Les performances économiques et sociales du pays ont été unanimement louées hier. Pourtant, les partenaires traditionnels du Sénégal ne sont pas aveugles, ni complaisants sur les besoins de faire des réformes radicales dans des domaines-clés. Et le chef de l’Etat en est également conscient.
Le Président Macky Sall avait raison de dire hier que ce sont les résultats obtenus sous son magistère qui ont convaincu les partenaires techniques et financiers de l’intérêt à avancer de l’argent pour la suite du financement du Pse. Le vice-président de la Banque mondiale, chargé de l’Afrique, M. Hafez M. H. Ghanem, l’a dit à sa manière, admirative : «Rares sont les pays qui ont pu afficher des taux de croissance de plus de 6% pendant 4 années consécutives comme le Sénégal ! Une croissance qui doit beaucoup aux importants objectifs atteints par le Pse dans l’agriculture, l’amélioration du climat d’investissement et les infrastructures». Le haut-fonctionnaire international a analysé que «cette croissance a… permis d’atteindre d’importants objectifs sociaux, notamment dans l’accès aux services de base, la lutte contre la malnutrition, la protection sociale et l’assurance maladie universelle, entre autres». Mais les bailleurs ne veulent pas pour autant laisser Macky Sall se reposer sur ses lauriers, car ils estiment peut-être qu’il pourrait encore mieux faire.
Sur le plan financier proprement dit, tout n’est pas totalement rose, malgré les résultats indéniables salués par tous les observateurs. Le sous-directeur du Fonds monétaire international pour l’Afrique, Michel Larare, l’a affirmé : «Le déficit du compte courant de la balance des paiements s’est considérablement creusé en 2016, pour dépasser 7% du Pib en 2018, du fait de la hausse des cours mondiaux des produits de base comme le pétrole, et la mise en œuvre des politiques tendant à favoriser les importations.» Une manière de dire que les exonérations fiscales qui incitent à faire de ce pays un gros souk devraient laisser la place à des incitations au secteur privé pour qu’il produise plus sur place.
D’ailleurs, l’une des voies de pérennisation des politiques de développement actuelles serait de tout faire pour que le secteur privé devienne le moteur de la croissance et de l’emploi.
Et si le niveau d’endettement n’est pas encore inquiétant pour ses partenaires, le Fmi insiste toujours fortement pour que tout soit fait pour éviter l’emballement.
Néanmoins, en une résurgence de son héritage monétariste, le Fmi a tenu à insister sur l’intérêt à «limiter davantage les subventions de l’énergie, malgré les cours mondiaux du pétrole et pour respecter les prévisions des recettes ambitieuses inscrites dans le budget». On se demande comment ces fonctionnaires de Washington pensent que l’on pourrait, dans ces conditions, mettre en place un secteur privé compétitif qui serait en butte à une électricité à des taux prohibitifs. Et comment le gouvernement pourrait mener une politique de développement du capital humain, si l’accès à certaines facilités échappait à une bonne partie de la population.
La réalité sociale et économique du Sénégal a été résumé par le vice-président de la Banque mondiale en ces termes : «Le nouvel Indice de capital humain (Ich) de la Banque mondiale donne pour le Sénégal un score de 0,42 sur une échelle allant de 0 à 1 ; ce qui signifie que la cohorte d’enfants sénégalais nés aujourd’hui n’atteindra que 42% de son potentiel de productivité d’ici à l’âge de 18 ans si les tendances dans l’éducation et la santé restent constantes. Ce score place le pays au 121ème rang mondial (sur 157 pays classés), légèrement au-dessus de la moyenne de l’Afrique sub-saharienne (qui est de 0,40), mais en-dessous des pays avec lesquels le Sénégal aspire à se comparer dans le contexte de l’émergence.» Il encourage le pays à porter «une attention redoublée, notamment sur l’accès à une éducation de qualité pour tous les enfants sénégalais et la réduction des mariages précoces et de la fécondité chez les adolescentes, tout en poursuivant les efforts sur la couverture des foyers les plus pauvres et les plus vulnérables en bourse familiale et en couverture maladie et autres services sociaux».
Le sous-directeur du Fmi a conclu par une note très forte. Pour lui, l’accès du pays au statut de pays émergent «va venir de solides investissements du secteur privé, joints à une grande compétitivité des exportations. Pour cela, le Sénégal doit prendre appui sur les progrès déjà réalisés et sur l’amélioration du climat des affaires». Tout un programme dont certains pensent qu’il lui faudrait tout un mandat présidentiel complet pour qu’il soit réussi. Mais au-delà de tout, Macky Sall lui-même sait, et il l’a martelé avec force, qu’il a besoin, avec son Administration, de «réformer, réformer, réformer et encore réformer».