Jub, Jubbal Jubbanti vous avez dit ? Osez aller jusqu’au bout.
Un Peuple ne se trompe jamais, disait le poète. Le Peuple sénégalais, en décidant d’élire au premier tour, avec 54, 29% des suffrages, Monsieur Bassirou Diomaye Faye comme 5ème président de la République du Sénégal, avait lancé un message puissant au Sénégal, et au monde.
Monsieur le Président, vous allez prendre sur vous de nous faire mal pour notre bien, en optant pour le Jub, le Jubbal et le Jubbanti. Le sens de ce tryptique est profond et sans ambages.
Il commence par être réflexif, c’est-à-dire s’adresse à vous-même. Vous avez montré des gages, ceux qui vous connaissent en témoignent, ceux qui vous ont élu ont adhéré à votre «Projet» dont ce tryptique en constitue la trame. Là n’est pas le problème.
Là où beaucoup d’attentes, d’appréhensions, voire d’interrogations se font jour, c’est bien la volonté politique de conduire ce vaste chantier du «Jubbal», je dirais de la rectitude de la conduite. Je sais que vous avez lu Descartes qui, dans son «Regulæ Ad Directionem Ingenii», trace, ne serait-ce que de manière indicative, les axes qui doivent conduire, par une réflexion profonde, à la vérité. Je ne parle pas de l’irrationnel dans lequel le conservatisme ambiant veut nous engager, sous le prétexte d’un juridisme qui nous a conduit à l’état actuel de profonde exaspération, voire de déprime où nous sommes, et qui conduit des milliers de jeunes à l’exil ou dans la béance des profondeurs de l’Atlantique. Il faut mettre un terme à cette tragédie du siècle, par la Justice et la justice sociale. Ce n’est pas la même chose, vous le savez bien pour l’avoir vécu. Les forces d’inertie qui ont «miné» tous les segments de progrès du pays (Administration, secteur privé, société civile lato sensu, acteurs politiques…) ne vous feront pas de cadeau. Elles sont à la manœuvre pour vous faire échouer. Il vous faut faire «échec à l’échec», pour reprendre les propos de notre regretté aîné Babacar Touré, président du Groupe Sud Communication.
Les premiers actes que vous avez posés me laissent croire que vous avez pris le bon chemin, à l’instar de certains de vos prédécesseurs à leurs débuts. Hélas, que d’espoirs ont-ils déçus !
Vous avez touché du doigt là où ça fait mal, là où vous êtes attendu. L’accaparement des ressources du pays par un clan, qui s’auto-reproduit à la vitesse des «piranhas», ce poisson vorace des fonds des rivières et lacs d’Amérique du Sud ; clan qui, comme ces bestioles, démembrent, déchiquettent et se partagent leur proie d’un appétit inégalé, ne laissant sur place qu’une mare de sang. La métaphore n’est pas excessive. C’est l’image que renvoie cette prédation, qui se nourrit du sang de braves gens qui, à force de lutter, se sont agrippés au dernier espoir que suscitent ces jeunes dirigeants issus de l’école publique que représentent Sonko-Diomaye ou vice-versa et les autres.
Il ne peut y avoir une quelconque illégalité, lorsque l’acquisition d’un bien ou d’un privilège s’est faite sans cause. Je me réjouis de la contribution du Pr Samba Traoré de ce 2 mai 2024 concernant la décision révolutionnaire du Président Bassirou Diomaye Faye d’ordonner l’arrêt de tous les travaux sur tous les sites objets d’une suspicion de prédation foncière en toute illégalité, notamment sur le domaine public maritime.
Des voix intéressées, les mêmes qui se dressent toujours de manière suspecte en de pareilles circonstances où le vent de changement véritable souffle sur le pays, ne manqueront pas de s’élever pour parler de «chasse aux sorcières ou de droits acquis». Il n’y a pas de chasseur, encore moins de sorcières. On ne peut asseoir un droit sur une illégalité doublée d’une illicéité !
De qui se moque-t-on ? Où est-ce qu’ils étaient ceux-là pendant qu’un groupuscule faisait main basse sur le foncier, et notamment le littoral, au vu et au su de tout le monde ? Où est-ce qu’ils étaient pendant que les différents régimes et leurs partisans s’octroyaient des libéralités et s’enrichissaient sans cause ?
Il faut un début à tout, et de grâce que le nouveau gouvernement ne se laisse pas distraire par des débats sans prise sur le réel, que certains nostalgiques veulent nous imposer du haut de « leur science».
Que fait-on du sort des producteurs de Lendeng, de Ndinguelèr, de Sangalkam, de Mbane, ou des usagers des 7 plages de Dakar, Pointe Sarène, Mbodiène, du sort de Mbour 4… On en a le vertige à force d’énumérer les sites spoliés. Le mal est profond, il faut des solutions radicales, bien sûr légales, mais sans faiblesse, ni haine, mais pour simplement rendre Justice.
Monsieur le Président, on vous encourage, car vous allez vous faire mal vous aussi, vous n’avez pas le choix, et on vous a à l’œil. On le sait, car le Sénégal est un tout petit pays, où tout le monde quasiment est parent direct ou par alliance, mais vous n’avez pas le droit de différer un problème que certains ont qualifié de «bombe foncière».
Renversez la table, disais-je.
Vous allez éclabousser certainement dans votre entourage, ce sera pour l’exemple, le bon exemple pour tous. Vous allez aussi rétablir certains dans leurs droits. Oui ! Vous serez juste alors, et l’histoire retiendra que fort de la légitimité du suffrage des électeurs dans leur écrasante majorité, vous avez répondu à l’appel des cœurs meurtris par tant d’arrogance et de mépris, qui ne demandent qu’à vivre de leur force de travail pour gagner dignement leur vie. Qu’y a-t-il de plus normal ?
Le Peuple vous a fait confiance dans l’espoir que vous saurez la mériter en étant Jub, en conduisant le destin de ce pays dans la rectitude qui sied et en redressant les torts subis par les veuves, les orphelins et les néwgui doolé du fait des puissances «économiques, politiques et coutumières».
Jub, Jubbal et Jubbanti pour un Sénégal souverain, juste et prospère, n’est-ce pas ?
Mamadou Ndao
Juriste consultant
Expert en Communication
Diplômé des Universités de Paris 1 Panthéon Sorbonne et Montpellier1
Liberté 6 Dakar