Au rythme des vagues et des chants des pêcheurs, les pirogues traditionnelles d’Elinkine sont pleines de vie chaque jour au moment de la traversée vers les îles voisines de Carabane et d’Efrane. Un spectacle maritime vibrant qui mêle habilement tradition et aventure.

Par Ousmane SOW – Il est  presque 12h. Le périple vers Carabane débute par une courte traversée en bateau depuis Elinkine. L’approche de l’île offre un spectacle visuel captivant, avec ses mangroves luxuriantes et ses plages de sable doré. Il est 13h : Au pied de la plage à Elinkine, la pirogue du nom d’Iris renaissance, immatriculée ZG 6012 CS, qui assure la desserte, se présente. A côté, les pêcheurs, experts dans l’art ancestral de naviguer, préparent leurs pirogues colorées pour la traversée. Des filets de pêche délicatement disposés, des vivres soigneusement emballés, tout est orchestré dans une chorégraphie millénaire. La destination : l’île de Carabane, une île connue pour ses plages de sable blanc, ses eaux turquoises et sa végétation luxuriante. «De Elinkine, on va tous embarquer dans une pirogue motorisée pour visiter l’île de Carabane et l’île d’Efrane», déclare le guide, Lamine Diop Sané. Habillés de gilet de sauvetage, les voyageurs se mêlent à l’agitation, impatients d’embarquer pour cette aventure maritime qui s’inscrit dans le cadre de la 16e édition du Festival Koom-Koom de Ziguinchor (du 13 au 17 décembre). «La traversée dure 30 minutes. Mais une fois à côté de la base militaire, il ne faut surtout pas filmer», avertit le président des guides touristiques de la région de Ziguinchor, Lamine Diop Sané. Le timonier met le moteur en branle et engage le large. Lorsque la pirogue s’éloigne du rivage, une symphonie de rames fouettant l’eau s’entrelace avec les rires des passagers. A la porte d’entrée de l’île, on voit la base militaire de Carabane, gardienne discrète de la sécurité de la région, contribuant également à la surveillance des voies maritimes avoisinantes. Toujours devant l’entrée principale des lieux, les pirogues font une pause. «Carabane signifie l’autre côté de la rive en langue diola», avance le guide, rappelant que ce nom poétique reflète à la fois, la position géographique de l’île, mais aussi son rôle de pont entre les différentes cultures et époques.

Cimetière de Carabane, un sanctuaire de sérénité
L’île de Carabane abrite un trésor souvent omis dans les récits des voyageurs intrépides. Son cimetière, une nécropole envoûtante qui raconte des histoires silencieuses, tissées dans le tissu du temps. Sous le couvert des palmiers majestueux, les tombes érodées par les vagues du temps témoignent d’une histoire riche et complexe. C’est Lamine Diop Sané, conteur passionné des trésors cachés de la Casamance, qui se fait encore le guide de ce sanctuaire du passé, révélant les secrets cachés derrière chaque stèle. «Derrière moi, c’est la tombe du capitaine Aristide Protêt. Il avait le commandement militaire français, mais il n’était pas bienveillant envers les Africains», explique-t-il, les yeux brillant d’une fierté mêlée de respect. Le cimetière, bien que calme, suscite également des questions. Des sépultures anonymes rappellent des épisodes douloureux. Les pierres tombales, certaines effacées par les embruns salés, portent le poids de l’oubli. «L’histoire n’est pas facile à raconter, mais nous le devons pour que les générations qui arrivent puissent comprendre l’histoire de l’île de Carabane, notamment entre les Européens et les Africains », déclare-t-il, en contemplant l’horizon marin. Plus loin, il y a aussi le cimetière des musulmans. Ici, le cimetière des catholiques et celui des musulmans sont séparés. «L’île Carabane est composés essentiellement de populations musulmanes, mais il y a aussi des chrétiens. Il n’y a pas de problème. On vit tout le temps en harmonie. On fête ensemble», dit-il, soulignant que la population tourne autour de 600 habitants.

Un éclat de diversité religieuse
Au cœur de l’île baignée par les eaux salées de l’Atlantique, une scène unique défie les clichés et célèbre l’harmonie religieuse. Une église s’érige fièrement à proximité de la mosquée, créant un tableau vivant de coexistence religieuse. Ici, les fidèles, chrétiens et musulmans, partagent ce petit coin de terre avec respect et compréhension. Jean-Claude, un résident de Carabane, souligne l’importance de cette proximité unique. «Ici, la foi transcende les frontières religieuses. Nous vivons en paix, apprenant les uns des autres», explique ce touriste français. D’après lui, la coexistence pacifique entre ces deux lieux de culte révèle une vérité profonde sur cette île. «La diversité n’est pas une source de division, mais plutôt un pilier fondamental de l’unité», a-t-il soutenu. Carabane, au-delà de son aspect pittoresque, devient ainsi un lieu où les différentes facettes de la foi coexistent en paix. L’église, la mosquée et le cimetière, chacun à leur manière, contribuent à la riche tapisserie de cette île, offrant aux visiteurs une leçon vivante de tolérance et d’unité spirituelle.

Les habitants réclament l’accès à l’eau potable et l’électricité
Sur les eaux calmes de l’Atlantique, l’île de Carabane se pare de ses paysages idylliques et de sa riche histoire. Cependant, derrière la sérénité de cette île, les habitants font face à des défis cruciaux qui entravent leur qualité de vie, à savoir le manque criard d’eau potable et d’électricité. Dans cette île, les quelques rares touristes rencontrés déplorent tous le manque d’électricité et d’eau potable. Evidemment, désireux de progrès, les habitants réclament avec ferveur, l’accès à l’eau potable et l’électricité, mais aussi appellent à stopper l’avancée de la mer. «Depuis presque plus de 2 ans, l’eau n’à pas coulé de ce robinet. Nous allons au puits pour puiser de l’eau tous les jours et c’est très difficile. Nous voulons vraiment de l’aide », plaide cette mère de famille. Abondant dans le même sens, Josiane Marie Diatta précise qu’il est difficile pour eux de charger leur ordinateur et leur téléphone portable. «Parfois, c’est très difficile de nous connecter ou même de suivre mes cours. Je charge mon ordinateur à l’église ou parfois au niveau de la mosquée ou des fois à l’hôtel », déplore Josiane Marie Diatta, étudiante à l’Université numérique Cheikh Hamidou Kane (Uv).

Efran, un campement pour freiner l’immigration
Bien loin des itinéraires touristiques habituels, l’île d’Efrane émerge des eaux de la Casamance, révélant une mosaïque enchanteresse de traditions préservées, d’accueil chaleureux et d’une nature qui défie l’épreuve du temps. Il est 16 heures. A l’arrivée sur cette île préservée, les regards sont immédiatement captivés par l’accueil amical de Mamadou Ndiaye, chef du village d’Elinkine. Propriétaire de ce campement, le chef vénéré d’Elinkine incarne la sagesse et le leadership. «J’ai édifié ce campement depuis 2003 pour recevoir les voyageurs qui arrivent de partout. J’ai créé ce campement pour freiner l’immigration clandestine, travailler avec les enfants du pays. Il y a des gens qui essayent de partir sans diplôme, sans rien», dit-il, fièrement. Visage empreint de sagesse et son regard empreint de bienveillance témoignent d’une vie dévouée à guider sa communauté. Sa présence tranquille, alliée à un profond attachement aux traditions, fait de lui le pilier incontesté de la commune de Mlomp (Oussouye). «Nous sommes les ambassadeurs de ce pays, le Sénégal. Je suis aussi un pilier de cette formule de campement de tourisme rural. Donc, si nous n’avons pas de tête, on ne peut pas faire avancer ce pays-là. Dans cette île, énormément de monde débarque et les gens sont très contents. C’est extraordinaire. Il y a ici quelque chose de magique», se réjouit-il.