Abdou Karim Fofana est convaincu que la machine est en marche pour une victoire de Benno bokk yaakaar aux Locales et en particulier dans sa commune de Fann-Amitié-Point E. A quelques jours du scrutin, le responsable apériste présente ses ambitions, face au maire sortant, Palla Samb, «pas à la hauteur de l’enjeu». Dans cet entretien, le ministre en charge du Suivi du plan Sénégal émergent tire sur Barthélemy Dias et Ousmane Sonko. Propos recueillis par Babacar Guèye DIOP – Pourquoi n’entend-on pas beaucoup Abdou Karim Fofana, candidat de Benno bokk yaakaar dans la commune Fann-Point E-Amitié ?

Je suis là. On m’entend bien. Le problème, c’est que les actions sont circonscrites dans ma commune. Il y a 19 communes dans le département de Dakar et 601 collectivités territoriales. Donc, ce sont 601 élections. Nous sommes une collectivité par rapport aux 601. C’est la raison pour laquelle on peut avoir cet effet de noyade médiatique, mais les élections locales, c’est d’abord une élection de proximité et pas une élection d’opinion. Nous travaillons avec nos populations, quartier par quartier, depuis le 1er juin 2021. Depuis cette date, nous avons visité 730 maisons. Donc, je pense qu’on m’entend bien dans les maisons.

Quels sont pour vous, les véritables enjeux de ces élections locales ?
Notre commune fait partie des plus privilégiées du Sénégal. D’abord, il y a la taille de sa population, de moins de 25 000 habitants et la nature des infrastructures qui y existent. Depuis les indépendances, à Fann-Amitié-Point E, il y a des routes, de l’électricité, l’eau, des espaces verts, l’université Cheikh Anta Diop, l’hôpital Fann. La plus grande partie des ambassades au Sénégal se trouve dans notre commune ou au Plateau. C’est une commune très privilégiée de ce point de vue. Et puis, l’Acte 3 de la décentralisation a été généreuse avec notre commune dont le budget est passé de 400 millions en 2014 à 1,8 milliard en 2021. Malheureusement, nous avons un maire qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Si on a des avantages de ce type, on devrait avoir une échelle d’ambition plus élevée.

Qu’est-ce que vous proposez en tant que candidat ?
Notre programme a été bâti sur la base d’échanges que nous avons eus avec les populations. Nous leur avons rendu visite et nous les avons écoutées. On a produit un livre de 70 pages, dans lequel nous avons toutes ces questions et je raconte comment les gens me donnent même des solutions. Nous devons nous positionner et dire que Fann-Point E-Amitié, dans 5 ans, doit être la commune la plus sûre du Sénégal. On en a les moyens et on se trouve dans un contexte qui pourrait le faciliter. On devrait se dire que notre commune doit être la plus propre et la mieux aménagée. 95 ou 98% des rues de ces communes ont déjà fait l’objet d’un bitumage ou pavage. Il n’y a pas grand-chose à faire. Cette année, il y a des rues qui ont été bitumées 3 fois. On connaît ces vieilles habitudes politiciennes de refaire les chantiers ou de repeindre tout ce qui a été peint. Donc, l’ambition, on doit l’élever. Je pense qu’au-delà même du Sénégal, on doit être la commune la plus sûre et la mieux aménagée en Afrique de l’Ouest. Il y a aussi les questions relatives à l’éducation : on doit être la commune qui sort les meilleurs résultats scolaires. Nous avons le lycée d’application Saidou Nounou Tall, l’université Cheikh Anta Diop, des écoles privées et publiques. Une année, il est arrivé que l’école primaire de Zone B, dénommée Bamba Mbakhane, ait de meilleurs résultats que des écoles avec des noms très ronflants à Dakar. Pourtant, c’est une petite école publique, avec des effectifs réduits. Il s’agit de moins de 28 élèves par classe. Au-delà d’être juste un maire qui peint les salles de classe, on va être le maire qui soutient le mieux l’éducation. Il faut donner des bourses à ceux qui ont le Bac et ne pas avoir des dettes vis-à-vis des écoles privées. Il faut créer un dispositif d’accompagnement scolaire pour qu’il y ait de l’équité entre la personne qui a les moyens de payer un répétiteur pour son enfant, et l’autre qui ne dispose pas de ces moyens. Cela nous permet d’améliorer la qualité de l’enseignement et la qualité de nos diplômés. Il ne faut pas oublier que notre commune a beaucoup de déscolarisés. Des jeunes qui ont arrêté les études entre l’entrée en sixième et le Bac. Il faut créer des dispositifs de formation professionnelle courts, et subventionnés par l’Etat à travers le 3Fpt. Ensuite, il faut leur permettre d’avoir une bonne réinsertion. Pour la santé, mes visites m’ont montré qu’il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas que la Cmu existe et qu’elles peuvent avoir une carte qui leur permet de se soigner avec 80% des frais liés aux soins de santé pris en charge par l’Etat. La commune doit être un moyen d’information. Pour le Plan Sésame, je vois beaucoup de personnes âgées qui sont chez elles, ont des difficultés mais ne savent pas qu’au-delà de 60 ans, avec ce plan et l’aide de la mairie, elles doivent pouvoir avoir accès à des consultations et analyses gratuites. Au-delà de ça, on peut avoir une subvention de la mairie pour prendre en charge leur scanner et même subventionner les médicaments pour les gens qui ont des maladies chroniques. Notre commune doit être la commune de l’entreprenariat. Elle est passée d’une commune résidentielle à un centre d’affaires, mais les jeunes qui ont des projets, manquent de financements et d’encadrement.

Mais le maire se targue d’avoir fait un bon bilan…
Il a produit un document que les jeunes appellent «album photo». Un bilan doit être comptable, avec des chiffres, un actif et un passif. Le maire sortant nous parle de pavage et nous dit qu’il a donné des produits de nettoiement. On est dans quel monde ! On est à Fann-Point E-Amitié ! Qu’il nous dise combien il a donné. Quand il nous dit qu’il a fait un pavage, il doit nous dire la procédure, quand le budget est passé de 400 millions à 1 milliard 800 millions en 7 ans. Cela veut dire qu’au moins 10 milliards ont été injectés par l’Etat dans cette commune. Est-ce que les populations ont ressenti ce montant ? C’est ça la question qu’il faut se poser. Chacun peut faire son bilan, mais le bilan doit être chiffré.

Les maires de l’opposition se plaignent de blocage de la part de l’Etat…
Ce n’est pas vrai. Ces maires mettent d’abord leur casquette de politique en disant qu’ils ne touchent pas à ce que l’Etat leur donne. C’est un problème. Le maire sortant de Fann-Point E-Amitié nous a fait perdre plus de 200 millions dans le cadre du Pacasen. Sur 123 communes du Sénégal, les 113 qui ont respecté les critères et ont été capables de donner des documents, ont reçu des subventions. Même Barthélemy Dias a reçu 83 millions. La mairie de Grand Yoff a reçu plus de 400 millions de subvention de l’Etat. Mais notre commune n’a rien reçu parce qu’on n’a pas une administration capable de structurer des documents et de les présenter aux projets de l’Etat pour en faire bénéficier les populations.

Pourquoi cette dualité entre les mairies gérées par l’opposition et l’Etat ?
L’Etat en a souffert. Les collectivités territoriales sont des démembrements de l’Etat. Il y a plus de 500 milliards de budget qui ont été transférés à la Ville de Dakar depuis 2009. Le budget de la Ville de Dakar, c’est entre 50 et 60 milliards. Si on le multiple par 12 ans, c’est presque 600 milliards. Qu’est-ce qu’on en a fait ? La Ville de Dakar de Dakar est devenue pour ces gens, un outil de combat politique contre l’Etat. Ces maires ont un problème d’échelle d’ambition et n’ont pas de projets. Ils sont toujours dans une projection politicienne alors que la Ville de Dakar est un outil pour servir les Dakarois et faire de Dakar la capitale de l’Afrique de l’Ouest. On ne peut pas comprendre qu’une collectivité territoriale qui brasse plus 50 milliards pendant 12 ans, ramène le débat à des emprunts obligataires de 20 milliards. C’est un faux débat ! Le plus important, c’est la volonté de travailler pour les Dakarois. Je pense que Barthélemy Dias commence à le comprendre. Mal­heureusement, ce n’est qu’une position politicienne. Depuis des jours, il dit qu’il est prêt à collaborer avec l’Etat. Il sait que les Dakarois en ont marre d’avoir des maires qui utilisent leur position juste pour avoir une existence politique au niveau national et essayer d’avoir une ambition au niveau présidentiel.

Mais Barthélemy Dias a présenté un programme…
Oui, c’est dernièrement. C’est parce que les autres ont présenté un programme. Mais Barthélemy Dias aurait dû être le premier à présenter un programme. De toute façon, son programme, ce sont les muscles et les invectives. Le programme de Barthélemy Dias se résume aux insultes, menaces et invectives. Cela montre le niveau de la coalition Yewwi askan wi. Nous on a un programme Dakar bu bess. Comment s’appelle celui de Barthélemy Dias ?
Dakar bi nu bokk…

Voilà, c’est un pas en avant.

Même Ousmane Sonko aussi a présenté un programme à Ziguinchor…
Je maintiens ce que j’ai dit. Yewwi n’a que les muscles, les invectives et les insultes comme programme. La dernière sortie de Sonko me donne raison : il a menacé Aliou Sall et Lat Diop de prison s’il devient président de la République. Donc, il se substitue à la Justice. C’est le registre de Sonko. Il n’a pas hésité à faire sortir les populations dans la rue pour provoquer la mort de 15 Sénégalais en mars 2021. Il est dans le populisme. Mais les Sénégalais ont aujourd’hui envie de projet.

Quelle lecture faites-vous de la violence qui émaille la campagne électorale ?
Oui au début, il y a eu de la violence mais je pense que ça s’est un peu calmé. Il y a beaucoup de bruit souvent, lors de la campagne électorale. Je salue toutes ces initiatives tendant à faire baisser la violence. La démocratie est le lieu d’échanges des idées et d’exposition des programmes. Le débat est toujours là, mais ceux qui suscitent la violence, on les connaît. C’est Barthélemy Dias et ses amis qui ont la langue pendue. On l’a vu insulter des forces de l’ordre. Ce sont eux qui n’ont pas signé la charte de non-violence. Pour nous Benno, la machine est bien en marche pour triompher au soir du 23 janvier.

bgdiop@lequotidien.sn