L’Afrique possède un patrimoine culturel inestimable. Mais paradoxalement, elle n’abrite que 9% des sites classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. Une question qui préoccupe l’Ong Afrique patrimoine, au même titre que les restitutions des objets d’art annoncées par la France. Le président de cette Ong, Sally Alassane Thiam, annonce un Forum international sur le patrimoine, à Dakar, cette année.Par Mame Woury THIOUBOU
– La France a restitué au Bénin, 26 œuvres soustraites du Palais d’Abomey par les troupes du Général Dodds. Au Sénégal, elle n’a rendu que le sabre de El Hadji Omar. Pourtant, près de 514 reliques appartenant au saint homme, sont encore conservées dans une bibliothèque du Havre. Une situation qui est symptomatique de ce qui se passe en Afrique. Face au Président Macron lors du Sommet de Montpellier ou face aux dirigeants africains à Luanda pour le Dialogue intergénérationnel, Sally Alassane Thiam a défendu le droit des africains a disposer de leur patrimoine culturel et leurs objets d’art. Le président de l’Ong Afrique patrimoine, qui travaille à l’organisation d’un sommet sur le patrimoine à Dakar, en a fait le cheval de bataille de son organisation. A cet effet, le Sommet de Dakar devrait permettre de poser sur la table les questions relatives à cette restitution et d’en discuter. L’objectif de cette rencontre, qui réunira à Dakar en 2022, des chefs d’Etat africains et européens, des artistes, architectes, etc., est d’arriver d’un commun accord, à mettre en place une convention du patrimoine africain. Selon Sally Alassane Thiam, en 2017, Macron avait fait un discours à Ouaga, où il souhaitait que les conditions de la restitution soient réunies. Depuis, peu d’avancées ont été notées, même si à la suite des œuvres du Palais d’Abomey, l’Allemagne a restitué au Nigeria, les Bronzes du Benin. «Ce sera une occasion pour tous les pays africains, de célébrer leur patrimoine culturel. L’objectif, c’est de mettre en place une convention du patrimoine, qui sera ratifiée par tous les pays africains», annonce M. Thiam. Après le rapport Sarr/Savoy qui dénombre près de 90 mille objets d’art dans des musées occidentaux, le Forum de Dakar permettra de discuter de l’organisation de ces restitutions. «Aujourd’hui, chaque pays s’organise en fonction des relations bilatérales qu’il a avec les pays occidentaux, mais nous disons qu’il faut impliquer la Société civile, il faut mettre de la vision dans cette restitution.» L’arsenal juridique du continent est aussi diversifié qu’il y a de nations. Et pour M. Thiam, il est important d’harmoniser ces instruments juridiques.
«Une infantilisation du continent»
D’ailleurs, l’augmentation de la représentation des sites du patrimoine africain à l’Unesco, est un des combats que compte mener l’Ong Afrique patrimoine. En effet, sur les quelque 1156 patrimoines classés dans le monde, l’Afrique n’en compte que 106. Et l’Afrique du sud, le pays qui en compte le plus grand nombre, n’en est qu’à 10 sites classés au patrimoine mondial. «L’Afrique est extrêmement sous représenté. C’est le Berceau de l’humanité et elle a une richesse culturelle extraordinaire, mais ne représente que 9% des sites. C’est une aberration et une infantilisation du continent», souligne M. Thiam. «La Société civile africaine s’est réapproprié ce sujet et met sur la table des projets qui nous permettront de nous réapproprier notre dignité», poursuit-il. Des réflexions sont déjà en cours pour remettre ces questions à leur place, ce d’autant plus que la Charte de la renaissance africaine recommande en son article 3, «d’intégrer les objectifs culturels dans les stratégies de développement».
Sally Alassane Thiam, qui vient de remporter le trophée du Best African Young Leader 2021 au African Talent Awards, estime qu’aujourd’hui, le combat doit être d’intéresser la jeunesse africaine à son histoire et patrimoine culturel. «Pour susciter l’intérêt de la jeunesse africaine, il faudrait voir comment avoir une implication des communautés locales. Pour cela, nous avons prévu d’intégrer le digital dans le musée. Ce qu’il faudrait faire, c’est que quand les jeunes vont visiter Gorée par exemple, qu’ils puissent recevoir sur leur smartphone, de façon ludique, des informations sur le lieu qu’ils sont en train de visiter. Ce serait comme une visite virtuelle de ce musée la.»
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