En solidarité avec son vieil allié britannique, Washington se joint à la plus vaste expulsion de diplomates russes de l’histoire. En tout, 60 ressortissants russes, présentés comme des espions, sont expulsés des Etats-Unis. Cette mesure de rétorsion a été décidée conjointement avec 22 autres pays après l’empoisonnement de l’ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre. Face à l’ampleur et à la fermeté de cette réponse, Moscou dénonce des accusations «infondées» et promet des mesures de rétorsion dans les prochains jours.

Ce 26 mars, le porte-parole du Kremlin a de nouveau clamé l’innocence de la Russie dans l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille au Royaume-Uni au début du mois. «Nous n’avons jamais eu et n’avons rien à voir avec cette affaire», a déclaré Dmitri Peskov.
Il a promis des mesures de rétorsion de la part de Moscou après l’annonce de l’expulsion de 60 «espions russes» des Etats-Unis. Récemment réélu, le Président russe Vladimir Poutine doit rendre sa décision, sans doute dans les prochains jours.
Ces mesures de rétorsion seront certainement guidées par le principe de réciprocité. On peut s’attendre donc au minimum à une expulsion de diplomates équivalente à celle annoncée le 26 mars par chacun des pays solidaires du Royau­me-Uni.

Réaction sans précédent
Les autorités russes ont sans doute été surprises de l’ampleur de ces expulsions, à la fois par la coordination sans précédent de la réponse européenne et par le nombre sans précédent de diplomates expulsés par Washington.
«La Russie, quand elle fait l’objet de sanctions, il s’agit de sanctions diplomatiques, financières ou économiques avec un préavis selon un principe de symétrie et de proportionnalité, explique Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po Paris. Symétrie : cela a été le cas lorsque l’administration Obama a expulsé des diplomates russes au tournant de 2016-2017. La Russie avait répliqué de la même façon. Proportionnalité : la Russie ne va pas s’engager pour le moment en tout cas dans une escalade, dans une spirale et se limitera à expulser en proportion les sanctions dont elle aura fait l’objet».
«A court terme, prédit-il, ce qui va se passer, ce sont des expulsions de diplomates, vraisemblablement une complexification du travail des représentants de l’Union européenne et des diplomates américains sur place en Russie, par exemple fermeture des structures immobilières ou difficultés supplémentaires dans les démarches administratives, dans les mouvements des personnels diplomatiques. Et la Russie aura ainsi montré qu’elle ne laisse pas sans réplique ce qui est perçu là-bas comme un affront international.»

La Russie, «puissance de disruption»
Pour Cyrille Bret, la Russie est à la croisée des chemins. «Elle est pour le moment et depuis plus d’une dizaine d’années, une puissance de disruption dans les relations internationales, estime-t-il. Elle conteste l’ordre international et s’est d’ailleurs alliée avec la Chine dans les organisations internationales pour contester l’ordre international. Là, elle doit résoudre la crise syrienne si elle veut apparaître vraiment comme une puissance responsable.»
«Elle doit également faire en sorte que le cessez-le-feu de Minsk en Ukraine orientale soit respecté et elle doit aller faire sa Coupe du monde de football en juin et juillet, poursuit Cyrille Bret. Donc, elle a le choix. Soit elle essaye d’apaiser à moyen terme les relations avec l’Occident pour réussir cette transformation de puissance de disruption en puissance de construction. Soit, comme elle l’a fait depuis 2014, elle se raidit à l’égard des Occidentaux et alimente une spirale que certains considèrent comme étant probablement une nouvelle guerre froide, celle de la tension et de la rivalité géopolitique avec l’Union européenne.»
rfi.fr