Reportage – Célébration de la Fête du 1er mai : Un jour de plus pour certains travailleurs de l’informel

Le 1er mai, plus qu’une fête, est une occasion pour les travailleurs et syndicats de déposer leurs doléances auprès des autorités étatiques. Il existe cependant des acteurs de l’économie sénégalaise pour qui cette fête du travail n’est qu’un jour de plus. Actifs dans des unités informelles ou inscrits à leur propre compte, ils se contentent d’avoir une activité et de la gérer dans une relative discrétion, loin du regard étatique.
Par Abdoul R. KA – L’essentiel de l’économie sénégalaise est informel. Selon une étude de l’Ansd, «en 2017, quel que soit le secteur institutionnel (agricole ou non agricole), hormis le secteur public, plus de 97% des emplois sont informels». Ils sont donc nombreux ces travailleurs qui participent activement à l’irrigation de l’économie nationale sans pour autant être les plus visibles quand on les regarde sous le prisme de la protection sociale, de la réglementation ou du système de tenue de compte. En effet, est considéré comme relevant de l’informel, l’emploi dans lequel «l’employeur ne verse pas de cotisation au titre de la protection sociale de l’employé ou bien le chef d’unité de production détient une unité informelle».
Dans les marchés, les coins de rue et même en pleine circulation, ces acteurs de l’informel -employés ou travailleurs indépendants- se révèlent comme les figures et bras actifs d’une économie dynamique, grouillante et souvent brouillée. Il suffit d’observer les préparatifs de la fête de Korité pour s’en convaincre. Omar Dia, vendeur de poulets au marché de Rufisque, est envahie par la clientèle. Entre la cage grillagée où il garde ses sujets immaculés et le petit espace à l’écart qui lui sert d’abattoir, il multiplie les va-et-vient et prend par moments le temps de ranger avec soin les billets dans son sac porté en bandoulière. Les affaires ont l’air de bien marcher pour le trentenaire. Il le confesse d’ailleurs. Elles marchent si bien qu’à l’évocation du 1er mai, il répond : «Tant qu’il est possible de vendre, il faut travailler ; férié ou pas.» «Je travaille avec mon frère. On se partage les tâches et le peu qu’on gagne», poursuit-il. Son business se résume à cela : se fournir auprès des aviculteurs, chercher une marge par tête et partager les bénéfices. Pour lui donc, «pas besoin d’écrire ou de déclarer quoi que ce soit».
Un autre vendeur, dans le même alignement, a sensiblement le même mode de fonctionnement. «Il faut un minimum d’organisation dans le commerce et nous essayons de le faire avec nos petits cahiers», dit-il en montrant un tas de feuilles enroulées et tachées par endroits de rouges. «C’est rarement une bonne chose de voir un agent de l’Etat ici», dit le jeune homme, qui n’exclut cependant pas de formaliser son activité quand elle sera un peu plus florissante.
Khady Diouf est aussi ce que l’on pourrait qualifier aussi de travailleuse informelle. Trouvée au marché de Thiaroye, entourée de ses légumes, elle explique : «Si je dois payer quelque chose pour l’entretien du marché ou parce que j’occupe une place ici, je le fais. Autrement, je n’attends rien. L’Etat ne me connaît pas. C’est donc compliqué de lui soumettre mes difficultés.» Pour régler certaines de ces difficultés, la dame confie participer à des tontines avec d’autres femmes du quartier et au marché. «On s’organise comme on peut. Le reste, on le confie à Dieu», dit-elle.