Reddition des comptes : LA JUSTICE AU TEMPS DES HOMMES

Les anciens dignitaires du régime Sall vont passer les prochaines semaines entre les bureaux des juges et les salles d’interrogatoire de la Dic. Avec l’exploitation du rapport du Fonds de riposte contre le Covid-19, le Parquet financier a annoncé des enquêtes sur les conclusions du rapport d’audit de la Cour des comptes sur les finances publiques 2019-2024.Par Bocar SAKHO –
Le Premier président de la Cour des comptes l’avait annoncé, il y a quelques jours. Et la machine judiciaire a été mise en branle par le Parquet judiciaire financier qui a donné un soit-transmis à la Division des investigations criminelles (Dic), pour enquêter sur les «actes et faits susceptibles de qualifications pénales» soulevés par le rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques de 2019 à mars 2014. «Le 14 avril 2025, le procureur de la République financier a saisi la Division des investigations criminelles (Dic), aux fins d’enquêtes sur les différents points soulevés» dans ce dossier. Le Procureur financier, El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, écrit dans un communiqué : «Le Parquet du Pool judiciaire financier a reçu, le 3 avril 2025, du Procureur général près la Cour d’appel de Dakar, un référé aux fins d’ouverture de procédures pénales, transmis au ministre de la Justice, Garde des sceaux, par le Premier président de la Cour des comptes.» Le 13 février dernier, Ousmane Diagne avait donné le ton en annonçant des poursuites contre des personnes pour «faux en écriture et faux en informatique, détournement de deniers publics et escroquerie sur les deniers publics, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite, complicité et recel de ces chefs d’inculpation». C’est un sale temps judiciaire qui s’annonce pour les dignitaires de l’ancien régime. Il s’agirait d’ex-ministres, de directeurs généraux, de comptables et de particuliers qui se retrouveraient dans le viseur et qui vont défiler devant la Dic dans les prochains jours.
Cet audit de la Cour des comptes sur la gestion du dernier mandat de Macky Sall avait été une photographie inédite des finances publiques. Il avait révélé une dette de plus de 18 000 milliards, un déficit qui représente 99, 67% du Pib, largement supérieur à ce qu’avait déclaré le régime de Macky Sall, des dépenses autorisées en dehors du circuit du Trésor public avec la création de comptes spéciaux, des transactions opaques ou nébuleuses, l’existence de ressources extérieures qui n’étaient pas inscrites dans la Loi de finances, des transactions nébuleuses… L’audit avait aussi pointé un encours de 13 773 milliards de francs Cfa de la dette de l’Administration centrale au 31 décembre 2023, différent de celui de 13 854 milliards de francs Cfa retracé dans le Plr 2023, soit un écart de 81 milliards. Selon l’institution de contrôle, la «situation des disponibilités de l’Etat transmise à la Cour par le Trésorier général est arrêtée à 278, 47 milliards de francs Cfa au 31 décembre 2023, alors que le rapport du gouvernement indique un solde de 173, 6 milliards, soit un écart de 104, 87 milliards».
Entre le pénal et la Chambre de discipline financière
Lors d’une réunion tenue la semaine dernière à Dakar, dans le cadre des Assises de l’Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du français (Aisccuf), Mamadou Faye avait annoncé le temps qui allait arriver. Autant des enquêtes seront menées sur le plan pénal, autant la Cour des comptes fera ses propres instructions au niveau de la Chambre de discipline financière logée en son sein. «Quand la Cour fait un rapport, elle instruit à charge et à décharge. Quand il y a un rapport, il peut y avoir des faits qui relèvent de la Chambre de discipline financière, à savoir les fautes de gestion. Comme il peut y avoir des faits susceptibles de relever du pénal. Et à partir de là, la chambre concernée compétente se réunit et fait un déféré pour la Chambre de discipline financière et un référé pour les autorités judiciaires.
Maintenant, le financier ne tient pas le pénal en l’état, tout comme le pénal ne tient pas le financier en l’état.
L’exploitation qui en serait faite du judiciaire, je ne dis pas que cela ne nous concerne pas tellement, mais ne nous préoccupe pas parce que le judiciaire va mener ses enquêtes et faire ses procédures selon son timing. Tout comme au niveau de la Chambre de discipline financière, nous allons mener nos instructions et réserver une certaine suite au dossier», assurait-il.
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