Pris de court par les émeutes de mars, le Sénégal a longtemps tendu l’oreille pour entendre la voix de son Président. Le 8 mars, Macky Sall, visage grave, ton solennel, s’adresse aux Sénégalais en essayant de calmer les esprits des jeunes encore en surchauffe.Par Ousmane SOW
– Entre le 8 mars et le 3 avril, le Président Sall tient deux discours pour apaiser les cœurs et éteindre le feu. Après l’inculpation de Ousmane Sonko pour viol présumé sur Adji Sarr, le Président Sall, dont la parole a été réclamée depuis plusieurs jours, brise le silence dans un discours à la Nation. Ce n’était ni le 31 décembre ni le 3 avril. Mais le 8 mars, montrant la gravité de la situation. Le chef de l’Etat ne nomme pas Ousmane Sonko dans son discours, mais sur cette question qui est à l’origine de ces manifestations, il dit : «Sur l’aspect judiciaire de cette crise, laissons la Justice suivre son cours en toute indépendance. En ce qui me concerne, j’userai de tous les pouvoirs que me confère ma charge pour consolider le retour au calme et à la sérénité, dans l’intérêt supérieur de la Nation, la sécurité des personnes et des biens, la défense de la République et la préservation de nos institutions démocratiques.»
Pendant presque 5 jours, le pays est divisé, les tensions exacerbées. Lui essaie de redevenir le trait d’union. «Nous sommes une seule famille, unie par une histoire qui nous assigne un destin commun», a-t-il dit. Il exhorte à «régler nos divergences autrement que par la violence destructrice». Pour lui, le «vivre-ensemble, la paix, la sérénité, la liberté, la démocratie, la diversité, le calme» doivent primer sur «nos rancœurs». Le Président Sall a remercié les émissaires des khalifes, le clergé, les coutumiers, l’opposition, la Société civile, le patronat, les syndicats pour leurs «sages conseils et recommandations» dans des «moments de doute». Au nom de la journée du 8 mars, il invite les forces vives de la Nation à l’apaisement pour «honorer la femme sénégalaise».
«Jeunes, je comprends vos inquiétudes et préoccupations», enchaîne Macky Sall, qui insiste sur le rôle et le poids de la médiation des régulateurs sociaux. «J’ai écouté et entendu leur message.» Il dit avoir compris la colère qu’il explique par «l’impact de la crise économique» engendrée par la crise sanitaire, la pauvreté, l’angoisse. Parmi les raisons de ces manifestations qui ont fait tache d’huile, il retient la quête d’un «avenir meilleur», mais aussi les «restrictions sociales» et d’autres «privations» comme les espaces de loisirs et de détente. C’est pourquoi, «à la faveur de la campagne de vaccination en cours et de l’amélioration de la situation Covid-19», il annonce l’allègement du couvre-feu à Dakar et Thiès qui passe désormais de minuit à 5h du matin. Et dans le même esprit d’apporter des réponses à la situation des jeunes, il a décidé d’une «réorientation des allocations budgétaires» pour davantage renforcer la formation et l’emploi.
Ecœuré par la destruction des édifices publics, des symboles de l’Etat, des institutions, des commerces, entre autres, il regrette que «des enfants et des femmes ont été mis, de façon organisée, en première ligne dans les scènes de casses et de pillages». Il salue le comportement des Forces de défense et de sécurité qui ont fait «preuve de professionnalisme, de discernement, de retenue ; autrement, le bilan aurait été plus lourd». «Voyageurs dans le temps, nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres», conclut-il ainsi son discours. Le soulagement est grand dans un pays qui commence à reprendre ses esprits, à entreprendre le nettoiement des rues.
Champ lexical
Le 3 avril, il reprend la parole : le champ lexical est presque le même. En 20 minutes de français et 15 de wolof, il a fait comprendre qu’il a vraiment compris le message des «émeutiers». Dans son discours du 3 avril, il insiste sur ce qui nous «rassemble», nos «diversités», notre «vivre-ensemble», notre «pays indivisible», notre «pluralisme intégrateur», notre pays de «paix et de convivialité». Il insiste sur la préservation de «cet art de vivre bien sénégalais», qu’«il ne saurait y avoir de place pour le particularisme, quel qu’il soit», que «les ressorts de la Nation sénégalaise sont solides», que nous gardions à l’esprit «ce qui pourrait les affaiblir», que nous «évitions tout propos et tout comportement qui pourraient les fragiliser». Macky Sall appelle au «respect des institutions et des principes» de la République que «nul n’a le pouvoir, ni le droit de mettre en péril».
Face à des jeunes notamment, révoltés, pillards, et casseurs…, tétanisés par la peur de l’avenir, le Président Sall promet un traitement de choc : «J’ai décidé d’allouer, dès le mois de mai, 80 milliards de F Cfa au recrutement de 65 mille jeunes», avec un quota spécial réservé au recrutement de 5000 enseignants. C’est le programme Xeeyu ndaw ni…
«C’est une affaire regrettable»
«Encore une fois, c’est une affaire regrettable. Je ne sais pas ce qu’il en est dans le fond et je ne peux pas souhaiter, même à mon pire adversaire une telle situation. Il y a une accusation, une procédure en cours, et il ne faut pas mêler le Président à des choses qui ne le regardent aucunement», a déclaré Macky Sall.