La Commission ouest africaine sur les drogues et l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs) ont procédé hier au lancement officiel de la loi type sur les drogues en Afrique de l’Ouest. Cet instrument plaide pour une gestion moins répressive et plus humaniste à l’égard des consommateurs de drogues injectables en Afrique.
C’est maintenant officiel : La Commission ouest africaine sur les drogues tient sa loi type sur les drogues. Magatte Mbodj, secrétaire exécutive de l’Ancs, la qualifie «d’avancée majeure». Selon Mme Mbodji, elle va permettre à l’Afrique de l’Ouest et du Centre de disposer d’un arsenal juridique progressif et plus humaniste pour gérer la consommation des drogues dans la région. Olusegun Obasanjo, ancien Président du Nigeria et président de la Commission africaine sur les drogues, parle d’un outil «pratique» pour changer les lois nationales sur la drogue. Pour lui, elle soutient les plans d’actions de la Cedeao pour la lutte contre le trafic de drogues, la criminalité organisée et l’abus de drogues en Afrique de l’Ouest. Il suggère aux chefs d’Etat l’adoption de ce modèle qui incorpore une «approche plus humaniste et plus respectueuse des droits des Cdi» dans le but de lutter efficacement contre la transmission de l’infection à Vih, mais aussi les hépatites et la tuberculose. Faisant toujours le plaidoyer, il lance un appel au président de la Commission de la Cedeao pour qu’il soumette ce modèle aux chefs d’Etat africains car, pour lui, il est urgent d’adopter de modèle avec sagesse.
5 pays dont le Sénégal lancent «l’Appel de Dakar»
Un appel déjà entendu par 5 pays qui mettent en œuvre le Programme régional de réduction des risques Vih et tuberculose et autres comorbidités et promotion des droits humains auprès des consommateurs de drogues injectables «Pareco». Ces pays ont produit un document d’engagement pour les réductions des risques chez les consommateurs de drogues injectables intitulé «l’Appel de Dakar». Dans ce document, les représentants de ces pays invitent les Etats et parties prenantes à s’inspirer de la loi type et à changer les lois nationales sur la drogue jugées trop répressives.
Les méthodes traditionnelles de lutte contre la drogue, notamment la répression, ont montré leurs limites. En plus du traitement dégradant dont les Cdi font l’objet, ils sont exposés au Vih. En témoigne le nombre accru de Cdi en Afrique, 1,778 million, dont 221 mille infectés par le Vih/Sida. Aussi, la Cdi est à l’origine d’un tiers des nouvelles infections à Vih. Plus grave, souligne Magatte Mbodj, moins de 8% des consommateurs de drogues injectables bénéficient de services de prévention ou de traitement du Vih. «Ces derniers sont vulnérables au Vih en raison de leur statut juridique et social», soutient la directrice exécutive de l’Ancs. Il faut dire que la consommation de drogues est illégale et passible d’une peine de prison. Aussi, le Cdi est également fortement stigmatisé, ce qui le marginalise encore plus. Il est vrai, admet M. Obasanjo, que «la drogue a détruit plusieurs vies, mais des politiques gouvernementales axées sur la répression en ont détruit beaucoup plus». Par conséquent, il faut changer de paradigme.
Michelle Sidibé, directeur exécutif de l’Onusida, très enthousiaste sur cette nouvelle loi, estime que celle-ci va marquer le début d’une nouvelle période dans la lutte contre la drogue. Une ère qui nécessite des mesures de réduction des risques pour faciliter leur accès aux services de prévention, de traitement et de prise en charge du Vih «sans compromettre leurs droits et libertés fondamentaux ni de leur imposer un traitement dégradant», indique Mme Mbodj. «Cette approche ne favorise ni la souplesse ni le laxisme», précise Olusegun Obasanjo. Au contraire, en mettant en place ces dispositifs, les acteurs vont continuer à combattre le trafic de drogues et renforcer le cadre global. Pour l’ancien Président du Nigeria, «l’Afrique n’est pourtant ni un grand producteur de drogues ni un grand consommateur de drogue, mais elle souffre de la conséquence des deux». Il ajoute qu’au-delà de la drogue, ce trafic menace «notre démocratie, nos Etats de droit, sans compter le risque de voir des trafiquants s’associer aux extrémistes dans le seul but d’infiltrer la région».
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