Le Bâtonnier déterre le dossier des élèves-maîtres

Le chef de l’Etat, Macky Sall, par ailleurs président du Conseil supérieur de la magistrature, se dit ouvert aux propositions sur la modernisation de la justice et de l’indépendance de la Magistrature. Il l’a fait savoir hier, lors de la rentrée solennelle des Cours et tribunaux 2018 sur le thème «Le rôle juridictionnel de l’administration».

Le départ du chef de l’Etat à la tête du Conseil supérieur de la magistrature est devenu depuis un certain temps une demande de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Hier, à l’audience solennelle de rentrée des Cours et tribunaux 2018 à la Cour suprême, Macky Sall s’est dit ouvert à toutes les propositions sur la modernisation de la justice et de l’indépendance de la Magistrature. «Sur la question du Conseil supérieur de la magistrature, il n’y a pas de tabou pourvu que la réflexion soit inclusive et qu’elle profite à la justice et à son indépendance. Aucun sujet tabou, je suis prêt à aller le plus loin possible pour la modernisation de notre justice», a rassuré le président de la Ré­publique.
Par ailleurs, le thème choisi pour cette rentrée est le «Rôle juridictionnel de l’administration». Sangoné Fall, conseiller référendaire à la Cour suprême, lors de la lecture du discours d’usage, a soulevé quelques difficultés. Elles sont liées aux règles de procédure dans le contentieux en matière administrative, au délai de traitement du contentieux. Selon le magistrat, une autre contrainte résulte de l’absence de spécialisation des juges chargés du contentieux. Comme solution, il préconise la décentralisation du recours pour excès de pouvoir tout en recommandant l’élaboration d’un Code administratif et la sensibilisation des acteurs de la justice, de la société civile et des administrés en général, sans oublier le toilettage du Code général des collectivités locales en référence au référé administratif.
Sur cette question, Macky Sall estime qu’«il est nécessaire d’assumer une protection à l’Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics contre l’exécution forcée des décisions de justice afin de préserver l’impératif de continuité du service public. En effet, imaginez la situation où le Trésor public verrait ses comptes bloqués ou saisis par un créancier. Qu’est-ce qui va se passer ?» Et de renchérir : «Comment l’Etat pourrait-il faire face à certaines de ses obligations relatives à la sécurité, au paiement des salaires, de sa dette, à l’accès à la santé, à l’eau et à l’électricité ? Autoriser l’exécution forcée contre l’Etat, ce serait porter atteinte à la souveraineté de l’Etat. Ce serait perturber le bon fonctionnement du service public.» Le chef de l’Etat est convaincu que «la puissance publique doit être régulée. C’est pourquoi il me paraît nécessaire, en dépit de sa présomption de bonne foi, d’exercer un contrôle de la décision de la puissance publique afin qu’elle soit juste et adéquate.»
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats a déploré le fait que souvent certaines autorités refusent d’exécuter les décisions de justice. Me Mbaye Guèye rappelle que pour «contourner les difficultés résultant de l’impossibilité pratique d’exécuter une décision d’annulation, l’Administration procède parfois à la validation législative des actes annulés». Il a donné l’exemple de la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Serigne Mbaye Thiam et les élèves-maîtres. «Comment aborder ce sujet sans déplorer le fait récent qui a consisté à voir des soutenus félicitations et encouragements adressés à un ministre qui a publiquement exprimé son refus d’appliquer une décision de justice ? L’Assemblée nationale qui a voté une motion de soutien s’est-elle au préalable assurée que la validité législative n’était pas possible ?»
Le premier président de la Cour suprême, Mamadou Badio Cama­ra, a fait le bilan de l’année écoulée. Il dit : «Au cours de l’année 2017, cinq-six (56) recours pour excès de pouvoir ont été reçus par la Cour suprême qui en a jugé, au 31 décembre, quarante-cinq (45), dont seize annulations de décisions administratives, vingt et un (21) rejets et huit (8) irrecevabilités.» Quant aux procédures rapides de référé, il souligne que «vingt décisions ont été rendues en référé sur les dix derniers mois, soit une moyenne de deux par mois. Il s’agit de référé-suspension, procédures con­nexes à des requêtes en annulation et tendant à faire suspendre l’exécution de la décision attaquée jusqu’à examen au fond de l’affaire par la Cour».
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