S’il y a un concept qui mérite une attention particulière quant à sa compréhension réelle et dont le fréquent usage dans le discours politique de ces derniers temps témoigne de l’enjeu que le véritable sens de son propos subsume, c’est bien celui de «républicanisme». Et il n’est guère étonnant de noter que c’est bien dans l’espace du politique que ce terme consacre tout son sens, si l’on sait que les foyers de naissance de la science politique, en l’occurrence Athènes et Rome, ont consacré dans leur grandeur toute la noblesse qu’incarne la «République» et qui fonde les principaux traits de caractère du leader qui la représente.
Athènes et Rome, parce qu’à elles deux, ont contribué à bâtir des Etats aux fondations solides, notamment dans le domaine institutionnel. Et ce qui fonde cette solidité est à chercher loin dans le souci, en particulier, d’adapter les institutions à la culture des citoyens, afin d’éviter la confusion entre les intérêts populaires et l’intérêt privé des puissants. Et cette lecture de l’histoire suscite en même temps une certaine lecture de la liberté, laquelle consiste à éviter tout obstacle à la liberté individuelle de la part de l’Etat car, de l’avis de Quentin Skinner, il y a bien un lien entre intérêt commun et liberté personnelle.
En termes contemporains, nous dirons que l’idée de «républicanisme» est justement liée à cette conception de la liberté. Et bien que celle-ci soit offensive chez Nicolas Machiavel, dans la mesure où il reconnaît la nécessité des conflits comme source d’ordre utile à la liberté publique, il faut tout de même admettre l’importance de la vertu civique, aussi bien de la part du Peuple que des dirigeants. En effet, l’avenir de la République est déterminé par une vitalité de la vie politique conjuguée au partage de valeurs civiques parmi les citoyens. A ce titre, le Président de notre pays s’exprimait après son triomphe à la Présidentielle, en appelant au «sens civique» dans son adresse au Peuple. Aussi, convient-il de noter que le culte du «sens civique» doit d’abord habiter l’être du dirigeant. Le «sens civique», c’est d’abord lorsque le prince «se fait Peuple», en cherchant à saisir les principes du régime républicain qui fondent un pouvoir récusant tout rapport de domination et fonctionnant selon des règles de justice et de réciprocité en vue de la réalisation du bien commun.
Et l’événement qui secoue notre actualité politique, avec ces récentes accusations portées à l’endroit du frère du prince dans une affaire liée au bien-commun, rend nécessaire une réflexion sur l’éthique, une vertu civique indispensable dans la gestion de l’Administration publique. Il faille ainsi redéfinir l’idée de vertu civique à l’aune de l’événement lié au soupçon de corruption que nous vivons depuis quelques jours. Parce que la corruption désigne, dans le domaine politique, «les transactions illicites entre des intérêts privés et un bien public» (selon Thierry Ménissier, Université de Grenoble-Alpes), il convient alors de prévenir contre ses errements, si tant est que le «désir d’acquérir» reste le ressort de la motivation des acteurs (aussi bien le Peuple que les grands).
Et la corruption désignant l’affaiblissement des comportements sociaux et civiques, on note par ce fait une dégradation de cette vertu particulière qui s’attache fondamentalement à la République : les mœurs. Et c’est la raison pour laquelle nous soulignions tantôt la nécessité de repenser le «républicanisme».
En effet, si de nos jours des partis politiques se réclament de l’esprit républicain (Alliance pour la République, Apr, au Sénégal ; Lrem (la République en Marche, et Lr (les Républicains, en France), etc.), n’est-ce pas l’aveu imperceptible d’une nécessité de refonder les bases de l’Etat par le prisme d’une meilleure gouvernance ?
Aussi, est-il évident qu’une réflexion sur le «républicanisme» ne peut faire l’économie d’une pensée sur la vertu, sur le sens civique, comme principe axiologique fondateur de l’Etat qui défend le bien général et non l’intérêt privé. Et c’est la raison pour laquelle nous évoquions l’expérience admirable du Peuple d’Athènes, délivrée de la tyrannie, et s’élevant en moins de cent ans à une grandeur sans pareille, mais plus merveilleuse encore cette grandeur à laquelle s’éleva Rome après l’expulsion de ses rois. Ce que ces deux villes historiques avaient en commun, c’est l’idée que le bien général et non l’intérêt particulier faisait la puissance d’un Etat.
Il est donc évident que la gestion des affaires publiques exige une grande part de transparence, et qu’à cet effet, les dirigeants doivent recevoir une éducation qui leur permettra de gouverner avec sagesse en vue du bien commun.
Tel se présente à nos yeux le «nouveau paradigme» en administration publique qui, seul, peut donner naissance à des pratiques de «bonne gouvernance», surtout en Afrique où les cas de corruption sont légion.
Dans tous les cas, toujours est-il qu’il faille repenser l’idéal républicain !
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