Réponse du Collectif des impactés à la lettre du Directeur général des Ics, M. Alassane Diallo

Suite à la lettre écrite par le Directeur général des Industries chimiques du Sénégal (Ics), M. Alassane Diallo, qui nous est parvenue, nous venons apporter quelques éclaircissements sur le litige qui oppose les impactés et les Ics. Pourquoi une telle situation ? Les Ics ont effectué effectivement des travaux de sondage, mais qui ne se limitent pas seulement aux villages de Gade et Ngomène, comme le prétend le directeur. Ces sondages ont affecté plutôt une vingtaine de villages. Cependant, ce sont sept (7) villages : Ngakham 2, Ngomène, Gade, Ndiané, Ndiakhaté, Ndomor, Dayam-ber qui sont concernés par le paiement de la deuxième phase des sondages, car aucune évaluation n’est encore réalisée dans les villages restants malgré les nombreux dégâts.
Le 20 octobre 2023, une réunion a été convoquée par le sous-préfet (M.Abdoulaye Kharma) à Méouane, en présence de la Commission départementale chargée de l’évaluation des impacts, d’une délégation des Ics et d’une délégation des paysans. Le barème d’indemnisation des travaux de sondage suivant a été confirmé et validé par les deux parties sous la supervision du sous-préfet et de la Commission départementale : · Trou de sondage : 100 000 F Cfa · 650 F Cfa par mètre carré (soit 6 500 000 F Cfa par hectare) pour les mouvements de terrains (les sillons profonds creusés par les engins et véhicules lourds). · Paiement des dégâts aux cultures et espèces arboricoles et forestières.
Dans sa lettre, le directeur des Ics a délibérément choisi de ne pas inclure les mouvements de terrains qui provoquent pourtant des sillons profonds, empêchant toute possibilité d’exploitation de la zone affectée par les paysans. Je le cite : «Phase d’exploration : compensation pour les trous et les dégâts aux cultures…» Ce qui montre clairement sa volonté de ne pas prendre en compte les mouvements de terrains dans l’évaluation des impacts ou de les minimiser, alors que ces derniers font partie intégrante de l’accord conclu avec les paysans. D’ailleurs, cet accord n’est rien d’autre que la continuité du barème utilisé lors du paiement de la première phase des sondages. Donc, une confirmation de l’accord conclu avec l’ex-directeur indien M. Gupta par son remplaçant. Le paiement des impacts de la première phase des sondages s’est déroulé normalement.
La Commission départementale a déjà procédé à l’évaluation des sondages effectués lors de la deuxième phase et les impactés attendent le paiement de leur argent depuis des mois. Par conséquent, l’objet du présent litige est le retard noté dans le paiement de la deuxième phase des sondages. Il n’a jamais été question d’une renégociation et/ou reconsidération du barème d’indemnisation déjà validé. Le directeur des Ics veut faire croire que «… les impactés demandent à ce que soient appliquées les conditions d’indemnisation de l’exploitation à la campagne d’exploration» et soutient même que la société ne s’est jamais engagée à payer la somme que réclament les impactés. Nous lui répondons ceci : -Qui a réalisé les évaluations des impacts ? Seule la Commission départementale est habilitée à évaluer les impacts. C’est cette même Commission départementale qui a donné les conclusions suivantes après évaluation : 103.7 hectares endommagés, 170 trous de sondage, 38 203 espèces arboricoles et forestières détruites, 1251 mètres linéaires de haies vives détruites pour un coût total de 760 405 859 F CFA et 645 impactés. -Pensez-vous que la Commission départementale peut se permettre d’évaluer et de donner ses conclusions sous la supervision du sous-préfet de Méouane et du Préfet de Tivaouane sans une base de calcul valide ? -Pourquoi les Ics ont procédé au paiement de la première phase aux impactés sur ce même barème sans pour autant être d’accord sur le barème ? -Pourquoi le Gouverneur lui-même a dit lors de notre première réunion, le 17 mai 2024, en votre présence, M. le Dg, et en présence de toutes les parties concernées que c’est vous, les Ics, qui avez tort, car vous n’avez pas respecté vos engagements, et que c’est la deuxième fois que vous le faites, après le litige concernant le village de Ndary ? -Pourquoi les villages de Ngakham 2 et de Tobène ont refusé de donner leurs terres avec le barème utilisé pour les villages de Ndary et Thyssé ? Ces deux villages aussi ont été victimes d’une renégociation à la fin des travaux de la Commission départementale indépendante et environ une somme de 4 milliards de réduction a été notée pour le cas du village de Ndary. Cela montre que les Ics ont toujours utilisé cette stratégie de volteface pour duper les impactés. Parlant du premier blocage mi-mai auquel vous faites allusion, quelle en est la cause ? Après avoir reçu les conclusions de la Commission départementale en charge des évaluations, les Ics ont fait une volteface pour renégocier le barème initial en proposant : · 105 F Cfa par mètre carré (soit 1 050 000 F Cfa par hectare) · 100 000 F Cfa par trou de sondage · 50 000 F Cfa par hectare pour la réhabilitation des mouvements de terrains et sillons · Paiement des dégâts aux cultures et espèces arboricoles et forestières. Ce qui représente, d’après les calculs effectués par les Ics, 235 970 699 F Cfa, donc une différence de 524 435 160 F Cfa (760 405 859 F Cfa – 235 970 699 F Cfa). Ce qui ne représente que 31% de la somme établie par la Commission départementale indépendante. Ainsi, les 645 impactés, qui devaient recevoir en moyenne 1 178 823 F Cfa, se retrouvent avec seulement 365 846 F Cfa. Avec 50 000 F Cfa par hectare pour la réhabilitation des mouvements de terrains, sachant que la plupart des paysans n’ont pas un hectare à réhabiliter, les paysans se retrouvent par exemple avec 5000 F Cfa pour 1000 mètres carrés de sillons à réhabiliter. Peut-on louer un tracteur pour faire la réhabilitation des sols avec cette somme ? Cela confirme à nouveau la décision des Ics de ne pas payer les mouvements de terrains ou de les minimiser, alors qu’ils font partie intégrante de l’accord conclu avec les impactés. Après notre première réunion avec le Gouverneur suite au blocage du 15 mai 2024, ce dernier a dit clairement que la somme de 235 970 699 F Cfa proposée par les Ics est dérisoire et insignifiante. De même, il a souligné que les Ics n’ont pas respecté leur engagement, après avoir écouté les différentes parties. Paradoxa-lement, après avoir donné raison aux impactés, le Gouver-neur a souligné que les Ics ne peuvent pas payer les 760 000 000 F Cfa. Il a ensuite levé la séance en demandant au préalable aux paysans de lui accorder un délai pour qu’il puisse discuter avec les Ics avant de nous revenir. Par la suite, le Gouverneur a convoqué une deuxième réunion en proposant aux Ics le barème de : · 2 100 000 F Cfa par hectare au lieu de 1 050 000 F Cfa que proposaient les Ics. · Un forfait de 50 000 F Cfa par impacté pour la réhabilitation des sols · 100 000 F cfa par trou de sondage · Paiement des dégâts aux cultures et espèces arboricoles et forestières. Demandant à la Commission départementale de faire le calcul avec sa proposition, cette dernière a trouvé la somme de 344 000 000 F Cfa (533 000 en moyenne par impacté), soit seulement 45% du rapport initial établi par la commission départementale. Mme Sandrina et M. Mendy (directeur de la production d’acide phosphorique), qui représentaient les Ics lors de cette deuxième rencontre, n’ont pas accepté la proposition du Gouverneur car, disent-ils, les techniciens des Ics ont trouvé 213 000 000 F Cfa. Les paysans n’ont même pas pris la parole lors de cette deuxième réunion, car le Gouverneur qui a levé la séance suite au fait que Mme Sandrina n’acceptait pas sa proposition de 344 000 000 F Cfa. C’est le lendemain, lorsque les impactés sont sortis bloquer la production de phosphate sur le site minier de Tobène, que le sous-préfet de Méouane est revenu dire que les Ics ont finalement accepté de payer les 344 000 000 F Cfa proposés par le Gouverneur, et sans même donner aux paysans l’occasion d’avoir leur mot à dire. Donc vous voyez que la somme de 344 000 000 F Cfa dont parle le Directeur général des Ics, ne vient même pas des Ics, mais plutôt du Gouverneur, sans le consentement des impactés. Paradoxa-lement, le Gouverneur avait souligné pourtant, lors de la première rencontre, qu’il n’imposerait jamais une quelconque proposition aux impactés après avoir discuté avec les Ics. Nous rappelons que nous ne demandons que le respect des engagements pris par les Ics sous la supervision du sous-préfet de Méouane (M. Abdoulaye Kharma) et des membres de la Commission départementale en charge de l’évaluation des impacts. Nous prenons à témoin la Commission départementale pour confirmer l’accord initial signé le 20 octobre 2023 à Méouane et qui a abouti aux 760 000 000 F Cfa, car c’est elle-même qui a en était l’initiatrice dans le but de prévenir d’éventuels conflits entre les parties prenantes. Nous rappelons que les impactés sont pacifiques et n’ont causé aucun dégât ou destruction de matériels et ou véhicules ou autres des Ics. Cependant, nous continuerons à réclamer ce qui nous revient de droit jusqu’à ce que les Ics respectent ses engagements, à savoir le paiement de la totalité des 760 000 000 F Cfa et l’évaluation des impacts restants. Nous terminons par dire qu’un directeur responsable et qui mérite du respect et de la considération ne doit pas donner de fausses informations, surtout aux autorités et à ses collègues.
Le Collectif des impactés par les Ics