I/L’être humain au début et à la fin de la chaîne de responsabilité
Je fais appel au facteur humain et à son comportement car c’est une variable explicative prépondérante et sur laquelle il faut agir pour arrêter le fléau.
On peut avoir les meilleures routes, des véhicules neufs, mais avec des chauffeurs et des usagers inconscients, rien ne va changer.
Il faut la carotte et le bâton, sachant que cela prend des décennies pour changer le mind set et les comportements des individus, tout en continuant à sensibiliser et à éduquer.
Il faut des changements. C’est notre survie qui l’exige car nul n’est à l’abri, étant donné que nous sommes tous des êtres humains et des parents.
II/ les faits sont alarmants : on parle maintenant de nombres de morts par jour avec des chiffres inacceptables
Le constat est fait , les faits sont têtus, nous sommes tous exposés, nos vies et celles de nos parents en sursis du fait exclusivement de nos comportements sur les routes en tant que particuliers, taximen, gros porteurs , Tata, 7 places , bus et cars de transports interurbains de marchandises, tous, avec un grand T.
Le constat est fait, les transports interurbains de passagers et de marchandises tuent paradoxalement plus que les transports de matières dangereuses au Sénégal.
Les statistiques sont alarmantes, les routes tuent et continuent de tuer plusieurs centaines de vies humaines par an.
Cette tendance est loin d’être renversée, voire stoppée, malgré la sensibilisation, malgré les ateliers de partage et de vulgarisation sur la sécurité routière, malgré la volonté clairement exprimée par l’Etat.
Cet état de fait est-il symptomatique de la nature de l’homosengalensis, ou du manque de célérité des autorités à prendre les mesures idoines, des mesures fortes à la dimension de la gravité du phénomène ??????
Devrions-nous continuer à faire des constats ou n’est-il pas temps de passer à l’action, avec :
des dispositions claires et nettes ;
un cadre réglementaire adéquat ;
une grille de sanctions clairement définies ;
des mesures d’accompagnement ;
une autorité forte et indépendante qui veillera au respect et à l’application desdites mesures.
Il faut un changement de paradigme dans toute démarche stratégique, il faut une cohérence entre les objectifs et les axes stratégiques à mettre en œuvre.
La recrudescence des accidents mortels n’a-t-elle pas remis en cause la pertinence et le succès des mesures jusque-là édictées ? Je pense que oui, car en lieu et place de recul, on note une progression exponentielle grave.
Je me rends compte après un accident que même si j’avais la priorité, il valait mieux laisser l’autre passer car tout accident signifie perte de temps encore plus élevée, blocage de la circulation, appel de huissier pour constat ou des forces de l’ordre, aller à l’assurance avec des va-et-vient, aller chez l’expert, attendre le rapport, aller chez le garagiste avant même d’être dédommagé, si tant est que vous en avez droit, bref autant éviter un accident et que le Bon Dieu nous en garde.
Il faut conduire au Sénégal avec cet état d’esprit de pardon, de tolérance et d’humanisme car mieux vaut tard que jamais
Comme les ateliers, les discours, les activités de vulgarisation et de sensibilisation ont montré leurs limites, je suggère, comme dans toute démarche de planification stratégique, ce qu’on appelle le passage des power-point vers les power plant, en d’autres termes, il faut agir, il faut même être proactif, il faut mettre en œuvre des mesures fortes et élaborer des grilles de sanction en fonction de la nature des accidents. Il faut agir et implémenter des mesures fortes après les multiples constats.
III/ Il faut des mesures fortes à mettre en œuvre en matière de conduite préventive comme cela se passe dans le transport des matières dangereuses
Je propose deux mesures fortes ci-dessous qui sont en vigueur dans certains pays
III-1/ La limitation de vitesse de tout véhicule qui transporte des passagers et des gros porteurs
III-2/ L’interdiction de la conduite de nuit pour ces deux catégories ci-dessus et l’encadrement des heures de conduite desdites catégories
La pertinence et la justification de ces mesures sont confortées par les causes, les moments et les catégories de véhicules impliqués avec des bilans lourds en vie humaine de la plupart de ces accidents de circulation ainsi que les statistiques.
Comment se comportent la majorité des Sénégalais à bord de leur véhicule ? Vous conviendrez avec moi que c’est inhumain et irrespectueux ?
On dit souvent que les routes ne sont pas étroites, mais plutôt les cœurs des conducteurs et des usagers de la route : aucune tolérance, on doit corriger l’autre en le cognant fort.
Entre conducteurs de toutes catégories confondues on se fait justice nous-mêmes sur la chaussée, et à temps réel, on a tendance à vouloir corriger l’autre, fût-il fautif, au prix de prendre sa vie ou des vies d’innocents parents qu’il transporte à bord.
Combien de chauffeurs à un rond-point se disputent la priorité par jour, combien de taximen foncent en engageant un rond-point pour intimider l’autre particulier qui contourne le rond-point et qui dispose de la priorité ?
Nous sommes tous pressés et nous bafouons les règles de priorité, en plus certains sont incorrects et intolérants.
Sauf cas de force majeure, inévitable et imprévisible, et par la grâce d’Allah SWT, les chauffeurs dotés de tolérance, du sens du pardon et d’un humanisme doivent pouvoir s’efforcer pour ne pas se venger sur leurs voisins et éviter autant que faire se peut , tout accident, même s’il faut descendre deux roues de son véhicule et lui céder le passage, sans le heurter frontalement s’il s’agit de la conduite sur les Rn à l’intérieur du pays.
Je conduis un véhicule, je tombe en panne en pleine nuit et je ne mets même pas de triangles de signalisation, ni des feux de détresse et de stationnement.
J’ai une crevaison, au lieu de rouler avec pour descendre de la route, je me permets de changer la roue sur la chaussée sans aucune mesure de sécurité pour moi ou pour les autres.
Constat :
Pour dépasser un bus de transport de passagers entre Dakar et Kaolack, un particulier, avec un véhicule neuf, ne peut le faire sans rouler à plus de 120 km/h, il en est de même pour les 7 places, contrairement aux apparences de cette dernière catégorie.
Tu dépasses un véhicule 7 places, si tu te permets de t’arrêter quelque part sur la route dans une localité, ce même véhicule 7 places va te trouver là-bas, pour dire la vitesse à laquelle ils roulent malgré leurs âges et l’état dans lequel les passagers s’y trouvent. Ne vous fiez pas à leurs apparences.
A la limite il ne vaut même pas la peine de chercher à les dépasser car ils vont te pousser à risquer ta vie. Est-ce normal pour un bus avec le nombre d’êtres humains à bord ?
Dans certaines localités, nous avions toujours assisté à des populations revendiquant des dos d’âne, à défaut de brûler les véhiculent qui tuent leurs concitoyens ou de tabasser le chauffeur auteur d’un accident mortel qui, pour se sauver, est obligé de prendre la poudre d’escampette.
Les bus importés de l’Europe et qui constituent aujourd’hui le principal moyen de transport de passagers interurbains n’ont pas le droit de rouler dans leurs pays d’origine à la vitesse qu’elle pratique au Sénégal. Leurs moteurs sont souvent plombés à une vitesse maximale qu’ils ne peuvent dépasser et leurs places et poids total chargé encadrés : pourquoi les laisser rouler à une vitesse bafouant toutes normes et procédures en matière de conduite préventive ici au Sénégal ?
La conduite préventive est un comportement, un état d’esprit, un état d’alerte, une concentration et une capacité de s’adapter aux aléas climatiques (la conduite en période de pluie, la nuit, etc.)
Il n’y a rien de plus sage et sécuritaire que de se garer lorsqu’il y a une forte pluie qui diminue votre visibilité, pourquoi ne pas mettre ses feux de détresse, s’ils ne sont pas défectueux ? Pourquoi pas rouler doucement jusqu’au prochain village ou à la prochaine occasion de stationnement pour s’arrêter ?
IV/Mesures
d’accompagnement
Il faut pour cela aménager des aires de stationnement appropriées.
Il faut exiger le balisage et les triangles de signalisation obligatoires chez beaucoup de gros porteurs qui, une fois en panne sur la route et même la nuit, sont à l’origine de plusieurs accidents mortels avec chocs mous qui occasionnent beaucoup de pertes en vie humaine.
Il faut des numéros verts et des équipes techniques d’urgence mises en place dans le but d’éviter qu’un accident ou une panne soit à l’origine d’un autre accident grave.
Il faut instaurer des points de check list au niveau des gares routières nonobstant le passage de la visite technique annuelle pour s’assurer que les véhicules prêts à prendre la route satisfont à un certain nombre de prérequis indispensables en matière de conduite préventive.
Instaurer et encadrer le temps de repos des chauffeurs de transports interurbains car ce sont des êtres humains qui se fatiguent et s’usent,
quand vous rentrez dans un véhicule de transport en commun, ne laissez point un chauffeur faire ce qu’il veut et risquer votre vie, alertez-le à temps, à défaut d’appeler les Forces de l’ordre.
Numéros verts des Forces de l’ordre avec possibilité de recevoir des sms
des structures techniques chargées de vérifier toujours le bon fonctionnement des vitesses règlementaires.
V/ Mise en place d’une
autorité forte de régulation, de surveillance, de contrôle et de sanction
Dans tout secteur libéralisé, il faut à côté de l’Etat, des usagers et des acteurs ou opérateurs, y compris chauffeurs, une autorité de régulation forte capable de concilier les intérêts divergents des parties, la viabilité du secteur et l’exercice d’une concurrence saine, dans le respect des normes, procédures et exigences de sécurité et de sûreté.
Ce sera une autorité indépendante à tout point de vue pour réussir sa mission.
Sa composition se fera selon les critères multidisciplinaires, pluridimensionnels et de transversalité entre départements sectoriels de l’Etat.
Cette modeste contribution n’a pour but que d’apporter notre pierre à la construction de notre cher pays en réduisant le nombre de morts par accidents sur la route. Elle n’a aucunement pour objectif de viser les intérêts d’aucune partie qui pourrait se sentir lésée ou visée, mais plutôt l’intérêt supérieur de la Nation, au regard des nombreuses années d’expérience et formations acquises dans le management de la sécurité des transports, ici et à l’étranger.
Demba GAYE
Expert pétrolier
Diplômé Hec Montréal
Diplômé en administration des affaires Uqam Montréal
Ancien conseiller technique du Premier ministre en charge du secteur du pétrole et des énergies
Conseiller départemental de Mbour