Répliques – Crise dans l’enseignement supérieur : Abdourahmane Diouf dans le viseur du Saes et des étudiants
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Le Bureau national du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) fustige la posture du Ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) qu’il accuse de privilégier «des shows politico-médiatiques» au lieu d’engager des «négociations sérieuses». Face à cette situation, le syndicat décrète une grève de 48 heures à partir de demain. Dans le même sillage, le Collectif des amicales de l’Ucad a dénoncé les sorties menaçantes du Mesri. Ce qui s’apparente à une crise de confiance. Par Ousmane SOW –
Après les premiers mois d’euphorie et d’espoirs, qui avaient accompagné sa nomination, le torchon brûle entre le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) et le Ministre de l’Enseigne-ment supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri). Dans un communiqué publié ce 15 février, le Saes appelle, dans un communiqué, l’ensemble de ses membres à une grève les 18 et 19 février prochains. «Le Saes décrète un mot d’ordre de grève de 48h, les mardi 18 et mercredi 19 février 2025», informe le Bureau national du syndicat, qui demande également aux coordonnateurs de convoquer les assemblées générales de campus le mercredi 19 février 2025.
Le syndicat de l’enseignement supérieur signe par là sa rupture d’avec le ministre Abdourahmane Diouf, qu’il accuse de privilégier des shows politico-médiatiques au lieu d’engager des négociations sérieuses.
A travers cette sortie, le Bureau national répond aux déclarations du ministre selon lesquelles le Saes serait en train de négocier avec ses supérieurs.
«Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri), dans un de ses shows politico-médiatiques qu’il privilégie en réponse aux mots d’ordre du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes), à la place de négociations sérieuses sur les questions qui lui sont posées, a affirmé que le Saes est en train de négocier avec ses supérieurs», répond le Saes qui fustige l’attitude du ministre de tutelle face aux revendications des enseignants-chercheurs. «Il a osé engager la responsabilité du Saes dans la perte du décret modifiant le décret n° 2020-1788 du 23 septembre 2020 portant création d’une allocation spéciale de retraite au profit des enseignants et chercheurs titulaires des universités», s’indigne le communiqué. Or, rappelle le syndicat, le même ministre avait auparavant affirmé que le document était «mystérieusement perdu dans les méandres de l’Administration». Le Saes pose alors une question : «Quel ministre croire ?» Par ailleurs, face à ce qu’il qualifie d’«allégations fantaisistes et malveillantes» destinées à discréditer les enseignants et à les opposer à l’opinion publique, le syndicat estime que ces déclarations ne sont qu’une tentative du Mesri de «fuir ses responsabilités en tant que ministre de tutelle».
«Comment le Saes peut-il perdre un décret qu’il n’a pas présenté au Conseil des ministres ?», s’interroge le syndicat. Revenant sur la genèse du différend, le Saes rappelle qu’il n’a eu qu’une seule rencontre avec le Premier ministre, le 13 décembre 2024, et ce, à la demande du ministre de l’Enseignement supérieur lui-même, qui aurait reconnu «ses limites» dans la prise en charge de la question du décret perdu. «Privilégier, depuis bientôt quatre mois, les sorties médiatiques comme méthode de résolution des problèmes de l’enseignement supérieur à la place de négociations sérieuses avec les acteurs, cela confirme ainsi la rupture unilatérale du dialogue avec le Saes», ajoute le document.
Enfin, le Saes alerte les étudiants, leurs parents et l’opinion publique que, «malgré sa bonne volonté, le mépris et le dilatoire du Mesri sur la question du préavis de grève arrivé à expiration compromettent sérieusement la stabilité du sous-secteur de l’enseignement supérieur». Pour le syndicat, il ne fait aucun doute que la responsabilité des perturbations à venir incombera exclusivement aux autorités. «Aucune responsabilité ne pourrait nous être imputée sur les conséquences désastreuses du dilatoire du ministre de tutelle et du gouvernement sur la stabilisation du calendrier académique», conclut le syndicat.
Les étudiants dénoncent les propos de Abdourahmane Diouf
Par ailleurs, le Collectif des amicales de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) hausse également le ton. Dans un communiqué, la structure estudiantine fustige les récentes déclarations du Ministre de l’Enseignement supérieur (Mesri) qu’elle juge déplacées et injustes. Le collectif rappelle que les étudiants ne sont pas responsables du chevauchement des années académiques ni des lenteurs administratives liées aux inscriptions et aux masters.
«Pourquoi alors les étudiants devraient-ils en pâtir?», dénoncent-ils en parlant de gestion qu’ils qualifient de «défaillante qui incombe à l’Etat et à son Administration». Face aux menaces de suspension des inscriptions brandies par le ministre, les étudiants préviennent. Ils exigent un dialogue réel et des réformes réfléchies plutôt que des décisions unilatérales. «Nous ne tolérerons pas les menaces ni l’intimidation. Toute mesure coercitive, basée sur des menaces ou de l’intimidation, rencontrera une réponse à la hauteur, ferme et unie. Les réformes ne se décrètent pas ; elles doivent être le fruit d’un vrai dialogue social. La bourse est un droit, et les acquis des étudiants sont sacrés et doivent être préservés», ont-ils prévenu.
Pour exposer leur position et répondre aux mesures annoncées, y compris les suspensions d’inscriptions évoquées par le Mesri, le collectif tient une conférence de presse ce matin à 10h. «Nous ne sommes pas des brigands, mais nous ne sommes pas timorés.
Nous appelons le ministre à se concentrer sur les véritables urgences de nos universités, au lieu de s’époumoner dans une lamentation improductive», lit-on dans leur communiqué.
Il faut savoir que le Mesri avait dénoncé la méthode de contestation des étudiants sur la 7Tv lors de l’émission Face à MNF. M. Diouf avait soutenu que les étudiants des universités publiques avaient les mêmes taux de bourse que ceux des Iseg, en plus d’être logés et nourris grâce à une subvention de l’Etat. «Est-ce qu’on les entend râler ou barrer la route ?
C’est une injustice intra-universitaire ?
C’est vrai qu’ils sont l’avenir du pays, mais ils ne l’incarnent pas plus que les jeunes tailleurs, mécaniciens qui sont dans leurs ateliers. Est-ce qu’on les voit barrer la route pour réclamer leurs droits ? Non», avait-il soutenu en wolof. Pour les étudiants de l’Ucad, c’est une vision caricaturale de la réalité.
ousmane.sow@lequotidien.sn