L’ancien Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Pr Ibrahima Thioub, a appelé le monde à s’inspirer du modèle de la Muridiyya basé sur l’éducation afin de penser les problèmes du 21ème siècle.
«Si on forme un type nouveau d’homme, on est capables de reconstruire de nouvelles sociétés, comme l’on fait les lettrés du 19ème siècle en Sénégambie», a déclaré, samedi, l’universitaire sénégalais. Il s’exprimait à Genève (Suisse), lors d’une conférence consacrée à l’apport de la Muridiyya dans la construction d’une alternative au jihad armé et organisée dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la paix. Cette rencontre, retransmise par visioconférence, est initiée par le «Gingembre littéraire» du magazine panafricain «ContinentPremier», du journaliste sénégalais El Hadji Gorgui Wade Ndoye. M. Ndoye est accrédité auprès des Nations unies à Genève (Suisse) et de l’institut «Africalab» de l’Université de Genève. Le thème de la conférence est : «La construction d’une alternative au jihad armé. L’exemple de la Muridiyya de Cheikh Ahmadou Bamba : XIXe-XXIe siècle.»
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L’ancien Recteur de l’Ucad considère que la Muridiyya est «un modèle qui doit nous inspirer à la réflexion, non pas à recopier les solutions du 19ème siècle, mais à penser les problèmes du 21ème siècle». Il estime que la victoire de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la Muridiyya, l’une des plus grandes confréries musulmanes au Sénégal, a été obtenue non pas par les armes, mais «par l’école, l’instruction, l’éducation, la formation d’un type nouveau d’homme».
Le Pr Thioub est largement revenu sur le contexte de l’époque où Cheikh Ahmadou Bamba a puisé toute son expérience de jeunesse. Il a souligné que jusqu’à son exil, le fondateur du Mouridisme a résolument opté pour une distanciation vis-à-vis des pouvoirs politiques de son époque, consacrant son temps à l’éducation de ses disciples et à la quête de Dieu. «Paradoxalement, son refus des honneurs du pouvoir et la critique qu’il développe contre les leaders religieux de son temps, trop soumis au pouvoir temporel au point de dévier des recommandations divines, constituent autant de ruptures qui, finalement, conduisent à l’émergence et l’essor de la Muridiyya», explique l’ancien Recteur à la retraite.
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De militant de la paix, on ne peut pas trouver mieux que Cheikh Ahmadou Bamba, affirme Ibrahima Thioub. Il en veut pour preuve ses deux affirmations suivantes : «J’ai signé un pacte avec Allah. Même si le Mahdi descendait sur terre appelant au Jiyad par les armes, je ne l’aiderais point. Je ne tuerai ni serpent, ni scorpion, ni aucun vivant, car la voie que j’ai choisie m’interdit d’utiliser les armes dans mon combat.»
Selon lui, le fondateur de Touba avait aussi dit : «Si le Seigneur m’avait intimé l’ordre de me venger de mes ennemis par la violence, je lui aurais demandé de m’accorder cette faculté qui pousse un être à se venger, car il n’existe pas en moi.» Selon l’universitaire, «la paix se construit contre ses ennemis ou avec ses ennemis».
Il rappelle que le 21 septembre 1895, il y a 129 ans jour pour jour, Serigne Touba embarquait à Dakar dans le bateau qui l’amena en exil au Gabon. Venu participer à la rencontre, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation Abdourahmane Diouf, a plaidé pour une mise en évidence de la «soft power sénégalaise, à travers la doctrine de non-violence» et «son impact possible sur le fonctionnement de nos institutions et sur nos relations avec le reste du monde».
Plusieurs autres personnalités ont pris part à cette conférence, parmi lesquelles le sous-Directeur général de l’Oms, Socé Fall, le chargé d’affaires de l’ambassade du Sénégal en Suisse, Edouard Manga, et les ambassadeurs de la Francophonie et de la Gambie auprès des Nations unies, respectivement Henri Monceau et Muhammad Kah.