Le régime répressif du Président Patrice Talon est au banc des accusés. Amnesty international l’accuse de nombreuses violations de droits humains relatives aux libertés de presse et d’opinion et à l’absence de démocratie à la veille des Législatives de demain dont l’opposition est privée de participation.
La tension qui prévaut au Bénin, à la veille des élections législatives qui vont se tenir demain sans la participation de l’opposition, préoccupe Amnesty international (Ai). L’Ong internationale de défense des droits humains constate en effet : «La vague d’arrestations arbitraires de militants, de politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques ont atteint un niveau alarmant au Bénin.» Ainsi dans un communiqué, Ai indique qu’«au moins une personne est morte lors d’échauffourées entre des manifestants et des membres des forces de sécurité qui ont eu lieu en février à Kilibo, une ville du nord du pays». «Ces événements font suite à la décision de la Commission électorale d’autoriser seulement deux partis politiques – appartenant au camp présidentiel – à présenter des candidats aux élections et d’exclure toutes les listes d’opposition», fait savoir Amnesty international. Qui informe aussi que «depuis février, les forces de sécurité dispersent les manifestations pacifiques au moyen de gaz lacrymogène et de matraques et arrêtent des cadres de l’opposition». L’Ong de défense des droits humains renseigne que «les autorités locales ont instauré une interdiction générale de manifestation pendant la période préélectorale, notamment dans la ville de Parakou et dans les départements des Collines et du Zou».
François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty international, fait remarquer que «la vague d’arrestations et de détentions qui ne fait que prendre de l’ampleur au Bénin suscite de vives inquiétudes, en particulier dans le contexte des élections. Interdire les manifestations pacifiques et arrêter les personnes qui dénoncent l’exclusion des partis d’opposition des élections législatives ne fera qu’accroître l’agitation politique».
Amnesty international annonce avoir «recueilli des informations sur au moins trois cas où les forces de sécurité avaient réprimé des manifestations pacifiques organisées par des partis d’opposition à l’approche des élections parlementaires». Des rassemblements, au regard de l’Ong, qui «se sont déroulés les 1er, 4 et 19 avril et les forces de sécurité, y compris la police, ont utilisé du gaz lacrymogène, des matraques et des lanceurs à air comprimé pour les disperser. Les militaires et les policiers déployés sur place portaient des armes à feu».
Des grenades lacrymogènes contre les ex-Présidents Soglo, Boni Yayi et la doyenne du Parlement
Dans le même sillage, ces défenseurs des droits humains notent que «le 19 avril, les forces de sécurité ont tiré du gaz lacrymogène sur deux anciens Présidents béninois, Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi, ainsi que sur la doyenne du Parlement, Rosine Vieyra Soglo, âgée de 83 ans, alors qu’ils s’adressaient à la foule sur le lieu d’une manifestation à Cotonou, la capitale».
De nombreuses arrestations ont été opérées «dans le contexte des manifestations, notamment des responsables politiques. Julien Agossou Bodé, une personnalité de l’opposition, a été arrêté le 19 avril et inculpé d’incitation à la violence à cause d’une vidéo qu’il avait diffusée sur les réseaux sociaux. Il a été libéré sous caution le 23 avril dans l’attente de son procès, prévu pour le 6 mai». «Il faut que les autorités prennent toutes les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que les élections se tiennent dans un climat dénué de violence et permettre à tout le monde d’exprimer son opinion», a déclaré François Patuel.
«Les journalistes paient également un lourd tribut»
Même la presse n’est pas épargnée par les forces de sécurité puisque «les journalistes paient également un lourd tribut : à la menace d’être arrêté s’ajoutent les manœuvres d’intimidation». «Le 18 avril, le directeur de publication du journal Nouvelle Economie, Casimir Kpédjo, a été arrêté à son domicile. Son avocat a indiqué à Amnesty international que l’arrestation avait eu lieu à la suite d’une plainte déposée par l’Agent judiciaire de l’Etat béninois devant la justice, parce qu’il avait déclaré sur Facebook que la dette du pays avoisinait les 725 millions de dollars des Etats-Unis (environ 428 milliards de francs Cfa) et que cela allait à l’encontre de la Loi de finances 2019. Il a été inculpé de publication de fausses informations. Libéré sous caution le 23 avril, il risque encore un procès», souligne Amnesty international.
«Ignace Sossou, un journaliste du site internet d’actualités beninwebtv.com, fait l’objet de poursuites pour publication d’informations mensongères en rapport avec deux articles sur l’évasion fiscale au Bénin. Il a été convoqué trois fois à l’Office central de répression de la cybercriminalité et sera jugé le 10 juin», ajoute le communiqué de l’Ong de défense des droits humains.
Des lois répressives ont été votées ces dernières années au Bénin, rappelle Amnesty international. Celles-ci vont de la répression de la dissidence avec le Code du numérique (2017) au Code pénal béninois, adopté en 2018 en passant sur la loi sur le droit de grève «qui limite la durée des grèves à 10 jours par an au maximum pour tous les fonctionnaires, les membres du personnel des Collectivités locales, les salariés des secteurs public et privé et les employés d’organes paraétatiques». «Le personnel du secteur de la santé est, quant à lui, interdit de grève», précise-t-on.
Recommandations et appel
Le chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty international, François Patuel, recommande au gouvernement du Bénin : «Il faut que les autorités fassent en sorte que les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique soient respectés. Les forces de sécurité doivent s’abstenir, en toutes circonstances, d’avoir recours à la force contre des manifestants pacifiques.»
A propos du respect de la liberté de la presse, Ai invite les autorités béninoises «à cesser leurs manœuvres d’intimidation visant des journalistes, dont les effets se font cruellement sentir sur la liberté de la presse».
mdiatta@lequotidien.sn