A Lompoul village, le sentiment le plus partagé est la désolation et la déception. Les promesses de la société minière Grande Côte Operations (Gco) n’ont pas été tenues. A Wouro Djiby Ka, la mine tourne à une cinquantaine de mètres de la demeure de la famille Ka, encore en attente d’être relogée. Par Mame Woury THIOUBOU –

Pendant que la jeune femme rassemble le bois mort qui servira à la cuisson du repas, les moutons et les chèvres bêlent de plus belle. Dans leur enclos, ils sentent sans doute les vibrations de la machine infernale qui, à une cinquantaine de mètres de là, brasse des cargaisons entières de sable. Dans un ballet bien réglé, les pelles mécaniques alimentent la drague, la machine qui sert au traitement du sable dans ce coin du désert de Lompoul. Par des procédés uniquement «mécaniques» selon la société Gco, la machine va séparer le sable du zircon et des quelques autres métaux rares que contient le sol. Depuis quelques mois, la famille de Ibrahima Ka vit un cauchemar. Aux bruits, à la poussière et aux émanations, se sont ajoutées les vibrations du bâtiment quand la drague commence son œuvre. Installée depuis plusieurs décennies sur ce site, la famille doit être relogée ailleurs, mais la maison qui doit les accueillir n’est toujours pas prête. Alors la compagnie continue d’avancer et de broyer du sable. «Quand on est dans les chambres, les machines font vibrer les murs. Ils sont au courant, mais ils tardent à trouver une solution. On veut juste être en sécurité», lance, comme un appel au secours, Ibrahima Ka, qui a pris la suite de son père à la tête de ce petit hameau d’éleveurs et d’agriculteurs. Autour de la maison, un vaste champ de ruines. Le sol, asséché, a vu ses rares arbres violement arrachés de la terre. Ils gisent en tas aux limites de la mine. A quelques mètres de là, ce qui fut un champ. Des arbres fruitiers, il ne reste plus qu’un maigre papayer et un citronnier. Les feuilles totalement desséchées, ils ne tarderont pas à mourir. Des morceaux de tuyaux, à moitié enfouis dans le sol, témoignent de l’existence d’un système d’arrosage. Mais désormais le puits est à sec. «Tous les agricultures sont devenus pauvres à présent. Parce que Gco n’a pas respecté ses engagements», déplore Serigne Mar Sow du Collectif de défense des Niayes à Lompoul. «On ne peut plus cultiver nos champs ici et le site de recasement n’est pas encore aménagé», souligne Ibrahima Ka.

Aujourd’hui, les jeunes du village sont amers. Leur seul espoir, une intervention des autorités pour rappeler à l’ordre le géant minier. «Nous comptons sur le gouvernement pour qu’ils nous indemnisent à un juste prix. Mais ici, après avoir démantelé les champs, les gens se retrouvent sans rien parce qu’ils n’ont pas reçu suffisamment pour retrouver une nouvelle terre. C’est injuste !», s’insurge l’un d’entre eux. Avec le passage de la mine, ce sont de gros problèmes qui sont apparus en matière d’approvisionnement en eau. Les énormes besoins de la drague ont une répercussion directe sur la nappe phréatique. Résultat, les puits sont souvent à sec et quand ils ont de l’eau, c’est une eau à la qualité douteuse, dénonce Serigne Mar Sow. Depuis notre passage à Wouro Djiby Ka, Ibrahima et sa famille ont été délogés et installés à Lompoul sur mer. Comme des centaines d’autres villageois, ils attendent les nouvelles maisons promises.
mamewoury@lequotidien.sn