Réduire l’accessibilité des denrées alimentaires à haut risque pour la santé en augmentant leur prix : un plaidoyer

La récente décision du gouvernement de réduire le prix de certaines denrées et de produits alimentaires fut bien accueillie. A court terme, cette mesure peut s’avérer bénéfique pour le pouvoir d’achat. Sur le long terme, elle peut avoir un impact négatif sur la santé des populations. Sur certains sujets, il est essentiel de prendre en compte dans les prises de décision, les implications sur la longue durée. Cela est valable pour la fixation des prix des denrées et produits alimentaires à forte consommation. Le gouvernement doit avoir un aperçu clair sur la relation entre accessibilité et santé.
Nos habitudes alimentaires ne sont pas bonnes. Elles sont structurées par l’excès et le déficit : l’excès dans la consommation d’aliments à haut risque pour la santé physique et le déficit dans la consommation d’aliments sains. Il existe une corrélation de cause à effet entre régime alimentaire et santé. Ce lien, comme beaucoup de relations de cette nature, n’est certes pas direct, mais il existe. Les denrées concernées par la réduction des prix ont un apport nutritif faible. Leur consommation, déjà excessive, pose un problème de santé publique. Les produits sont souvent associés à la survenue des maladies cardiovasculaires, du diabète (type 2) et de l’obésité. En diminuant leurs prix, le gouvernement rend ces produits davantage accessibles ; l’idéal aurait été de les rendre moins abordables. Le gouvernement aurait dû, au risque de déplaire, augmenter le prix de ces produits. Gouverner, c’est aussi avoir le courage de prendre des décisions impopulaires. En relevant les prix, le gouvernement peut pousser les populations à se tourner vers des alternatives alimentaires plus saines ; une façon d’aider notre système de santé boiteux et coûteux à se remettre sur ses pieds. Les alternatives existent. Il faut les identifier, promouvoir leur production et les rendre moins chers. Les consommateurs sont très sensibles aux augmentations de prix. Surtout lorsqu’ils sont d’avis que le produit n’est pas nécessaire et qu’il existe sur le marché une option de repli moins coûteuse. La consommation excessive du sucre, de l’huile et du riz blanc dans le pays n’est d’aucune nécessité. Elle est plutôt le résultat de mauvaises habitudes. Le gouvernement doit lutter contre ces habitudes, au lieu de leur offrir des conditions favorables d’extension et de pérennisation.
Nous avons besoin d’un changement de paradigme dans les politiques de santé publique. C’est la société qui doit être plus résiliente et non pas seulement le système de santé publique. Le gouvernement doit intervenir sur les déterminants environnementaux et sociaux de la maladie. La pauvreté, le faible niveau d’instruction, les mauvaises habitudes alimentaires, l’absence d’activités physiques régulières, le contact permanent avec des produits toxiques, la forte pollution de l’air dans les zones urbaines et péri-urbaines sont à la source de bien de nos problèmes de santé. A défaut d’enrayer ces facteurs négatifs, le gouvernement doit s’atteler à réduire les menaces et risques qu’ils font peser sur la santé des populations. Une politique de santé publique ne doit pas être seulement curative. Elle ne doit pas seulement être dirigée vers ceux dont la santé est déjà altérée. Elle doit aussi pouvoir réduire les risques de maladie chez ceux qui sont en bonne santé.
Serigne Babakar DIOP
Allemagne