Le voyage du président de la République du Sénégal à l’occasion de la 80e Ag des Nations unies à New York, aussi bien dans les airs (photo prise dans son avion) que sur terre (protocole autour de son discours), alimente les discussions. Une vive polémique est toujours en cours et n’est pas prête de s’estomper.

Je me garde d’en rajouter et préfère mettre l’accent sur les fondamentaux, sans le respect desquels un incident est vite arrivé.
S’agissant de l’aspect diplomatique, il est utile de rappeler que le chef de l’Etat a tout un Corps Diplomatique compétent à sa disposition. Il peut en user et en abuser. Un Corps Diplomatique sain et sauf qui ne demande qu’à lui servir et, partant, servir notre pays. Mais la diplomatie dont le président de la République est le chef, a ses règles et ses codes, et ses voyages à l’étranger doivent s’y conformer. Car ils obéissent à un protocole calibré et réglé au millimètre près. Dans la rigueur des principes, les déplacements du chef de l’Etat sont organisés de sorte qu’il ne puisse y avoir de place à l’improvisation, encore moins à l’approximation.

Il faut mettre ou remettre, c’est selon, la diplomatie et le protocole qui s’y rattache dans leur ordre normal. Et remettre les choses à l’endroit signifie simplement (re)placer les diplomates au cœur de la préparation des voyages du Président et autres officiels. En la matière, tout doit partir du diplomate et revenir au diplomate. En d’autres termes, pour son art et la maîtrise de son métier, le diplomate doit être au début, au milieu et à la fin des choses diplomatiques.

Au premier rang de ces compétences que beaucoup nous envient, se trouve être, et c’est une question de logique, voire une obligation, le ministre des Affaires étrangères Cheikh Niang dont la récente nomination est saluée par tous. Qui plus est, à titre de rappel, le Miaae qui est «à la Place» (clin d’œil au livre de son collègue Mankeur Ndiaye) a occupé jusqu’à récemment le poste de Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations unies. C’est pour dire qu’il connaît bien le système et le sujet onusiens.

On peut en dire autant de son successeur à cette fonction depuis janvier 2025, le non moins brillant ambassadeur Coly Seck, qui maîtrise également les arcanes du système des Nations unies pour avoir représenté notre pays à Genève avant d’aller à New York.

Il en est de même de l’actuel ambassadeur du Sénégal à Washington, le très compétent, discret et efficace Abdoul Wahab Aïdara. Riche de son expérience, il était en poste en Inde avant d’être affecté aux Etats-Unis, donc accrédité auprès du Chef de la Maison Blanche, un certain Donald Trump.

Les mêmes bonnes appréciations sont valables pour le Chef du Protocole présidentiel, le très sérieux Mamadou Ndiaye. Pour être à la prestigieuse fonction qu’occupait feu Monsieur l’Excellentissime Bruno Diatta, l’ambassadeur Ndiaye a de qui tenir. Le nouveau ministre-conseiller diplomatique du Pr, Sonar Ngom, qui a remplacé «Monsieur Diplo» fait homme, l’immense Oumar Demba Ba, est sans doute quelqu’un de très compétent et de très respecté de ses pairs. Le titulaire du poste est appelé «Le Diplo», et ce n’est pas un hasard.
En un mot comme en mille, ce n’est pas l’expérience et la matière grise qui font défaut dans l’environnement diplomatique du chef de l’Etat sénégalais, et ce, depuis… la nuit des temps.

Une bonne diplomatie va nécessairement de pair avec Une Bonne Communication.
Justement, la Communi-cation du et autour du président de la République est aussi sujette à interrogation et à polémique, à la même occasion de sa participation à la 80ème Assemblée générale des Nations unies. Le débat entretenu soit pour critiquer ou pour justifier la photo du chef de l’Etat jouant au scrabble avec son conseiller, n’aurait pas eu lieu si l’image n’avait pas été diffusée à grande échelle et à fort renfort publicitaire.
Au même titre que la question diplomatique, la communication présidentielle doit également s’aligner sur les standards de saine gestion de l’image d’une institution (@PR_Diomaye) considérée comme étant la clé de voûte des institutions.
Communiquer pourquoi et pour quoi ? Pour qui ? Où ? Quand ? Comment ? Avec quels effets ou objectifs ? Et quelles conséquences ?
Des questions préalables essentielles, auxquelles il faut avoir réponse avant de communiquer. Questions et réponses qui renseignent sur la sensibilité de l’exercice communicationnel.
La pire chose qui puisse arriver à une autorité qui communique ou à celui qui murmure à son oreille, c’est la désinvolture. Or, le sentiment qu’on peut avoir est que l’abondante diffusion de l’image du peu ordinaire joueur de scrabble, en plein vol, obéit plus à la logique du «buzz pour le buzz» qu’à la promotion du rayonnement du Sénégal. Accordons-nous honnêtement sur une chose : la photo prise dans le contexte national et international actuel n’aurait pas fait autant de bruit, de thèses et d’antithèses si elle n’avait pas été publiée par la Présidence. On attend d’ailleurs la synthèse.
Il ne faut pas perdre de vue que le Chef de l’Etat était quand même entre ciel et terre, et qu’il a donc laissé, au plan domestique, «un pays au 4ème sous-sol» pour atterrir, au plan international, sur le sol américain à la rencontre du monde. L’Assemblée générale des Nations unies, c’est tout de même le rendez-vous par excellence et par essence des dirigeants de notre planète !
Aussi, faudrait-il le reconnaître, la communication, tant dans l’élaboration que la stratégie et la mise en œuvre ou en musique, n’est pas une chose aisée. Il faut la manier avec dextérité, surtout dans un monde qui change à vitesse grand V. La révolution numérique et ses conséquences dans la vie quotidienne nous y obligent.
Vrai que «la meilleure improvisation est celle qui se prépare», enseigne-t-on. Vrai aussi qu’il faut savoir se préparer à l’improvisation. A ces règles non-écrites, les habitués du micro tels que les journalistes, communicateurs, diplomates et autres dirigeants sont ou doivent être familiers. Il y va de leur capacité de persuasion ou de séduction.
L’imprévisible Président Donald Trump, pourtant victime d’un double impair lors de son discours onusien (panne de l’escalator et du prompteur), a su tirer les 2 incidents à son avantage. Il a trouvé, à sa façon unique, la bonne parade en s’en prenant à l’Onu elle-même. Il est vrai qu’il n’est pas le chef du pays le plus puissant du monde pour rien et que Diomaye n’est pas Donald.
Que ce serait-il passé avec notre cher Président si, au beau milieu de son discours, il manquait une ou plusieurs pages, ou si le prompteur se plantait ? Un éventuel incident de cette nature l’obligerait à faire appel à son talent d’orateur-improvisateur. D’ores et déjà, si ce n’est encore fait, un media training s’impose pour parer à toute éventualité. Mieux vaut prévenir que guérir, dit le dicton.
Diplomatie, protocole, communication, voyages présidentiels ; tout ceci étant dit, il urge de revenir à la dure réalité que vivent les Sénégalais. Le président de la République, son Premier ministre et son gouvernement doivent, en lieu et place de la politique de l’autruche, regarder cette réalité en face. Et attaquer de front les priorités et urgences de l’heure : pouvoir d’achat, santé avec un 2ème cas de Mpox, inondations pluviales et fluviales, éducation (rentrée scolaire à polémique et avec des écoles inondées), campagne agricole, train de vie de l’Etat, entreprises en difficulté, chômage… Bref, le pays est au bord d’une grave crise économique et sociale, s’il n’y est pas déjà.
Redescendre sur terre pour ne pas être hors-sol !
Mamoudou Ibra KANE
#DemainCestMaintenant #DCM