Le Syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’éducation au Sénégal (Siens) a fait une déclaration pour apporter des considérations et des mises en garde pour le recrutement d’enseignants, annoncé par le chef de l’Etat lors de son message à la Nation du 3 avril  dernier. Pour cette occasion, le Siens invite au respect des valeurs et du consensus fort pour un recrutement en quantité et qualité

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Par Badé SECK – Le Syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’éducation au Sénégal (Siens) a salué la décision du président de la République de recruter 65 mille jeunes avec une allocation de 80 milliards de francs Cfa dans les différentes «activités d’éducation, de reforestation, de reboisement, d’hygiène publi­que, de sécurité, d’entretien routier et de pavage des villes, entre autres», avec un quota spécial réservé «au recrutement de 5 000 enseignants pour le préscolaire, le primaire, le moyen et le secondaire, y compris les daaras modernes et l’enseignement arabe».
Dans une déclaration, le secrétaire général dudit syndicat soutient cette volonté du président de la République qu’il considère comme une réponse au chômage des jeunes et à la problématique de l’emploi. Alcantara Sarr estime qu’elle peut être très bénéfique pour le système d’éducation et de formation qui souffre d’un déficit lourd d’enseignants.
Cependant, pour  l’organisation syndicale, cette décision implique un certain nombre de considérations.  De l’avis de M. Sarr et ses camarades, le Sénégal aurait besoin dans les projections les plus optimistes de plus de 40 mille enseignants au primaire d’ici 2023. Le déficit est donc réel et les autorisations de recrutement et quotas annuels doivent impérativement être à la hauteur de ce gap ; ce qui ne semble pas être le cas depuis plusieurs années à tout le moins avec un niveau de recrutement moyen d’environ 2 000 enseignants par an pour l’élémentaire.
Mieux, poursuivent-ils, un risque subsiste autour des modalités de ce recrutement si l’Etat envisage en dehors des procédures appropriées et pourrait de ce fait répondre à une logique politique qui verrait dans le secteur de l’éducation et de la formation vital pour le présent et pour le futur du pays une niche et une opportunité d’ajustement à court terme.
Le Siens suggère au ministre de l’Education nationale d’œuvrer, conformément à la doxa de la grande communauté des acteurs de l’éducation, au respect des valeurs et du consensus fort pour un recrutement en quantité et qualité, notamment sur la base du vivier indiqué et de ne point céder aux chants des sirènes allant dans le sens d’un recrutement fondé sur une vue à court terme et non en adéquation avec une éthique de refondation de l’école comme socle de production du capital humain et d’un Sénégal moderne et authentique.
Le Siens invite également le président de la République, au-delà de ce recrutement exceptionnel bien salué, à mettre en place un plan de relance du système d’éducation et de formation qui intégrerait d’ici 2024 la question du financement massif et innovant du secteur, le recrutement d’agents en nombre et qualité, y compris, comme annoncé récemment lors de la cérémonie officielle de lancement du rapport international du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Confemen (Pasec), celui d’ins­pecteurs de l’enseignement en charge de la conception, du contrôle et de l’encadrement, ainsi que la mise en place de conditions attrayantes de rémunération et de performances, seul gage de maintien, de stabilité et d’efficacité interne et externe.
Le secrétaire général du Siens convie l’ensemble des acteurs à garder un niveau élevé de vigilance et à exercer leur droit de regard et leur capacité critique, afin que le projet d’école ne soit pas dévoyé.
Dans sa note déclarative, le Siens précise que toute décision allant dans le sens de la création d’emplois dans le secteur hautement stratégique de l’éducation doit impérativement s’inscrire dans une logique de planification rigoureuse, de quête d’un accroissement de l’efficacité interne et externe, de la durabilité et de l’intégration des impératifs de l’agenda 2030, ainsi que du respect des principes, valeurs et objectifs partagés vers une scolarisation universelle de qualité, sans «laisser personne au bord de la route».
Entre autres considérations listées par les inspecteurs, un consensus fort s’est dégagé au niveau de la communauté éducative, compte tenu des implications négatives constatées : défaut de transparence, faible qualité, clientélisme politique, népotisme etc. pour définitivement tourner la page des recrutements parallèles ou «sécuritaires», non conformes à la doctrine du cadre réglementaire pour l’entrée dans la profession d’enseignant. Au contraire, soulignent-ils, l’ensemble des acteurs militent en faveur d’une amélioration du dispositif et des procédures (décentralisation du Concours de recrutement des élèves-maîtres (Crem) dans une logique d’équité territoriale, augmentation de la durée de la formation initiale, meilleure adéquation avec l’année scolaire, relèvement du plateau technique des Crfpe avec une dotation appropriée en logistiques…
La valorisation de la plateforme qu’offrent les Crfpe et la Fastef, le démarrage de la formation initiale, la disponibilité des formateurs permanents (132 pour les 14 centres), l’existence de centaines de jeunes sénégalais qui ont déjà assumé les contraintes du concours d’entrée et placés sur la liste d’attente du Crem (sur les deux dernières années seulement, environ 1 418 en français et arabe), de même que tous ces jeunes sans emploi, déjà titulaires de diplômes professionnels tant pour l’élémentaire que pour le moyen-secondaire.
Tous ces éléments, d’après Alcantara Sarr et Cie, imposent le recentrage de ce recrutement exceptionnel sur ce riche vivier, si tant est que le seul souci des pouvoirs publics est de favoriser la création d’emplois dont le secteur a besoin pour répondre de manière pertinente au besoin d’éducation et de formation de milliers d’enfants et de jeunes.
bscek@lequotidien.sn