Dans un article récent intitulé : «Le pétrole de Sangomar, mythes, passions, effets d’annonce et réalités», j’exprimai le point de vue d’un géologue qui a enseigné quarante ans à l’université Cheikh Anta Diop.
L’article cité a entraîné des réactions diverses, y compris des réactions de plusieurs autorités et je peux le comprendre et l’admettre.
Loin de me comparer, une seule seconde, à l’éminent Pr Cheikh Anta Diop, je rappellerai qu’en 1974, il s’est rendu au Caire, pour aller défendre, seul, la thèse de l’antériorité des civilisations nègres.
Le Pr Cheikh Anta Diop était historien ; je suis géologue et je maintiens, jusqu’à plus ample informé, que les réserves de pétrole du champ de Sangomar ont été surévaluées bien que certifiées.
Pourquoi ne pas organiser un débat scientifique sur cette question ?
Il est vrai que le développement du gisement de Sangomar a été lancé et qu’il suit son cours, dans le cadre d’un environnement de mobilisation des ressources financières difficile et que tout débat scientifique sur la question des réserves paraît inutile et dépassé…
Mais inutile pour qui ?
Pour la science ?
Pour la géologie ?
Pour la géologie pétrolière ?
Je suis géologue et enseignant et la thèse que je défends peut être, bien sûr, réfutée mais elle devra l’être sur des bases scientifiques et non subjectives et en tant que scientifique de formation, je suis depuis longtemps acquis à l’idée que la «science progresse d’évidences sommaires et provisoires en évidences sommaires et provisoires».
Je réclame donc l’organisation d’un débat scientifique sur cette question et je viendrai en toute modestie faire valoir mes arguments techniques et scientifiques.
Je ne cherche pas à avoir raison, je cherche à éclairer l’opinion et si au terme du débat scientifique, mes arguments tombent, j’accepterai la vérité scientifique qui brille toujours comme un soleil, et ma conscience, d’enseignant et de géologue, sera en paix.
La surestimation des réserves de pétrole du champ de Sangomar est un problème scientifique ; il ne s’agit pas d’un sujet d’épouvante.
Le calcul des réserves d’hydrocarbures obéit à des principes scientifiques et même si un réservoir d’hydrocarbures ne s’expose pas dans une galerie d’art pour être contemplé, la méthodologie doit être exposée et discutée car nous sommes en présence des «sciences de la terre»…
Les dispositions de la Constitution (article 25-2) permettent au citoyen de donner son avis sur les ressources minérales et énergétiques de son pays surtout après 47 ans d’exercice dans ce domaine, comme enseignant. Cela ne devrait étonner personne.
Nous savons comme tous les géologues «qu’un réservoir n’est jamais connu d’avance», mais nous connaissons surtout «la trilogie» de la genèse du gaz et du pétrole à savoir : roche mère, roche couverture et roche réservoir.
Si les réserves de fluides sont estimées après des essais de production des puits, les paramètres (perméabilité, porosité, argilosité) du réservoir sont connus.
Sans connaissance des propriétés pétrophysiques, de la nature du réservoir, il est difficile de quantifier le contenu.
Si 2,5 milliards de barils de pétrole et 10 TCF de gaz ont été annoncés à Sangomar dès 2017 et que le champ se révélait être un champ de «classe mondiale», les derniers chiffres annoncés par une voix officielle, après un forage horizontal, indiquent environ 930 milliards de mètres cubes pour le gaz et 1 milliard de barils pour le pétrole.
Quels chiffres retenir ?
Le Sénégal est aujourd’hui en présence de deux modèles :
Le «modèle du Nord» avec l’exploitation prochaine du gaz naturel par l’opérateur BP qui détient 69% des parts de la JV (Joint Venture) du champ de GTA et qui verra la commercialisation du gaz naturel liquéfié être confiée à la branche marketing de BP (quels rôles joueront les sociétés nationales du Sénégal et de la Mauritanie qui détiennent chacune 5% des parts de la JV ?).
Le «modèle du Sud» avec l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz associé du champ de Sangomar par l’opérateur Woodside qui détient 81% des parts de la JV alors que la société nationale détient 19% des parts.
Les sociétés pétrolières internationales Cairn et ConocoPhilipps, participants historiques de la JV du champ de Sangomar et qui sont à l’origine des découvertes, ont décidé de vendre leurs parts et seules deux sociétés sont aujourd’hui présentes dans la JV : Woodside et Petrosen.
Ces deux sociétés devront désormais mobiliser seules le financement très lourd des investissements liés au développement du gisement de Sangomar.
Pour conclure :
Comparaison n’est pas raison : le réservoir d’or de la mine de Sabodala ne saurait être comparé au réservoir d’hydrocarbures du champ de Sangomar; il y a d’une part la science des fluides et d’autre part la science des solides ; il y a deux états de la matière différents, deux genèses et mécanismes différents, deux modes de gisement différents ; bref des «tenants et aboutissants» fondamentalement incomparables.
Loin de toute polémique, je considère que les avis personnels émis ne sont imposés à personne et que ma fierté reste la réussite de mes camarades de promotion, de mes anciens étudiants, et des amis avec lesquels je partage des espaces de discussion et des débats d’idées.
Dr Momar SAMB
Docteur ès-sciences
géologiques.
Docteur-Ingénieur en Matières Premières Minérales et Energétiques.
Diplôme d’Eudes Approfondies (Dea) en Ressources, Matériels et Minéraux.
Ingénieur en Géologie Minière.
Dess en Finances et Gestion des Organisations.
Licence ès- sciences
économiques.