Elles étaient 145 hier, et seront peut-être plus d’ici la fin de la date de signature. Ces Ong du monde, dont la sénégalaise Arcade, dirigée par Demba Moussa Dembélé, veulent une réforme en profondeur des règles régissant l’Omc pour, selon elles, une prospérité qui profite plus aux individus qu’aux multinationales.Par Mohamed GUEYE – 

La crise mondiale engendrée du coronavirus a démontré à ceux qui voulaient l’ignorer, à quel point les règles du système économique et commercial international étaient biaisées au profit non pas seulement de certains pays, mais surtout pour le bénéfice d’un système représenté par de grandes entreprises multinationales. Ainsi, au moment où, du fait des contraintes liées à la distanciation physique et aux gestes arrières, provoqués par la lutte contre le Covid-19, des entreprises ont dû fermer leurs portes à travers le monde, mettant des milliers de gens au chômage de manière provisoire ou définitive, des grands consortiums ont vu s’envoler leurs profits.
La première société à avoir le plus profité des mesures de confinement dans le monde, est la société Amazon, dont le patron, Jeff Bezos, est présenté comme l’homme le plus riche du monde. Au moment où plusieurs sociétés de distribution, même celles ayant pignon sur rue, licencient à tour de bras faute de savoir comment faire face à une forte mévente, Ama­zon a affiché un bénéfice annuel record malgré la pandémie.
La pandémie du Covid-19, justement, a été le révélateur de la grande disparité économique et sociale qui fragmente le monde. Bien que la maladie a ceci de particulier que tant qu’il y aura une poche de malades dans un bout de la Terre, nul au monde ne pourrait se sentir préservé et en sécurité, les pays les plus développés accentuent leur égoïsme en privant les plus pauvres d’entre nous des vaccins anti-Covid. Au moment où en Grande Bretagne et en France métropolitaine par exemple, on compte plus de 80% de la population entièrement vaccinés, des pays comme le Sénégal, qui a l’un des meilleurs taux de vaccination en Afrique, n’en compte pas encore 20% de sa population. Les Américains ont dans leur stock plus de 150% de vaccins nécessaires à leur population, tandis que des pays comme l’Ouganda et la Tanzanie, sont encore obligés de rationner et de trier les populations dignes d’être vaccinées en premier.
Si cela a été possible, ce n’est pas parce que les pays moins développés n’ont pas les moyens financiers d’acquérir les vaccins. C’est d’abord parce que les règles qui régissent l’économie et le commerce mondiaux, protègent les pays du Nord, au détriment de ceux du Sud. Cela a poussé plus de 145 organisations de la Société civile à travers le monde, parmi lesquelles on retrouve l’Ong Arcade, que dirige l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, à signer une pétition pour appeler à une réforme en profondeur de l’Organisation mondiale du commerce (Omc). Elles souhaitent remettre ce document, intitulé : «Revi­rement : de nouvelles règles commerciales multilatérales pour une prospérité partagée, centrée sur les personnes, et un développement durable» aux ministres et représentants des différents pays membres de cette organisation, qui doivent se retrouver à Genève, en Suisse, pour leur 12ème Réu­nion ministérielle, à la fin du mois de novembre et en début décembre.
Le constat à la base de leur pétition, est sans appel : «La pandémie du Covid-19 a révélé comment le modèle de l’Omc exacerbe l’insécurité, l’inégalité et l’instabilité. Aujourd’hui, les chaînes d’approvisionnement profondément intégrées créées par les règles de l’Omc au cours des dernières décennies ont sapé la lutte de nombreux pays contre la pandémie du Covid-19. Dans le monde entier, les pays ne peuvent pas fabriquer ou obtenir des masques, des kits de test, des ventilateurs, des médicaments, des vaccins et d’autres équipements nécessaires.» Les membres de la Société civile de presque partout dans le monde, précisent, comme nous l’avons dit plus haut, que cela n’est pas une affaire de moyens financiers. Ils déclarent : «Des décennies de règles de l’Omc ont donné la priorité aux demandes des grandes entreprises de concentrer la production mondiale pour maximiser leurs profits et ont interdit aux pays d’utiliser des outils politiques pour garantir la capacité de production locale et la diversité des fournisseurs d’importation. Les règles de l’Omc sur la propriété intellectuelle, conçues pour maximiser les profits des entreprises pharmaceutiques plutôt que la santé publique, ont fait grimper les prix et créé des pénuries de médicaments essentiels à la lutte contre le Covid-19 dans de nombreux pays, entraînant des décès et une augmentation des maladies dans le monde entier qui auraient pu être évités».
Pour autant, changer les choses ne veut pas nécessairement dire faire table rase de l’existant, car l’Omc pourrait toujours avoir son utilité. «Alors qu’un système multilatéral qui régit le commerce et discipline le comportement des entreprises est essentiel, le système spécifique de règles incarné par l’Omc devrait être attaqué car, au cours de ses 25 années d’existence, elle n’a pas réussi à assurer le développement, à promouvoir une prospérité partagée et à garantir la durabilité du commerce. Les prédictions d’une croissance partagée dans le cadre du système de l’Omc ont échoué lamentablement, comme l’avaient prédit nombre de nos organisations au moment de la création de l’organisation, tandis que les inégalités ont grimpé en flèche, appauvrissant des centaines de millions de personnes».
Il y a donc un certain nombre de réformes que les Etats devraient engager pour que l’Omc redevienne utile aux échanges pour les peuples, et non pour des entreprises multinationales. Les dix points de la pétition spécifient longuement les points de revendication des activistes du monde envers l’Organisation dirigée par la Nigéro-Américaine Ngozi Okon­jo Iweala.
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