Le boycott par l’opposition de la venue du Premier ministre à l’Assemblée nationale, pour la séance de Questions d’actualité, est un acte politique majeur qui souligne une profonde crise de confiance et un blocage institutionnel entre l’Exécutif et une partie du Législatif. Cet événement, une première dans l’histoire parlementaire du pays, va au-delà d’une simple absence. Il marque une rupture dans le dialogue démocratique formel dans un contexte de crise politique au sein du pouvoir.

Entre la majorité et le pouvoir, c’est le désamour total, qui s’exacerbe avec la venue du Premier ministre à l’Assem-blée. Ce boycott, assumé pour la deuxième fois de suite par les députés de Takku-Wallu et des non-inscrits, est la conséquence d’un climat politique pollué par la bipolarisation politique du pays. Une forme de co-belligérance en cours depuis plus de 18 mois. Pour l’Apr et ses alliés, c’est la politique de la chaise vide, si l’on sait qu’ils avaient boycotté le Dialogue national.
La venue du Premier ministre à l’Assemblée nationale, après plus de 7 mois d’absence, est reléguée au second plan. Après la sortie du groupe parlementaire Takku-Wallu et des non-inscrits, qui ont opté pour le boycott de la séance de Questions d’actualité, le Groupe parlementaire Pastef/Les Patriotes a balayé les reproches de l’opposition parlementaire. Le geste des députés de l’opposition est motivé par un ensemble de griefs, tant contre la majorité parlementaire que contre l’attitude du Premier ministre lui-même. Il y a d’abord la polémique du temps de parole : «La durée de la discussion en séance plénière est fixée et le temps de parole est réparti entre les groupes et les non-inscrits. Le groupe majoritaire dispose de 10 orateurs pour 130 membres, le groupe Takku-Wallu de deux orateurs sur 17 membres et les non-inscrits de deux orateurs sur 18 députés. Cette répartition a été faite dans l’esprit de favoriser l’expression de l’opposition sans tenir compte de manière stricte de leur faible poids numérique.»
Le groupe parlementaire Pastef «magnifie» et «encourage» la volonté de débat et de transparence du Premier ministre et de son gouvernement. Il a des mots durs envers «l’opposition intermittente, fugueuse et absentéiste». Ayib Daffé assure que le fait de «fuir le débat est une posture purement politicienne, motivée par le manque d’arguments et de courage devant le Premier ministre et les membres du gouvernement». «Visiblement, cette opposition préfère les salons des conférences de presse et les plateaux médiatiques aux exigences du travail parlementaire sérieux.
L’Assemblée nationale n’est nullement fragilisée par la présence du Premier ministre ; elle l’est plutôt par la décision de certains députés de s’en écarter au moment où le pays attend de ses représentants un engagement accru», rappellent les députés de Pastef. Ils assurent que «refuser d’être présent au prétexte de préserver l’institution, c’est en réalité se soustraire à ce qui la fait vivre, sa quintessence : le débat».
Pour la majorité, l’Assemblée nationale «demeure le cœur vivant de la démocratie sénégalaise». Elle estime que «rien ne saurait remplacer la présence, la constance et la loyauté envers le mandat confié par le Peuple».
Le Groupe Pastef/Les Patriotes invite «ceux qui ont choisi le retrait à renouer avec l’exigence fondamentale de tout représentant du Peuple à répondre à l’appel du débat, participer à la construction de la vérité publique et honorer le mandat reçu». Pour les députés «patriotes», le Parlement «ne grandit que par ceux qui ont le courage d’y siéger».
Aujourd’hui, le boycott s’inscrit dans un contexte sénégalais où le dialogue politique (qui n’est pas toujours institutionnalisé) est tendu avec la radicalité des positions. Il est en train de mettre à rude épreuve l’édifice démocratique.
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