoute le prix obtenu par Fara Konaté au Yennenga Post-prod pour son projet de film sur Faidherbe. Le producteur sénégalais Sébastien Tendeng repart également avec le Prix Red Sea pour son projet Samiya, réalisé par le Mauritanien Ousmane Diagana. Aux DocuDays, Mahfous Thiam a lui remporté le prix documentaire pour son projet de film documentaire Cila bokk.
Dans la section Documentaire du Fespaco, c’est le film guadeloupéen de Malaury Eloi-Paiseloy, L’Homme vertige, qui est sacré devant Nelson Makengo de la Rd Congo avec Tongo Saa et Joel Akafou de la Côte d’Ivoire avec Loin de moi la colère. La Guadeloupéenne s’adjuge également le Prix Paul Robeson de la meilleure œuvre de la diaspora. Dans la section Perspectives, le Prix Oumarou Ganda de la meilleure première ou deuxième œuvre de film de fiction long métrage a été remporté par le film de la Tunisienne Meriam Jobeur, Who do I belong to. En court métrage fiction, c’est I promise you paradise, de l’Egyptien Morad Mostapha, qui a remporté le Poulain d’or. Au total, cet après-midi de clôture de la 29e édition du Fespaco a permis de distribuer 22 trophées. Selon le Délégué général du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo, le montant total des dotations a été de 178 millions de francs Cfa distribués aux lauréats du palmarès officiel et à ceux des prix spéciaux.

Une montée en puissance
Le Fespaco grandit d’année en année. 2025 aura été ainsi une année record avec un afflux de festivaliers. C’est ce qu’a souligné le Délégué général du Fespaco. «Creuset de partage et d’enrichissement», le Fespaco a accueilli, dit-il, plus de 13 500 festivaliers accrédités venant de 53 pays dont 3500 professionnels, 2000 journalistes et 95 directeurs de festival. Cette affluence s’est aussi traduite par 625 projections organisées sur 12 sites, et 60 rencontres professionnelles. S’y ajoute, cette année, l’organisation d’un Fespaco hors les murs, qui a permis d’organiser des projections dans les provinces, les communes rurales, les quartiers, et même à l’hôpital du Camp militaire Sangoulé Lamizana. Mais tout n’est pas rose. Et le Délégué général a appelé «à résoudre les défis liés aux financements, à l’infrastructure et à la distribution», rappelant que «(nos) films doivent être des catalyseurs de changement, des instruments de dialogue et des vecteurs de solidarité». La prochaine édition du festival est prévue du 27 février au 6 mars 2027.
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